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Matthieu Udol : « Les gens disent que c’est fini pour moi »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Metz
Matthieu Udol : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les gens disent que c’est fini pour moi<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Trouver le nom de Matthieu Udol sur une feuille de match est quelque chose de rare. Professionnel depuis quatre ans, l'arrière gauche messin se remet tout juste d'une troisième opération du ligament antérieur du genou droit. À 23 ans, il croise donc les doigts pour lancer véritablement une carrière qui ressemble jusqu'ici au supplice de Sisyphe.

Tu es de retour à l’entraînement après dix mois d’absence. Comment se sont passées tes retrouvailles avec le groupe ?J’ai repris les entraînements collectifs, sans contact en août et normalement en septembre. J’ai rejoué il y a deux semaines avec la réserve et ça s’est plutôt bien passé. Il y a des nouveaux joueurs, mais comme j’étais proche de revenir pendant la préparation, ma réintégration s’est bien passée. J’étais plus à l’écart en fin de saison dernière.

Tu n’as participé qu’à 22 matchs avec le FC Metz en trois ans et demi. Te fixes-tu un objectif pour cette saison ?Rien de bien précis à court terme. Le principal est de me remettre sur pied, profiter des coupes pour avoir un peu de temps de jeu, reprendre de la confiance et pouvoir montrer mes qualités. On peut se dire que si on était à l’aise du point de vue comptable en championnat, il y aurait un peu plus de place pour le turnover. Mais j’estime que si je suis prêt, il n’y a pas besoin que l’équipe aille bien ou mal pour que je joue.

Par rapport au jeu de la Ligue 2, plus rugueux, tu penses que la Ligue 1 est plus adaptée pour reprendre ?Je trouve qu’en Ligue 1, il y a moins de duels directs qu’en Ligue 2. Ça joue dans les espaces, sur le placement et il y a moins de situations de combat.

Avant, je regardais le calendrier, je cochais un match en me disant que celui-là, je le jouerais. Cette fois, j’ai laissé le temps faire, en me disant que le but est de continuer ma carrière sans d’autres pépins.

Dans ta situation, est-ce qu’on est tenté de penser plus à soi qu’aux résultats du club ?C’est sûr que je me focalise quand même plus sur moi pour revenir tout doucement à 100%. Si je dois rejouer en décembre, ce n’est pas grave, je ne suis plus à quelques mois près. Mais le but, c’est de pouvoir être au maximum de mes capacités et sans avoir de craintes. Les fois précédentes, je regardais le calendrier, je cochais un match en me disant que celui-là, je le jouerais. Cette fois, j’ai laissé le temps faire, en me disant que le but est de continuer ma carrière sans d’autres pépins. Et puis je relativise souvent en me disant qu’il y a bien plus grave dans la vie. Je sais dans ma tête que je ferai le maximum, que je reviendrai et que je rejouerai en professionnel. Si on regarde les réseaux, les gens disent que c’est fini pour moi, mais ça me donne de la force pour revenir plus fort.

Tu es un des rares joueurs de l’effectif à avoir été formés à Metz. Est-ce que, malgré tes blessures, tu es considéré comme un « ancien » au club ?Avec certains départs de cet été, et même si je n’ai que 23 ans, je suis le plus ancien au club, avec Habib Diallo qui lui a été prêté entre-temps à Brest. Après, il y a les cadres comme Coco (Cohade) ou Opa (Nguette)… C’est vrai que j’étais beaucoup blessé, donc c’est difficile de s’imposer quand on n’est pas présent sur le terrain, mais j’aime avoir ce rôle de leader dans l’état d’esprit. Je suis pressé de revenir pour que ça se sente un peu plus.

Tu as toujours été un supporter du FC Metz ?Forcément. Comme j’étais licencié au club, j’avais des places pour aller voir les matchs. Toujours en tribune Est haute. À l’époque, j’aimais beaucoup la génération avec Papiss Cissé, Ludovic Obraniak, avant ça Emmanuel Adebayor. Mais mon idole au niveau mondial, c’était Ashley Cole. J’adorais son style de jeu.

Avant d’être pro, je n’ai eu aucune blessure. Ah si ! Une entorse à une cheville en quinze ans, mais rien d’autre.

