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Max Allegri, de mouton noir à chevalier blanc
Il était vu comme un successeur de pacotille, le voici en lice pour un improbable triplé championnat, coupe d'Italie, Ligue des champions. À 47 ans et après un passage mitigé à l'AC Milan, Max Allegri est en train de se mettre la Vieille Dame dans la poche, doucement mais sûrement. Et ça, c'est déjà une victoire en soi.
« Tout peut arriver dans le football ! Tout peut arriver ! » , hurla Lilian Thuram sur la pelouse du Stade de France un soir de juillet 1998. Cette phrase devenue mythique, Massimiliano Allegri pourra difficilement la contredire. Arrivé sur le banc de la Juventus l’été dernier dans la peau d’un pestiféré, le voici désormais aux commandes d’un club en passe de remporter son quatrième Scudetto consécutif et sa première Coupe d’Italie depuis vingt ans. Sans parler de cette Ligue des champions pour laquelle la Vieille Dame concourt toujours et où elle semble de plus en plus à son aise. En neuf mois, le Toscan est parvenu à faire oublier l’un des entraîneurs les plus courtisés d’Europe grâce à des méthodes nouvelles qui n’ont pas tardé à se révéler payantes. Ironie du sort, c’est désormais Antonio Conte – hier héros national et emblème du club piémontais – qui se trouve dans l’œil du cyclone. En cause : ce départ surprise l’été dernier que beaucoup ont pris comme une trahison, et cette fameuse affaire Marchisio qui a ébranlé la Botte lors de la dernière trêve internationale. Quand il se posera sur le banc du Juventus Stadium ce mardi soir pour y affronter l’AS Monaco, Max Allegri sait qu’il pourra compter sur le soutien indéfectible des 40 000 spectateurs turinois. Chose encore inimaginable il y a six mois à peine.
Conte partirò
Il y a des ruptures plus douloureuses que d’autres, et ça, les tifosi bianconeri l’ont bien compris. Le 15 juillet dernier, alors que l’effectif triple champion d’Italie reprend le chemin de l’entraînement après un repos estival bien mérité, une annonce vient soudainement briser la quiétude ambiante. Antonio Conte, le seul, l’unique, quitte le club qu’il dirige depuis le 31 mai 2011 et avec lequel il a remporté trois Scudetti et deux Supercoupes d’Italie. En pleine tornade médiatique, les dirigeants turinois doivent agir vite et du mieux qu’ils peuvent. Moins de 24 heures plus tard, le nom du nouvel entraîneur de la Juventus est dévoilé. Le 16 juillet, à 15h, le directeur sportif Giuseppe Marotta entame la conférence de presse : « Nous avons dû agir avec une rapidité extrême, car la saison a commencé depuis quelques jours. Et puis nous avons identifié celui qui pourrait être et qui s’est avéré être le profil le plus apte à remplacer un entraîneur gagnant comme Antonio Conte. Il est ici, avec moi, et c’est Max Allegri, que vous connaissez bien… » Dans l’assemblée, les mines sont crispées et les sourires narquois. Alors qu’il était à deux doigts de s’engager avec le Kazakhstan, la Juve appelle celui qui s’est fait lourder par le Milan six mois plus tôt. Un homme au charisme douteux que beaucoup considèrent comme l’un des principaux responsables de la déroute du club lombard. Et ce, malgré le titre et la Supercoupe en 2011.
Le cheval de Turin
La préparation estivale se déroule sans encombres malgré le clash présumé entre Allegri et Pirlo datant de l’époque milanaise. Dès les premiers jours, le coach met fin à la rumeur : « J’ai un excellent rapport avec Andrea. Il n’y a jamais eu le moindre problème avec lui et je n’ai jamais remis en question ses qualités. » Voilà qui est clair. Manque de pot, le maestro se blesse lors d’un match amical et loupe les cinq premières journées. Ce qui n’empêche pas la Vieille Dame de les remporter toutes sans encaisser le moindre but. Sur le terrain, Allegri ne change rien au 3-5-2 mis en place par Conte. Malgré les résultats favorables, certains l’accusent de surfer sur le succès de son prédécesseur et de tirer profit du travail accompli pendant trois saisons. Face aux critiques, Allegri ne bronche pas, mais commence discrètement à mettre en place sa défense à quatre qu’il utilisera pour la première fois en Ligue des champions contre l’Olympiakos. Pari gagnant. Dès le deuxième essai, le 9 novembre, face à Parme, l’équipe turinoise fait voler en éclat la défense de Donadoni et s’impose 7-0 devant son public. C’est aussi le moment que choisit Álvaro Morata pour claquer un doublé en douze minutes qui marquera le début de son éclosion progressive. Au soir de la trêve hivernale, la Juve de Max Allegri a fière allure. Première en championnat malgré les assauts de la Roma, qualifiée de justesse, mais qualifiée tout de même pour les huitièmes de Ligue des champions, elle s’est en plus permis le luxe d’abandonner ce système à trois défenseurs centraux qui lui collait à la peau. Contrairement à Rudi Garcia, Max Allegri n’a jamais crié victoire trop tôt, même quand son équipe comptait cinq ou dix points d’avance en début d’année.
Réussir dans le temps
Neuf mois après sa nomination à la tête de la plus grosse cylindrée italienne, on peut le dire : Allegri a conquis le cœur du public. D’ici quelques semaines, sa Juventus soulèvera le 31e Scudetto de son histoire après avoir dominé de la tête et des épaules la saison 2014/2015. Sans chambouler son effectif durant l’été, il a réussi à faire éclore de jeunes joueurs comme Álvaro Morata ou Roberto Pereyra tout en sublimant les plus anciens, à commencer par Patrice Évra, qui ne pensait sans doute pas jouer autant en quittant Manchester à 33 ans. Et si elle venait à tomber face à l’ASM, voire au tour suivant, la Vieille Dame aura au moins le mérite d’avoir entamé sa remontée européenne après les échecs des deux saisons précédentes. Ne restera alors plus à Allegri qu’à remporter cette Coupe d’Italie le 7 juin prochain face à la Lazio, histoire de rompre avec la malédiction qui dure depuis vingt ans. « Si je suis au meilleur moment de ma carrière ? J’espère que ce moment est optimal, mais pas le meilleur, car nous avons l’ambition de faire encore mieux, de faire des choses importantes. Dortmund nous a stabilisés, nous a donné des certitudes, mais c’est le point de départ, et non pas le point d’arrivée » , déclarait le Mister à la Gazzetta il y a trois semaines. De son expérience milanaise, Max Allegri semble avoir retenu une leçon fondamentale : le plus difficile n’est pas d’arriver jusqu’au sommet, mais d’y rester.
Par Morgan Henry