- États-Unis
- Légalisation du mariage gay
Matt Hatzke est sorti du placard
Matt Hatzke, ancien joueur des San Jose Earthquakes et du Los Angeles Galaxy, avait préféré mettre un terme à sa carrière plutôt que de faire son coming out à ses coéquipiers. Quelques années plus tard, il retrace son parcours.
Le vendredi 26 juin 2015 demeurera sans doute comme le jour le plus important pour toute la communauté homosexuelle des États-Unis. Attentifs, anxieux, tous attendaient le verdict de la Cour Suprême, qui a fini par voter, à cinq voix contre quatre, la légalisation du mariage pour les personnes d’un même sexe dans les 50 États américains. Comble de l’ironie, c’est un juge conservateur qui a fait basculer le jugement vers une avancée démocratique historique, expliquant simplement que les homosexuels « demandent à bénéficier de la même dignité aux yeux de la loi » et que la Constitution leur « garantit ce droit » . Plus qu’un joli jeu de lumières, l’éclairage de la Maison Blanche aux couleurs du drapeau arc-en-ciel est le symbole d’une décision historique. Et d’un soulagement certain pour de nombreuses personnes. Dont l’ancien footballeur Matt Hatzke, libre de sortir de son placard et de revenir sur les inconvénients d’une vie de sportif de haut niveau secrètement homosexuel.
Un parcours comme beaucoup d’autres
À l’image de beaucoup de gamins, Matt Hatzke se découvre très tôt une passion pour le soccer. À San José, sa ville natale, il tape dans ses premiers ballons, avant de découvrir le niveau universitaire, à la Santa Clara University, où il évolue comme titulaire pendant ses quatre années d’études. Lors de sa dernière année, sa senior year, le magazine ESPN l’honore même d’une place dans la meilleure équipe du pays (All-America men’s soccer first team, ndlr). Il faut dire qu’à cette époque, Matt avait aidé les Broncos à achever l’une des meilleures saisons de leur histoire tout en restant très performant en cours. Ces distinctions lui valent logiquement une place lors de la SuperDraft de la Major League Soccer, en 2008. Au quatrième tour, il est drafté par les Los Angeles Galaxy. À l’entraînement, il côtoie des stars comme David Beckham ou Landon Donovan. Seulement, son aventure à LA ne dure que quelques jours, avant que le club ne décide de l’échanger.
De retour à San José, Matt bataille pour se faire une place au sein de l’équipe première des Earthquakes. Seulement, le joueur commence également à batailler pour cacher à ses coéquipiers son homosexualité. En 2008, il fait partie du groupe qui s’en va affronter le Columbus Crew, une des meilleures équipes de la ligue cette année-là, en MLS Cup. « Je n’ai pas joué, mais nous avons gagné 2 -0. C’était énorme pour l’équipe. Le Crew n’avait perdu que deux matchs à domicile cette saison et nous n’en avions gagné que deux à l’extérieur » , se souvient-il aujourd’hui. Une victoire à célébrer. Seulement, chaque sortie entre coéquipiers prend vite des allures déplaisantes pour Matt. « Ce qui devait être un bon moment ce soir-là s’est transformé en cauchemar pour moi. Mes coéquipiers me demandaient d’aller draguer cette fille là, ou celle-ci. Je me suis alors faufilé hors du bar, en priant pour passer inaperçu et ne pas avoir à subir plus de questions » , raconte-t-il. Au fur et à mesure que la saison avance, Matt se sent de plus en plus mal. Vis à vis de lui-même et de ses coéquipiers.
L’impact Robbie Rogers
Quand il est relâché par les Quakes en 2009, les Vancouver Whitecaps et les Portland Timbers souhaitent s’offrir ses services. Mais Matt préfère mettre un terme à sa trop courte carrière. « J’ai senti que je devais quitter le football professionnel pour faire le point. J’étais persuadé qu’il m’était impossible de faire mon coming out tout en jouant en MLS » , explique-t-il. Quelque temps après son arrêt, le 15 février 2013, Robbie Rogers, ancien joueur du Columbus Crew que Matt avait rencontré, révèle son homosexualité et devient le premier sportif américain ouvertement gay à jouer dans une ligue professionnelle aux États-Unis. « Quand j’ai lu l’histoire de Robbie, j’ai décidé de faire mon coming out à mes amis et à ma famille. Cinq ans après ce match contre le Crew, je me sentais enfin bien dans ma peau » , dévoile Matt Hatzke. Enfin en phase avec lui-même, celui qui a repris des études en dentaire, pour suivre les traces de son père dentiste, peut enfin vivre une existence « normale » .
Alors, quand il constate que la cause homosexuelle s’apprête à gagner une grande bataille outre-Atlantique, Matt se tourne vers le magazine Outsports – qui relaye les informations des sportifs homosexuels – pour partager son histoire et éviter que d’autres ne fassent les mêmes choix que lui. Car bien qu’il ait trouvé l’amour et qu’il soit aujourd’hui comblé, Matt vit avec un regret : « J’ai un regret, c’est que je n’ai pas vécu ma vie pendant que je jouais au football et que je n’ai pas su partager le vrai moi avec mes coéquipiers quand j’en ai eu la chance. » Alors, maintenant que l’homosexualité a gagné une bataille importante vers l’égalité, Matt veut encore remercier un homme, celui qui lui a donné le courage de vivre sa vie, Robbie Rogers. « L’impact qu’a eu l’histoire de Robbie sur ma propre vie a été très profond. Sans lui, je serais sans doute encore en train de noyer mon chagrin dans la bière des bars que je fréquentais. Je sais que les histoires comme celle-ci m’ont aidé. Alors je vous raconte ici la mienne pour vous aider à mon tour. »
Par Gabriel Cnudde