Tu t’es toujours défini comme un arrière gauche ?Pas vraiment. Au début, j’étais attaquant. J’ai commencé le foot à 6 ans au club de Marly, juste à côté de Metz et où se trouve aujourd’hui le nouveau centre d’entraînement. Et au bout de quatre ans, j’ai rejoint le FC Metz. Là, j’étais milieu gauche et quand Gauthier Hein (prêté cette saison à Valenciennes, N.D.L.R.) est arrivé à Metz, on m’a fait reculer pour jouer derrière lui.

Quand tu étais jeune, tu avais déjà des soucis avec ton corps ?Avant d’être pro, je n’ai eu aucune blessure. Ah si ! Une entorse à une cheville en quinze ans, mais rien d’autre.

Si tu n’avais pas pu devenir footballeur professionnel, qu’aurais-tu fais dans la vie ?J’y réfléchis régulièrement. Moi, je pourrais m’intéresser à l’immobilier. Je me documente par rapport à ça. Mais je ne peux pas non plus trop y penser, parce qu’il faut déjà vivre à fond le football.

Tu as eu ton bac S avec une mention « assez bien » , puis tu t’es inscrit à l’université de Metz en génie civil. Pourquoi ce choix d’études ?(Rires.) C’est mon père qui m’a influencé. Lui était ouvrier, ma mère travaillait dans une crèche et ils ont insisté pour que je ne m’arrête pas au bac. À l’école, ça fonctionnait plutôt bien. Je ne savais pas vraiment quoi faire et puis on m’a dit que dans certains domaines, il y avait de l’emploi. Donc j’y suis allé sans grande conviction. Finalement, la fac n’était pas adaptée à ma situation : j’allais tôt en cours, et je devais rapidement filer à l’entraînement avec les pros. J’ai essayé, mais j’avais trop de cours à rattraper et je n’avais peut-être pas assez la motivation. Au bout de deux ou trois mois, j’ai arrêté.

C’était quand même important pour toi de te confronter à un autre univers que le foot ?Ça l’a toujours été. Quand je suis entré en seconde, on devait être 20 footballeurs sur 30 élèves, mais j’aimais bien traîner avec des personnes issues d’autres sports, ou ceux qui étaient vraiment en dehors de tout ça. Ça me permettait de couper et sortir du contexte ballon, avec lequel je peux saturer à un moment.

Quand tu as du temps libre, tu aimes faire quoi par exemple ?Traîner avec mes potes d’enfance, faire d’autres sports, des jeux de société, me poser en centre-ville… Déjà qu’on bouffe beaucoup de foot, dès que j’en sors, j’essaye de penser à autre chose.

Malgré une première expérience mitigée avec la fac, tu as repris tes études en 2014. Ça consistait en quoi ?C’est le club qui m’a proposé de suivre à distance un DU (diplôme universitaire en deux années, N.D.L.R.) en management de carrière sportive. Il y avait d’autres sportifs dans cette formation, des handballeuses, des tennismen, etc. Ça touchait à tout ce qui tourne autour de la vie d’un sportif professionnel, avec de la gestion de patrimoine, de la fiscalité, du sponsoring, un petit peu d’anglais, de la communication, il y avait un mémoire à faire… Par exemple, comment communiquer avec les médias lors d’interviews ? C’est un exercice que je n’aime pas trop, parce qu’on nous empêche de dire ce qu’on pense réellement. Parfois on est énervés, on a envie de dire les choses clairement. Le problème, c’est que les journalistes prennent les mots forts et, sur un papier, les émotions ne ressortent pas de la même manière. Il faut réfléchir avant de parler, avoir une capacité d’analyse… Tout ce qu’on dit peut être décortiqué, transformé et c’est un peu dangereux.

Tu penses que tous les sportifs devraient suivre ce genre de formations ?C’est selon les envies de chacun. L’important n’est pas de passer des diplômes, mais d’être formé un minimum sur certaines choses. On se dit tous qu’on veut faire la meilleure carrière possible. Si on y arrive, on n’a pas vraiment besoin de travailler ensuite si on gère bien notre argent. On sait qu’on a de l’argent, qu’il y a des personnes autour qui vont essayer de nous « solliciter » , il faut savoir ce qu’on fait et ce qu’on accepte de faire.

