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Matteo Pessina, de l’art ou du cochon
Repêché in extremis par Roberto Mancini à la suite de l’annonce du forfait de Stefano Sensi, Matteo Pessina fera bien partie de l’aventure azzurra lors de cet Euro 2020. Une belle récompense pour le milieu de terrain de l’Atalanta encore étudiant, fan d'art et parfois même excentrique au possible.
L’art du détail est un concept pour lequel flanche volontiers Matteo Pessina. Personne ne sait si le milieu de l’Atalanta est un fan absolu de Martin Handford et de sa BD phare Où est Charlie ?, mais ce qui est sûr, c’est que le numéro 27 des Azzurri lui a rendu un bel hommage lors de la traditionnelle photo officielle d’avant-compète. Que ce soit dans son costard Emporio Armani ou avec la tunique officielle, Pessina n’a pas hésité à se glisser sur le cliché de la liste des 26 avec un regard « jocondesque » dont cet amateur d’art connaît le secret. À raison, puisque aujourd’hui, Stefano Sensi est parti, Lorenzo Pellegrini aussi, et Pessina, lui, est toujours là.
Oui, ils sont bien 27 commis de cuisine.
Latin, mais pas crétin
Ivan Jurić, ancien entraîneur de Pessina qui l’a aidé à exploser à Vérone en 2019-2020, a dit un jour à son agent : « Matteo n’a pas un tir particulièrement puissant, n’a pas une technique particulièrement exceptionnelle ni une vélocité extrême. Bon de la tête ? Pas particulièrement non plus. Physiquement imposant ? Non. Et pourtant, si je le pouvais, je voudrais avoir onze joueurs comme lui. » Les paroles de l’ancien disciple de Gian Piero Gasperini, qui a pris le relais depuis pour couver lui-même la promesse de Monza, font bien évidemment écho à l’intelligence de Matteo Pessina. Un gamin de 24 ans qui suit, en parallèle de sa carrière de footeux, un cursus d’économie à l’université Luiss de Rome « pour apprendre à gérer son argent et avoir de nouvelles compétences économiques et juridiques » en vue d’un après-carrière qui se dessine plus dans les instances que sur un banc de touche.
S’il est fan de Toni Kroos, un modèle dont il a pu choper la tunique cette saison pour son dépucelage en C1 avec les Bergamasques, l’homme qu’il regarde davantage avec des étoiles dans les yeux est Antonio Percassi, son président. Qui, pour lui, est avant tout un homme « qui a disputé plus de 100 matchs avec l’Atalanta et qui, après sa carrière, est devenu entrepreneur et milliardaire. Un exemple d’un footballeur qui peut évoluer d’une autre manière que la normale. » Le remplaçant numérique de Papu Gómez fait d’ailleurs de son intelligence son principal atout. S’il n’a pas la créativité et le talent de son prédécesseur, c’est de par ses déplacements et son profil de milieu de terrain moderne aussi bien à l’aise dans les tâches défensives qu’offensives qu’il sait se rendre indispensable. Un profil qui correspond à ce Lombard qui a pour devise : « Gutta Gavat Lapidem » (du latin, qui peut-être traduit par : « Goutte par goutte, l’eau creuse la pierre » ). « C’est ma philosophie de vie et de travail : je suis moi aussi quelqu’un qui, lentement, un jour et un pas après l’autre, sans être trop visible, atteint ses objectifs », expliquait-il pour la Gazzetta dello Sport. Résultat : en trois ans, Pessina a découvert la Serie A, la Ligue des champions, l’équipe nationale et s’apprête désormais à croquer dans un Euro. Sacré gourmet.
« Le dernier ballet que j’ai vu était Casse-Noisette »
Dans son sac rempli d’atouts, Pessina maîtrise donc le latin et possède une ouverture culturelle au-dessus de la moyenne. Dans sa chambre trône une réplique de l’Amandier en fleurs de Vincent van Gogh, toile dont il est « tombé amoureux » lors d’un voyage à Amsterdam. Fils d’un père comptable et d’une mère architecte, Pessina ne joue pas à la Playstation, ne possède aucun tatouage, mais n’est pas non plus un rat de bibliothèque ou un gendre idéal chiant comme la pluie. Pour son retour à Zingonia à l’été 2019, le centre d’entraînement de l’Atalanta, le jeune crack n’a pas trouvé mieux que de se ramener avec un sac à l’effigie d’un site à caractère pornographique dédicacé par plusieurs actrices de renom. « Je l’avais acheté un mois avant avec un seul objectif : me ramener avec le premier jour. Quand je suis arrivé avec dans le vestiaire, j’ai été accueilli par un tonnerre d’applaudissements et des rires en pagaille. Je ne m’attendais pas à ce que Pornhub me choisisse comme parrain, en m’envoyant par la suite une marée de cadeaux. À moi, le dernier joueur cible pour eux : un joueur étudiant et méticuleux. »
Un homme relativement ouvert, aussi, qui au-delà de ranger ses jeans par ton et teintes, est capable d’apprécier les ballets juste parce que sa sœur, Carlotta, était une bonne danseuse. « Le dernier ballet que j’ai vu était Casse-Noisette, il y a deux ans, avant que la pandémie ne fasse tout fermer », expliquait le gamin, trop jeune pour avoir connu Rudolf Noureev aka « Le seigneur de la danse » . Naturellement, le football est également pour Pessina un art qu’il définirait comme ceci : « Le football est un art poétique qui divertit et émerveille. Il existe une émotion folle et mutuelle entre nous et les fans. » Bonne nouvelle pour lui : s’il a l’opportunité de briser le rocher qui le sépare du onze titulaire italien, Matteo Pessina pourra profiter de cette émotion entre ses partenaires et les jauges réduites du Stadio Olimpico de Rome. Dès ce vendredi, face à la Turquie ?
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : retrouvez notre pronostic Turquie – Italie pour le match de ce vendredi soir !Par Andrea Chazy
Tous propos de MP recueillis par Cronache di Spogliatoio, la Gazzetta dello Sport ou la Repubblica.