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Maxime Lestienne, plus qu’un joueur, un placement financier
Il y a un peu plus d'un an, Maxime Lestienne quittait le FC Bruges pour Al Arabi. À seulement 22 ans, l'international espoir succombait aux pétrodollars et à un deal totalement atypique : être propriété du club qatari pour ne jamais y jouer, mais au contraire enchaîner les prêts afin d'être revendu au prix fort. Après un échec au Genoa, le Belge poursuit son opération valorisation sous les couleurs du PSV Eindhoven.
Fin août 2014, alors considéré comme un futur grand du football belge, Maxime Lestienne décide de quitter le FC Bruges pour rallier le Qatar et Al Arabi. Un choix curieux à 22 ans, alors qu’à l’époque, on dit que le Milan AC et Wolfsburg sont sur les rangs. Dans l’affaire, Bruges n’est pas à plaindre : un chèque de 7 millions pour lâcher sa pépite, cela aide à fermer les yeux sur la destination atypique. D’autant plus que dans le club belge, on comprend vite que Lestienne n’a pas signé pour découvrir les joies de la ligue qatarie : « J’ai été contacté par son agent qui m’a expliqué qu’il avait un accord avec les Arabes au niveau financier. C’était donc à nous de trouver un accord, le plus cher possible, car c’est notre boulot (rires).J’ai proposé de faire un transfert, puis de le prêter tout de suite chez nous » , se souvient Vincent Mannaert, directeur sportif brugeois sentant la bonne affaire financière. Mais le milieu offensif n’a pas envie de rester en Belgique, et comme il l’explique dans Foot Magazine, c’est lui qui « décide où je veux aller. Si Al Arabi est d’accord et qu’au niveau business cela leur convient… » Son agent, Mikkel Beck, ne s’en cache pas : entre son client et les Qataris, c’est du business, pas du sport. « Il n’a pas signé pour jouer là-bas, et l’idée n’est pas de rester cinq ans sous contrat avec Al Arabi, il est trop ambitieux pour cela. »
Au PSV Eindhoven pour se montrer
Pour Lestienne et son agent, ancien footballeur de Lille, Al Arabi est un partenaire pour que le joueur soit prêté dans des clubs européens et se développe jusqu’à être revendu définitivement à bon prix. « On veut que Maxime joue au plus haut niveau possible, Al Arabi veut faire la plus grande plus-value possible, rien d’illogique. » Ce nouveau business-model qui fait clairement d’un footballeur une valeur spéculative n’a pas fonctionné d’entrée pour Lestienne, dont la saison 2014-2015 au Genoa est un calvaire. Mikkel Beck l’explique par une arrivée tardive en Italie, car « il avait manqué la préparation vu que son transfert s’est fait au dernier moment, et donc l’équipe type était déjà en place et tournait bien. »
Le Genoa finira sixième, et Lestienne changera rapidement de crèmerie pour atterrir au PSV Eindhoven courant juillet. Le temps de se préparer convenablement et de s’installer sur le flanc gauche de l’attaque des Néerlandais. « Le PSV, c’était notre choix » , assure Mikkel Beck, comme pour enfoncer le clou concernant la liberté de son protégé. Du côté d’Al Arabi, on aurait eu tort de refuser de placer son « asset » dans l’une des équipes les plus compétitives d’Eredivisie avec carte de fidélité en Ligue des champions.
« Il devait signer au Milan AC »
Dans la reine des compétitions européennes, le Belge a l’occasion de voir sa valeur marchande exploser, lui qui a délivré deux passes décisives contre Manchester United (2-1) avant de planter deux fois sur la pelouse du CSKA Moscou (2-3). Pas encore convoqué avec les Diables rouges, l’international espoir espère franchir un palier aux Pays-Bas, histoire d’attirer un plus gros poisson. « Il sait ce qu’il a à faire pour signer définitivement dans un gros club » , assure Mikkel Beck, pour qui on voit le vrai niveau de son joueur actuellement. Mais pour le Danois, l’avenir n’est pas forcément loin d’Eindhoven, « un club où Maxime se sent bien, où il a retrouvé beaucoup de rigueur et de professionnalisme. Si c’était le PSV qui rachetait ses droits à Al Arabi, il en serait content. »
Car cet accord avec le club qatari, s’il a été indéniablement motivé par des raisons financières, n’en reste pas moins un choix par défaut. Au départ, il devait signer au Milan AC, « mais le club devait vendre avant, et quand on est arrivé fin août, on ne pouvait plus les attendre » , rappelle Beck. Quant à l’intérêt de Wolfsburg, autre grand club prétendument sur les rangs, l’agent danois assure que « c’était six mois plus tôt » . Une époque où Bruges avait réussi à obtenir la prolongation du jeunot pour ne pas qu’il quitte le navire gratuitement.
Contrat béton
Finalement, grâce à Lestienne et son agent, tout le monde s’est retrouvé gagnant : Bruges avec un pécule de 7 millions d’euros, Al Arabi avec un joyau à dégrossir, et le joueur lui-même avec un contrat béton. Mais le choix assumé d’être un placement financier n’a pas forcément plu en Belgique, le milieu de Bruges Víctor Vázquez allant jusqu’à dire dans Het Nieuwsblad à propos de Lestienne et de son échec au Genoa que « quand on n’a rien dans la tête, c’est plus difficile » . Pour Mikkel Beck, les critiques étaient prévisibles, « car il y a toujours des gens qui ne connaissent pas les situations, mais qui aiment juger, mais cela ne nous a jamais perturbés » .
Quant à un début de polémique sur le fait que son joueur ne serait pas la propriété d’un joueur, mais d’un fonds d’investissement, Mikkel Beck se veut clair : « Ce n’est pas le cas, légalement le transfert n’aurait pas été validé par la FIFA. Le contrat de Maxime appartient à Al Arabi, et malgré tout ce qui peut se dire, pour le moment on ne regrette pas ce choix. Maxime progresse et le pari initial de signer définitivement dans un grand club est encore possible. » Tout comme la grosse plus-value pour Al Arabi.
Par Émilien Hofman et Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par EH et NJ