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Matt Ritchie, l’échappée belle
Homme de base du système d’Eddie Howe à Bournemouth, Matt Ritchie affiche saison après saison les signes d’une progression aussi fulgurante que constante. Portrait d’un hyperactif dont la passion première n’est pas le ballon rond, mais… le cyclisme.
Lorsqu’il couche les onze noms qui composeront son équipe sur l’une des nombreuses feuilles blanches qui recouvrent les murs de son bureau, on peut imaginer qu’Eddie Howe n’a pas la main tremblante au moment de désigner son milieu droit. Au contraire, il est même facile de penser que l’écriture du nom de son protégé est devenu une sorte de réflexe, avec le temps. Pour se rendre compte de l’importance prise par le numéro 30 des Cherries dans le système du coach britannique, il y a d’abord des chiffres, implacables. Cette saison, Ritchie a été titularisé lors de tous les matchs de Premier League, et a disputé 1605 minutes de jeu sur 1620 possibles. L’an passé, en Championship, l’international écossais n’a débuté qu’une seule des 46 journées de la saison sur le banc. Sinon, il est sur la pelouse, tout le temps. Comme une évidence, comme la preuve, aussi, du caractère indispensable de sa présence sur la pelouse.
Meilleur joueur de Football League
Il faut dire que si Matt Ritchie n’a pas passé l’essentiel de sa carrière sous le feu des projecteurs, il ne sort pas de nulle part pour autant. Repéré par Howe alors qu’il martyrise la League Two, puis la League One sous les ordres de Paolo Di Canio à Swindon Town, Ritchie, élu meilleur joueur des deux divisions en 2011-2012, puis 2012-2013, rejoint les Cherries en janvier 2013, et fait partie de ce commando de joueurs talentueux et revanchards monté par Howe pour gravir les échelons. Un crew qui va réussir à élever son niveau de jeu à chaque obstacle, pour prendre le petit monde de la Football League par surprise, comme l’explique si bien Ritchie : « Il a fait un travail exceptionnel pour monter une équipe de bons joueurs, avec un grand potentiel il y a trois ans et on voit aujourd’hui que 8 ou 9 joueurs ont vraiment exprimé tout leur potentiel, après avoir été ici pendant longtemps. Vous avez besoin de tout, de la détermination, de la confiance entre les joueurs, de bonnes relations sur et en dehors du terrain, et je crois que c’est quelque chose que nous avons eu en abondance la saison dernière. »
Résultat ? L’an passé, Ritchie termine la saison avec un superbe bilan de 15 buts et 17 passes décisives en Championship. De quoi être nommé dans l’équipe type de l’année, et être élu meilleur joueur de Championship dans un sondage organisé par le magazine Four Four Two. De quoi découvrir, aussi, la Premier League pour la première fois, à 26 ans. Un autre monde, à en croire l’ailier bagarreur, qui peut toutefois compter sur son entraîneur pour faciliter la transition : « Beaucoup de vies ont été sacrément changées très rapidement, avec la presse, l’exposition que nous avons en Premier League, cela peut faire tourner des têtes, spécialement chez les plus jeunes. Mais l’entraîneur fait attention à cela, et fait en sorte que nous gardions les pieds sur terre, et que nous n’oublions pas d’ou nous venons. »
Recalé par Bournemouth, à 18 ans
Et qui d’autre que lui pour mesurer le chemin parcouru. Car s’il défend les couleurs de l’Écosse – le pays d’origine de son père – au niveau international, Matt Ritchie est un gars du coin. Ainsi, gamin, le jeune Ritchie grandit à Portsmouth, à 85 bornes de Bournemouth, et intègre rapidement l’académie de Pompey. Avant de croiser la route des Cherries, pour la première fois, à 18 ans, alors que le club connaît les heures les plus noires de son histoire : « Je suis venu ici en provenance de Portsmouth, pour m’entraîner dans l’espoir d’être prêté. Mais à l’époque, le club était sous embargo concernant les transferts et ne pouvait prendre qu’un joueur. Ils avaient choisi mon ami, et je suis allé ailleurs. Mais quand j’étais ici, nous nous entraînions dans une école, sur un pré, avec juste deux cages. Il n’y avait que des douches froides dans les vestiaires… »
Ritchie, maillot jaune
C’est peut-être parce qu’il a conscience du chemin parcouru que Ritchie garde des plaisirs simples, comme les longues balades à vélo qu’il affectionne tout particulièrement : « Si vous regardez New Forest, là où je vais faire du vélo, ce ne sont que des belles routes de campagne, pendant des kilomètres, avec peut-être un âne ici ou là, des arbres et de la nature. C’est un bon moyen de décompresser, tout en gardant la ligne, et méditer. » Mais voilà, celui que son coéquipier Harry Arter décrit en se marrant comme « un malade qui ne va pas bien dans sa tête » , comme souvent, ne fait jamais les choses à moitié. Ainsi, à la boutique du club, un coin spécialement aménagé est dédié à une collection d’équipement de cyclisme floqué MR30, fruit d’une collaboration entre le joueur, le club et un équipementier de vélo. Devant, un carton « taille réelle » , représentant le joueur en combinaison moulante. Un truc qui fait marrer les fans, et ses coéquipiers par la même occasion, comme nous l’affirme Simon Francis, l’inamovible défenseur central des Cherries : « Je ne sais pas d’ou la ligne de cyclisme est sortie, mais le carton fait probablement le double de sa taille, car il est très petit ! »
Pas de quoi froisser l’ailier pour autant, qui assume entièrement sa passion. Une passion qu’il a dû néanmoins mettre entre parenthèses, ou presque, après avoir subi quelques remontrances de l’encadrement des Cherries : « J’ai dû me calmer un petit peu parce que j’ai eu une blessure à la cuisse, lors de la saison 2013-2014. Et ils ont dit qu’ils pensaient que c’était dû à ma hanche, qui avait souffert pendant que je faisais du vélo. Donc ils m’ont dit d’arrêter pendant un temps, ce que j’ai fait. Un été, j’ai fait 2 ou 300 miles par semaine. Maintenant, je fais juste 20 ou 25 miles les jours où je sors le vélo. » Décrit comme un hyperactif par ses coéquipiers, Ritchie semble avoir un stock d’énergie inépuisable. Quoi de plus logique, après tout, pour un type dont le bled de naissance s’appelle Gosport ?
Par Paul Piquard
Propos recueillis par Paul Piquard et Paul Bemer, à Bournemouth