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Mattia Caldara, du foot et des lettres

Par Adrien Candau
Mattia Caldara, du foot et des lettres

Transféré à la Juventus cet hiver moyennant un copieux montant de quinze millions d’euros, Mattia Caldara parfait son apprentissage du plus haut niveau en prêt à l’Atalanta jusqu’à la fin de la saison. Défenseur cérébral sur les terrains, déjà présenté comme l’avenir de la charnière centrale de la Nazionale, le natif de Bergame entretient aussi une réputation de footballeur curieux et lettré dans la vie de tous les jours.

Côté pile, il y a le footballeur prodige. Celui qui parvient à franchir le fossé a priori insurmontable qui sépare un club de Serie B de la Juventus en à peine plus d’une année. Côté face, on trouve un jeune homme curieux, qui regretterait presque de ne pas avoir pu se consacrer à des études supérieures pour approfondir sa passion sincère pour les lettres et les langues. À vingt-deux ans, Mattia Caldara est devenu cette saison un cadre de la défense de l’Atalanta et un futur joueur de la Juventus. Et assume tranquillement son image de footeux tendance intello, en bouquinant ses romans russes favoris et en potassant son anglais entre deux entraînements.

Le météore

Le futur a un prix. À Turin, il coûte quinze millions. Plus cinq de bonus. C’est la somme dépensée par la Vieille Dame pour s’offrir Mattia Caldara afin d’assurer l’avenir de sa défense centrale dans les années à venir. Un tarif conséquent, mais pas démentiel, compte tenu des performances et de la réputation que le jeune défenseur s’est construite en l’espace de deux petites années. Car la trajectoire de Mattia Caldara a quelque chose de météorique. Pur produit du centre de formation de l’Atalanta, qu’il intègre à seulement neuf ans, Caldara fait ses débuts en Serie A en 2014 face à Catane. Avant d’être envoyé s’aguerrir sur les terrains de Serie B à Trapani puis à Cesena, où sa maturité tactique, sa tranquillité et son sens de l’anticipation en font l’une des sensations de la seconde division italienne. De retour à Bergame sous les ordres de Gian Piero Gasperini, un entraîneur réputé pour faire confiance aux jeunes talents, il poursuit cette saison son irrésistible ascension en devenant un homme de base de la défense bergamasque, voué non seulement à annihiler les offensives adverses, mais aussi capable de se muer en buteur occasionnel (déjà trois réalisations en Serie A cette saison).

Un parcours sans faute pour un joueur qui sait pertinemment où puiser ses références et ses inspirations. Son calme olympien sur le pré, la propreté de ses interventions défensives, son physique longiligne et son numéro 13 ne sont pas sans évoquer un certain Alessandro Nesta, son idole de jeunesse : « Un défenseur propre et un modèle à suivre. En dehors du terrain, il ne faisait jamais parler de lui, il m’a toujours beaucoup inspiré. » Un exemple que Caldara tente aussi de suivre avec application avec la sélection espoir italienne, où il est devenu l’un des chouchous de l’actuel sélectionneur Luigi Di Baggio, qui lui prédisait une carrière digne des plus grands mi-novembre dernier « Conti(autre défenseur de l’Atalanta, ndlr)et lui ont un très grand futur. Je ne sais pas s’ils ont besoin de six mois ou d’un an, mais ils peuvent arriver dans de très gros clubs très bientôt. » Caldara, recruté par la Juve le 19 décembre dernier, n’aura finalement eu besoin que d’un mois supplémentaire. Son vestiaire découvrira l’été prochain un joueur atypique, dont les goûts et passe-temps sont parfois perçus comme décalés avec ceux des autres joueurs de sa génération.

Dostoïevski, cours d’anglais et Eastpak géant

« Ça ne me plaît pas de jouer à la Playstation, j’ai l’impression de perdre mon temps » , affirme-t-il. Son truc : la littérature et le roman russe en particulier. Guerre et Paix, Anna Karénine et Crime et Châtiment font partie de ses références de lecture. Un amour des lettres naturellement acquis lors des cours de littérature qui ont ponctué ses années collège et lycée : « Quand mon professeur de littérature commençait à parler, je ne voyais pas le temps passer. J’adore lire, mais j’ai un truc particulier pour les classiques russes » , expliquait le joueur à la Gazzetta dello Sport à la mi-décembre. « Il aimait étudier l’italien et tout particulièrement lire laDivine Comédie. S’il avait continué les études, il se serait clairement dirigé vers une fac de lettres » , confiait aux médias bergamasques Daniele Mologni, ami de longue date de Caldara.

« Les livres, c’était notre grande passion commune. Son œuvre préférée c’étaitCrime et Chatimentde Dostoïevski, le mienSur la routede Jack Kerouac, mais on lisait un peu de tout. » Un vieux pote avec lequel il ne parle pas seulement bouquins entre deux tacles, mais qu’il retrouve également lors de cours d’anglais hebdomadaires. Là, Caldara débarque avec sa dégaine de post-adolescent, timide et maladroit sur les bords, flanqué de son vieux sac à dos de collégien, qu’il continue de trimbaler un peu partout. « Il vient toujours avec son vieil Eastpak géant, ça lui crée à chaque fois des problèmes pour bouger sans gêner les gens. D’ailleurs, il avait ramené son sac lors de ses premières interviews à Trapani(en Serie B, ndlr), pas mal de personnes l’avaient taquiné là dessus » , se marre Mologni.

Chambrages en règle

Son look de nerd et ses passe-temps lui valent d’ailleurs toujours quelques chambrages de ses coéquipiers les plus proches. Son compagnon de chambre et équipier à l’Atalanta Andrea Petagna, qui le surnomme affectueusement « Le Poète » , est même devenu un spécialiste de l’exercice : « Il me charrie toujours en me disant que je suis trop silencieux, mais c’est vrai que, dans l’équipe, tout le monde sait que je suis très tranquille » , confiait Caldara à l’Eco di Bargamomi-octobre. Ce qui ne l’empêche pas de répliquer avec humour dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport, lorsqu’on lui demande s’il lui serait plus difficile de convaincre un de ses partenaires réfractaires aux livres de se mettre à la lecture ou de qualifier l’Atalanta pour une Coupe d’Europe : « Vous rigolez ? On a peut-être 40% de chances de se qualifier pour l’Europe, mais qu’un de mes coéquipiers se mette à lire… Je ne vais rien dire sinon je vais avoir des problèmes » , plaisante le futur Juventino.

Il devra peut-être mettre de côté les belles lettres pour le septième art pour s’intégrer rapidement au sein du vestiaire bianconero. Aux grands auteurs classiques, Massimiliano Allegri a en effet plutôt tendance à préférer les références pop culture. Et notamment la sagesse de maître Yoda.

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Par Adrien Candau

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