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Mauri, un départ sur fond de matchs arrangés
Après dix années passées au club, Stefano Mauri quitte la Lazio. Le capitaine s'est soi-disant « mis d'accord » avec son président. En réalité, il pourrait s'agir d'un départ piloté par le scandale des matchs arrangés.
« Dans mon cœur j’ai été, je suis et je serai toujours le capitaine de ma Lazio bien-aimée. (…) Tout va me manquer. Mon brassard va me manquer. Mon maillot va me manquer. Mon casier va me manquer. L’odeur de Formello va me manquer. (…) Mais je ne cesserai jamais d’être l’un des vôtres. Je suis sûr qu’il s’agit d’un au revoir, et non d’un adieu. » Les mots sont sincères. Ils sont ceux de Stefano Mauri, sur sa page Facebook officielle. Le désormais ex-capitaine de la Lazio a écrit ces lignes pleines de sincérité quelques minutes après avoir appris qu’il ne serait plus un joueur laziale la saison prochaine. Une décision difficilement compréhensible pour les tifosi, car Mauri, c’était le capitaine, celui que le club avait toujours soutenu, celui qui avait soulevé la mythique Coupe d’Italie 2013 au nez et à la barbe de la Roma. Dix années que le beau Stefano portait le maillot bleu ciel sur ses épaules. 284 matchs toutes compétitions confondues. 46 buts, dont un bon paquet déjà entrés dans l’histoire du club. Comme ce retourné magique inscrit face au Napoli en 2013, ou ce but décisif planté sous la Curva Nord lors du derby 2012.
Choix économique ou sportif ?
Retour en arrière. Cette année 2014/15 a peut-être été la plus aboutie du numéro 6 de la Lazio. S’il n’a disputé que 29 matchs à cause de pépins physiques, il a inscrit 9 buts, son record personnel en Serie A. Surtout, il s’est trouvé à la perfection dans ce trio composé de Candreva et Felipe Anderson, en soutien de Miroslav Klose. S’il n’a pas la rapidité de ses deux acolytes, il possède en tout cas une caractéristique qu’aucun autre joueur n’a dans son équipe : les déplacements sans ballon. Toujours présent au bon endroit, toujours la bonne passe. En cela, il semblait évident que le président Lotito allait prolonger son contrat, au moins pour que Mauri puisse à nouveau goûter à la Ligue des champions, huit ans après sa dernière participation avec le club romain. Pourtant, dès le premier rendez-vous entre le joueur et son boss, aucun accord n’est trouvé. Le bruit court que Lotito aurait proposé à Mauri de diviser son salaire par deux : de 1,2 million d’euros à 600 000. Une proposition non acceptée par le capitaine. Deuxième rendez-vous, fumée noire. Troisième rendez-vous, arrivederci.
Un choix économique, c’est donc cela ? Dans son message publié sur Facebook, Mauri semble pourtant dire le contraire : « Avec le président, je n’ai jamais eu, et je souligne bien « jamais », eu de problèmes contractuels, et encore moins des problèmes d’argent. Une poignée de mains a toujours suffi. » Une version confirmée par son avocat, Matteo Melandri, aux micros de Lalaziosiamonoi.it. « Les adieux n’ont pas du tout été dictés par des questions économiques. Cela reste une décision difficile, mais en ce moment, la volonté était de regarder ailleurs » a-t-il affirmé. Un choix purement sportif, alors ? A priori, non. Si Mauri n’a plus forcément les jambes de ses 20 ans (il en a aujourd’hui 35), on ne voit pas comment un joueur vantant une telle expérience et une telle intelligence de jeu n’aurait pas trouvé sa place, au moins sur le banc, dans une équipe qui aura trois compétitions à jouer cette saison. Non, les raisons sont ailleurs. Même si, officiellement, ni le joueur, ni son avocat, ni le club n’oseront l’admettre.
Une suspension et une lévitation
La raison peut en effet tenir en un mot. Calcioscommesse. Le scandale des matchs arrangés, dans lequel Mauri est plongé depuis trop longtemps déjà. En mai 2012, le joueur est placé en garde à vue par le juge de Crémone, Guido Salvini. Ses torts ? Il aurait participé au trucage de deux matchs remontant à la saison 2010-11 : Lazio-Genoa et Lecce-Lazio, deux rencontres remportées par les Biancocelesti. Il ne quittera plus jamais la tourmente. S’il est dans un premier temps libéré, car il n’existe pas de preuves irréfutables de son implication, l’enquête se poursuit et les doutes continuent de planer au-dessus de lui. Mauri avance, se concentre sur le terrain. Il remporte, en capitaine, la Coupe d’Italie 2013 face à la Roma, pied de nez ultime aux tifosi romanisti qui se moquent de lui, le traitant de « tricheur » , « délinquant » ou autre. Mais ce trophée n’éloigne pas l’enquête. Le 2 août 2013, il est finalement suspendu six mois par le procureur fédéral Stefano Palazzi pour « non-dénonciation » , après que la première requête avait été de 4 ans et six mois pour « implication directe » . Mauri prend alors son mal en patience. Le club et les supporters lui montrent un soutien indéfectible. Finalement, la suspension est prolongée à neuf mois, puis à nouveau réduite à six. Mauri revient sur les pelouses le 9 février 2014 contre… la Roma (0-0). Le pire semble passé, et le joueur peut enfin regarder sereinement vers l’avenir.
Comme libéré d’un poids, le capitaine dispute une saison 2014/15 de haut rang, couronnée par une qualification au tour préliminaire de la C1, et un nouveau but lors du derby romain, son quatrième face au grand rival. On le voit alors finir sa carrière à Rome. Mais l’enquête du Calcioscommese refait surface en mai 2015. L’un des principaux protagonistes de l’affaire des matchs arrangés, Vlado Ilievski, assure que Mauri a bien participé à la combine de Lazio-Genoa 2011, remettant sur le tapis une éventuelle « implication directe » du joueur. Mauri le sait : les juges ne vont pas le lâcher. Et la Lazio le sait aussi. Avec une Coupe d’Europe à disputer cette saison (C1 si tout se passe bien, C3 si élimination au tour préliminaire), le club va se retrouver sur le devant de la scène. Et voir son capitaine à nouveau mouillé dans un scandale n’aurait rien de bénéfique. Au contraire. La raison est donc peut-être là : Mauri s’est sacrifié. Si son nom fait à nouveau les gros titres des journaux, lui voudrait juste être « Stefano Mauri » et non pas « Stefano Mauri, le capitaine de la Lazio » . Comme pour épargner son club. Une version qui sera évidemment toujours démentie par les intéressés en question. Car il est plus simple de dire « que les deux parties ont décidé d’un commun accord de se séparer » . Sans se justifier.
Mais au fond, qu’importent les raisons. Mauri laisse derrière lui dix belles saisons, au cours desquelles il aura d’abord été adoré, puis critiqué, puis adoré à nouveau, puis hué, puis soutenu, puis, enfin, adulé. Et l’histoire se souviendra que, le 7 avril 2012, le jour où tout le peuple laziale rendait hommage à Giorgio Chinaglia, mythique numéro 9 des années 70 décédé quelques jours plus tôt, Stefano Mauri s’est élevé dans le ciel, et a inscrit le plus beau but de sa carrière d’un retourné sensationnel. Lorsqu’il était en lévitation, l’espace d’un instant, son numéro 6, renversé, avait affiché le « 9 » de Chinaglia.
Par Éric Maggiori