- Liga
- J11
- Getafe-Grenade
Maxime Gonalons : « Pourquoi on se fixerait des limites ? »
Il y a quelques jours, Iker Casillas était clair : quelque chose est bien en train de se passer en Espagne, et ce quelque chose pourrait bien être l'émergence d'un Leicester à la sauce andalouse. En déplacement à Getafe jeudi soir, Grenade, promu en Liga l'été dernier, a en effet la possibilité de récupérer la tête du championnat. Arrivé l'été dernier dans le club, Maxime Gonalons explique un peu le pourquoi du comment.
Dimanche dernier, à l’heure de la sieste, Diego Martínez, 38 ans, a eu « la chair de poule » . La faute à qui, à quoi ? À un petit quelque chose qui n’aurait, selon son propre aveu, jamais dû arriver : face au Betis, Grenade a décroché sa sixième victoire de la saison (1-0), la quatrième à domicile – la quatrième bouclée avec un clean sheet, aussi – et le natif de Vigo a soudainement vu sa bande être propulsée sur le trône de la Liga, une première depuis 46 ans. « Impensable » , selon lui, mais pourtant réel, alors qu’il y a quelques mois encore, Grenade était en Segunda División. En revenant dans l’élite, l’objectif n’était alors pas de gagner, mais de survivre, avec une grande majorité de joueurs qui n’avaient jamais connu la Liga, un coach puceau en première division en tant qu’entraîneur principal (Martínez a quand même été l’adjoint de Míchel et d’Unai Emery à Séville, N.D.L.R.) et un revenant : Roberto Soldado, exilé en Turquie depuis l’été 2017. Aujourd’hui, le club andalou est surtout sous les projecteurs, à l’heure de se déplacer à Getafe, où Grenade pourrait récupérer la tête. Ça méritait bien un coup de fil à Maxime Gonalons, qui a déboulé au milieu de cette drôle d’histoire il y a quelques semaines.
Comment t’es-tu retrouvé à Grenade cet été ?Les contacts ont été noués à quinze jours de la fin du mercato par l’intermédiaire du directeur sportif du club, Antonio Cordon, qui était à l’AS Monaco lorsque le club a été en demi-finale de la Ligue des champions et a été champion de France en 2017. Il m’a appelé, a contacté mon agent, les dirigeants de la Roma et on a rapidement discuté du projet, du fonctionnement du club… Il m’a expliqué d’où le club venait, son histoire, et m’a laissé un temps de réflexion pour prendre ma décision. Au fond, je savais ce que je voulais parce que mon envie était de revenir en Liga, malgré la saison galère que j’ai eu l’an passé à Séville. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret.
Qu’est-ce que tu connaissais de Grenade avant d’arriver ?Pas grand-chose de la ville, même si ça reste l’Andalousie, et pas grand-chose du club, même si Pape Diakhaté a joué quelques années ici et m’en avait parlé. Mais bon, quand Antonio Cordon m’a appelé, j’ai commencé à me renseigner sur le club, les ambitions des dirigeants… Avec l’expérience, je connais un peu de monde, on m’a rassuré et j’ai foncé.
Concrètement, qu’est-ce qu’on t’a vendu ?Une façon de jouer et c’est ce que je voulais. Je sais que Grenade a connu quelques difficultés ces dernières années, mais que depuis que le club a été racheté par un groupe chinois (Link International Sports Limited, N.D.L.R.), il s’est stabilisé. Je savais aussi que peu de joueurs avaient connu le très haut niveau, mais pour être franc, j’ai été très surpris du niveau sur les premières séances. Avant de venir, j’avais regardé les premiers matchs de la saison, je me suis un peu renseigné sur la pré-saison, et tu sentais la qualité de l’effectif. Moi, mon rôle là-dedans est d’amener mon vécu et de faire ce que je sais faire. On m’a recruté pour ça. Je donne aussi des conseils à certains joueurs, qui me posent beaucoup de questions sur mon vécu. Et sincèrement, je me régale.