Tu as un agent ?Oui, mais j’étais très réticent à ça et j’ai mis du temps à en choisir un. J’avais pas mal d’a priori sur ce milieu. Quand j’ai signé mon premier contrat, c’est mon frère qui m’accompagnait. Mais celui avec qui je travaille aujourd’hui, on a une relation amicale.

À Seraing, les conditions n’étaient pas très professionnelles. À l’époque, c’était comme si je jouais en DH en France.

Tu as signé ton premier contrat en 2015, puis tu as été prêté dans la foulée à Seraing, le club partenaire du FC Metz en Belgique. Cette première expérience en dehors de ta ville t’a fait du bien ?C’était un peu bizarre. Je n’avais pas trop compris pourquoi j’étais parti. Le lendemain de mon départ, Gaëtan Bussmann était transféré à Mayence. Je me suis dit qu’ils n’avaient plus personne sur ce poste et qu’ils auraient pu me garder. Puis c’est seulement après qu’ils ont recruté un joueur (le Portugais Tiago Gomes, N.D.L.R.). Je n’étais déjà pas très content, mais en plus en Belgique, je jouais milieu gauche. Je pensais partir pour prendre de l’expérience à mon poste. Les conditions n’étaient pas très professionnelles au niveau des infrastructures. Je crois que depuis, ça s’est bien développé et ça ressemble à quelque chose, mais à l’époque, c’était comme si je jouais en DH ici.

Tu l’as pris comme une punition ?Non parce que je ne suis pas du genre à me plaindre. Je m’entraînais, je me donnais, mais je n’étais pas satisfait de ma situation. En janvier, je voulais rentrer, surtout que Metz n’avait toujours qu’un seul arrière gauche. Ils avaient besoin de moi et ça s’est fait naturellement.

Ton premier match pro, c’était contre le Paris FC en Ligue 2. Tu te souviens de ce moment ?J’avais un peu de pression, mes parents et ma femme avaient fait le déplacement… Je me sentais à l’aise dans le groupe, avec pas mal de joueurs formés au club comme Yeni (Ngbakoto). C’était une période où on n’était pas en position de monter, mais on avait gagné 2-1 et ça avait lancé une série de sept victoires en neuf matchs qui nous a permis d’être promus.

Ta première blessure arrive peu de temps après, en juillet 2016, en préparation contre Seraing justement… Drôle de coïncidence.Ouais, c’est ça ! J’étais bien physiquement et je me blesse sur leur terrain là-bas, peu de temps avant la reprise.

Sur le moment, te rends-tu compte que c’est les ligaments et ce que ça implique pour la suite ?Non, pas du tout. Je savais que je m’étais fait bien mal, j’attendais le verdict des médecins. Quand ça s’est confirmé, ce n’était pas facile à entendre, parce que j’étais dans la lancée d’une montée en Ligue 1, je voulais jouer. Mais comme on m’avait dit que je serais de retour avant la fin de saison, j’ai relativisé. J’ai fait ma convalescence à Metz et je suis revenu en février. Mon premier match de Ligue 1, c’était d’ailleurs contre le PSG à Saint-Symphorien.


Sacré match en plus.Oui, on perd 3-2 à la dernière minute, avec une transversale de Yann Jouffre. Ensuite, je fais quelques matchs par-ci par-là – trois il me semble – et on se maintient. La saison suivante, j’ai du temps de jeu, je partage mon poste avec Benoît Assou-Ekotto, mais je me reblesse à Saint-Étienne. Une seconde fois les croisés, le même ligament. Celle-là, c’est la plus dure.

La seconde, c’est la plus dure. J’étais déjà passé une fois par là, je savais ce qui m’attendait…

Pourquoi ?Parce que j’avais une carte à jouer, c’était un moment charnière où je pouvais gagner ma place et enchaîner. Puis cette blessure était la plus marquante visuellement. Je courais tout seul, le défenseur me tire un peu le maillot, je me retourne vers l’arbitre pour réclamer une faute, mais le jeu continue et quand je veux repartir dans l’autre sens, mon genou vrille à 90 degrés. À ce moment-là, je savais que mon genou était parti et que c’était fini. J’étais déjà passé une fois par là, je savais ce qui m’attendait…

Tu n’avais pas retrouvé la compétition trop tôt ?Non, j’y suis allé progressivement en plus. C’est peut-être la faute de mon corps.

