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Max Cavalera : « Mon rêve serait de jouer un concert avant un match du Brésil »
Alors que la bande de Neymar fait son entrée en lice dans la Coupe du monde ce jeudi face à la Serbie, Max Cavalera se livre sur les chances de la Seleção et son rapport au sport roi. Grand passionné de football, l'ancien leader de Sepultura, désormais chanteur de Soulfly, espère retrouver la mentalité de la génération 2002.
Salut Max. Quels sont tes souvenirs les plus fous de la Coupe du monde ?Le plus mémorable, c’est 1994, on était aux États-Unis pour un concert avec Pantera. On avait des billets pour la finale, donc on a pris le bus de la tournée pour aller au stade, on a regardé le match, le Brésil a battu l’Italie, et ensuite on est partis faire le concert. Tout le monde portait des maillots du Brésil, c’était complètement fou. Je crois qu’on n’a joué que quelques chansons, et puis c’est juste devenu une session d’impro à la batterie. (Rires.) Sacrée journée.
Que penses-tu de l’équipe du Brésil cette année, elle fait un peu peur, non ?C’est le problème. Le Brésil a toujours l’air très fort, mais c’est autre chose d’être performants. Après la défaite à domicile (en 2014, NDLR), certains anciens joueurs disaient qu’il manquait la mentalité de gagnants de 2002. J’espère qu’ils l’ont aujourd’hui, même si pour les plus grands noms comme Neymar, je ne suis pas si sûr. En 2002, ils sont allés à la Coupe du monde avec beaucoup de pression après s’être qualifiés lors du dernier match, et l’ont transformée en quelque chose de positif pour gagner. Ils avaient des morts de faim, j’aime ce genre de mentalité, je crois que ça se rapproche des combattants MMA d’une certaine manière.
En parlant de 2002, tu as le maillot de Marcos, le gardien de cette équipe. Si tu pouvais récupérer le maillot d’un joueur de 2022, ce serait qui ?Gabriel Jesus. Il joue pour Arsenal, qui est l’équipe de mon frère et que j’aime bien, même si je porte le maillot de Leicester en ce moment même. C’est ma belle fille qui me l’a envoyé. (Rires.) J’aime bien West Ham aussi, la mentalité de battants, ce sont des outsiders.
Tu possèdes plusieurs milliers de maillots. Quel est le plus improbable de ta collection ?Cela fait presque 30 ans que je collectionne des maillots, en particulier en Europe. En France, Lyon fait partie de mes favoris, et il y a Paris, bien sûr. J’ai des maillots d’équipes moins connues, il arrive qu’en tournée, des gars de l’organisation viennent me présenter celui de l’équipe locale, parfois il est même signé par les joueurs. Ils sont très fiers que je le porte sur scène. Je me souviens notamment à l’époque de Sepultura d’être monté sur scène avec un maillot de la Belgique pendant la Coupe du monde, et la foule était devenue folle, c’était un super moment.
D’où te vient cette passion pour le foot ?De mon père. Il était italien et il suivait Palmeiras. À l’origine, le club s’appelait Palestra Itália, et l’équipe était suivie par les immigrés italiens. Récemment, j’étais un peu triste de l’élimination en Libertadores, mais on a gagné l’an dernier, donc je ne peux pas me plaindre. La passion vient de quand j’étais petit, mon père nous amenait avec mon frère presque tous les dimanches. Les fans, la torcida, la mancha verde, jouer de la grosse caisse pendant tout le match… L’ambiance est toujours aussi belle aujourd’hui.
Pour en revenir à la Coupe du monde, quelles sont les attentes au Brésil ? Le contexte politique moins d’un mois après les élections peut-il affecter l’équipe ?Certaines personnes vont être en colère contre Neymar pour avoir soutenu Bolsonaro. Espérons qu’on puisse laisser ça de côté, le moment est venu de jouer au football et pas de faire de la politique. L’élection est terminée, et nous avons une Coupe du monde à jouer et à gagner, peut-être même que cela pourra réunir le pays. Bien sûr, le Brésil est complètement fanatique quand il s’agit de football, par exemple la défaite contre l’Allemagne était comparable au décès d’un membre de la famille pour les Brésiliens. J’ai dû regarder ce match avec deux conducteurs de taxi allemands. Les trois premiers buts, ils ont célébré. Ensuite, je suis allé aux toilettes, quand je suis revenu, il y en avait cinq. (Rires.) À ce moment-là, ils ont arrêté de célébrer et sont restés silencieux, c’était bizarre. Ils ont eu pitié de moi.
Certains artistes brésiliens ont-ils pris position ?Pas que je sache. Il y a deux mois, nous avons joué au Brésil pour le 25e anniversaire de l’album Roots. Nous avons invité le chef des Xavántes (tribu indigène du Brésil avec laquelle Sepultura avait enregistré l’album en 1996, NDLR) à venir avec nous sur scène. Clairement, le traitement des indigènes est vraiment horrible, c’est notre culture, cela mérite d’être préservé. Ici au États-Unis (Max Cavalera vit à Phoenix, NDLR), beaucoup de choses positives sont mises en place sur la question des Native Americans, j’aimerais que le Brésil fasse la même chose. Par exemple, ces derniers jours en NBA, les Phoenix Suns ont créé un maillot en hommage à la culture native américaine. J’ai vu certains mentionner l’idée de faire des maillots avec les manches jaguar, mais je ne pense pas qu’ils le feront. C’est dur de toucher au maillot brésilien, il est tellement sacré. J’adore la simplicité de celui des années 1970, le jaune inspire la peur chez l’adversaire.
Comment le football a pu t’inspirer dans la musique ? Comment fais-tu cohabiter les deux ?J’adore la connexion entre les deux, je pense que nous avons été l’un des premiers groupes à le faire. Nous avons commencé par porter des maillots sur scène, c’est devenu une marque de fabrique. On a fait notre propre maillot avec le S de Sepultura sur du jaune, je me souviens d’un festival en 1994 au château de Donington, la moitié du public avait le maillot de Sepultura. Il y avait une forme de changement dans la mentalité des fans, qui ne portaient plus exclusivement du noir. (Rires.)
Comment imagines-tu cette Coupe du monde ?Elle est très controversée. J’ai vu plusieurs reportages à propos de la construction des stades, des nombreuses personnes qui sont décédées. Mais je suis excité, je crois que nous avons besoin de choses comme ça. La Coupe du monde fait partie des tournois sur lesquels vous pouvez toujours compter pour être un grand spectacle. J’aimerais bien une revanche de la finale de 1998 entre la France et le Brésil… J’ai adoré ce Mondial, c’étaient les débuts de Soulfly, et j’avais écrit une chanson qui parle du football, « Umbabarauma » . Elle était devenue la chanson non officielle parce qu’ils ne choisissent jamais du métal, c’est toujours de la samba. Mon rêve serait un jour de jouer un concert avant un match du Brésil, jouer Roots avant une rencontre de la sélection. Ce serait incroyable.
Messi piétine la Bolivie à lui tout seul, le Brésil s’amuse contre le PérouPropos recueillis par Tom Binet