Pourquoi ? Parce que c’est un foot qui me correspond, le foot pour lequel j’ai été formé. C’est aussi simple que ça. En Espagne, toutes les équipes jouent. Ce que je retrouve aujourd’hui, c’est ce que j’ai connu à Lyon : du jeu de passes, du jeu, un football très technique… Tout est basé autour du contenu.
Tu t’imaginais taper le Barça au bout de quelques semaines ?Non, évidemment… (Rires.) C’est sûr que ce qu’on vit ensemble depuis le début de saison est extraordinaire. Mais on est humbles, parce que dans le foot, ça va vite, et je sais de quoi je parle… Donc on ne se prend pas pour d’autres, on ne se fabrique pas d’illusions, on joue, point. C’est aussi ce que nous demande le coach. Tout le monde au club est très lucide sur la situation, même s’il ne faut pas se donner de limites. Pourquoi on s’en fixerait, d’ailleurs ? On a simplement compris, avec ces premières journées, qu’on a notre mot à dire. On démontre qu’on est capables de faire certaines choses, de très bonnes même… Et le coach y est bien sûr pour quelque chose. On parle beaucoup de son inexpérience, mais il a quand même été l’adjoint d’Unai Emery à Séville, il a entraîné la réserve de Séville, il amène clairement sa patte. Et surtout : il nous dit les choses.
C’est quoi cette patte ? On joue, tout le temps, peu importe contre qui, peu importe quand, on joue. La base de notre jeu, c’est ça, mais aussi une grosse solidité défensive (cette saison, Grenade n’a vraiment craqué que deux fois défensivement, à Villarreal (4-4) et face au Real (2-4), N.D.L.R.) et une grosse agressivité. Il y a aussi un désir de récupérer rapidement le ballon, un contre-pressing, avec un bloc très haut. C’est un football positif.
Vous en avez parlé avec Nabil Fekir dimanche dernier ?Oui, on a parlé un peu avant le match, un peu pendant, après aussi, mais il n’était pas très content… (Rires.) Il nous a félicités, mais je suis aussi content pour lui parce que la Liga est un championnat fait pour lui. On sent qu’il prend du plaisir, on a reçu la même formation… Ici, on s’éclate. Il y a tout pour.
Même une belle ville.C’est clair ! J’ai vécu pendant un mois et demi dans le centre-ville, donc j’ai eu le temps de découvrir les petits endroits, de me faire mes petites adresses. Ici, les gens sont tranquilles, c’est un peu comme à Séville. Au stade, c’est plein à chaque fois.
L’Andalousie, il y a quand même pire comme cadre… Bon, là, il y a la Sierra Nevada pas loin, donc il fait un petit peu plus frais qu’à Séville, mais on ne va pas se plaindre non plus.
Surtout après une saison aussi galère sur le plan perso. C’est clair et je travaille encore aujourd’hui pour combler le petit retard que j’ai pu prendre. C’est aussi pour ça qu’actuellement, je savoure… La saison dernière a été très compliquée, honnêtement. Je n’avais jamais vraiment connu une grosse blessure et là, j’ai presque été obligé de m’arrêter un an. J’ai enchaîné fracture du péroné, fracture de la cheville et rupture du tendon de l’adducteur… la totale. Il a fallu que je me relève de ça, et mentalement, ça n’a pas été évident. Finalement, je me dis que ça fait partie d’une carrière, même si ça a été assez difficile à vivre de ne pas faire ce que j’aime le plus au monde pendant un an. Je n’ai pas réussi à me couper du foot, j’aime trop ça, c’est impossible, donc je regardais quand même beaucoup de matchs à la télé. Il y a bien pire que ça dans une vie et cet été, j’ai bien bossé avec la Roma pour me préparer à partir ensuite.
Il n’y avait aucune chance de te voir rester en Italie ?Non, aucune. Avec la Roma, les choses étaient claires. Les dirigeants savaient que je voulais retrouver le football espagnol. Là, je suis prêté avec une option d’achat automatique en cas de maintien et si je joue plus de 25 matchs avec un minimum de 45 minutes dans la saison. Pour l’instant, j’en suis à trois, donc on va continuer à bosser. Mais je crois fort en cette aventure. Ce n’est qu’un début.
Propos recueillis par Maxime Brigand