On ne t’a jamais donné d’explication sur cette fragilité ?Il y a des facteurs qui peuvent jouer. À la base, j’ai une hyperlaxité au niveau des jambes. On m’a dit aussi que sur la blessure de Saint-Étienne, le mouvement que j’ai fait n’était pas naturel pour un genou.

Mais quand tu dis que la plus dure était la seconde, qu’en est-il de la troisième ?Sur la saison 2018-2019, je fais les quatre premières journées. Et contre Ajaccio en août, je fais une rupture partielle. Je suis retourné en rééducation pour prendre le temps. Et je suis revenu en décembre à Grenoble et là, ça a vraiment craqué. Là, je savais que c’était les croisés, c’était fragilisé depuis Ajaccio, toujours sur le ligament antérieur. Là, j’ai changé mes plans. Je me suis fait opérer à Paris, j’ai fait deux stages à Clairefontaine.

Il y a quoi de plus là-bas ?C’est beaucoup plus intensif, plus individualisé. Les deux fois précédentes, j’étais resté à Metz. Il y a tout le matériel qu’il faut, mais j’étais beaucoup plus seul. Les kinés doivent aussi s’occuper de l’ensemble du groupe, et il n’y avait qu’un seul préparateur physique. Tu es un peu livré à toi-même, il faut se motiver, tu tournes un peu en rond, alors qu’à Clairefontaine, il y a beaucoup plus de kinés, ils ne sont là que pour ça.

Ce n’est pas vraiment comme ça qu’on imagine sa première visite à Clairefontaine.J’avais juste fait les pré-sélections France à 15 ans, mais ouais, je n’y étais jamais allé. Sur le second stage, il y avait l’équipe de France A, les féminines et les espoirs. Ça faisait bizarre.

Tu as des appréhensions quand tu joues ?Quand on reprend, on y pense forcément. On fait attention à certains mouvements, parce que c’est toujours le même qui m’a fait « partir » . Après, dans l’action, on n’y pense pas, seulement des petits rappels, mais il faut essayer de ne pas y penser, parce que ça pousse à jouer différemment, à être moins agressif. Il faut laisser passer un ou deux matchs pour mettre ça derrière soi.

C’est quand la dernière fois que tu as pris du plaisir, de manière libérée, sur un terrain ?(Il réfléchit.) Ça remonte ! Le début de la saison dernière, avec les premiers matchs de Ligue 2…

Quand tu t’es blessé à Grenoble, Opa Nguette disait que ta blessure « lui rappelait de mauvais souvenirs » . Est-ce que tes coéquipiers sont plus attentionnés avec toi qu’avec d’autres ? C’est sûr qu’ils savent ce que j’ai traversé et font plus attention qu’avec d’autres. Maintenant que j’ai repris réellement, je pense être traité comme les autres, c’est du passé. Surtout que moi, je ne fais pas attention avec eux !

Je me suis fait trois fois les croisés, mais en fin de compte, je travaillais deux fois plus que les autres.

Ça se résume à quoi, le quotidien d’un convalescent ?Sur la dernière, je me suis fait opérer fin décembre, je suis devenu papa fin janvier, donc j’ai eu de quoi m’occuper. (Rires.) À Clairefontaine, je ne pensais plus à Metz. J’ai aussi eu des vacances à certains moments de l’année pour vraiment couper. Le reste du temps, je venais deux fois par jour en soin, j’étais en béquille jusqu’à la mi-février. Donc tu n’as pas le temps de faire grand-chose. Je me suis fait trois fois les croisés, mais en fin de compte, je travaillais deux fois plus que les autres.

Tu as prolongé ton contrat jusqu’en 2022, c’est une preuve de confiance de la part du club. Oui, je ne connais pas tous les autres clubs, mais je pense qu’ils ne font pas tous ça pour des joueurs qui se sont fait trois fois les croisés. Pour moi, c’est une belle marque de confiance, et c’est pour ça que je me donne à fond pour revenir jouer avec le maillot messin.

Est-ce que tu te projettes plus loin que cette saison ?C’est un peu compliqué. Ça dépend du temps de jeu que je vais avoir et de comment je vais revenir. Mais sinon, oui je veux faire le maximum de matchs et ensuite on verra bien.

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Metz

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