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- 15e journée
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Matic, enfin géant
Élu meilleur joueur du championnat portugais l'année dernière et auteur d'une campagne européenne affolante en 2012-2013, Nemanja Matić ne passe plus inaperçu. Chelsea, City et même le PSG surveilleraient le milieu de terrain polyvalent de Benfica. Certains médias l'annoncent même partant dès cet hiver. Une juste revanche pour ce joueur qui a enchaîné les échecs avant de trouver la lumière.
S’il y a bien un homme qui garde un bon souvenir du dernier Clássico à Lisbonne, c’est Nemanja Matić. Le Serbe entrera sûrement ce soir sur la pelouse de la Luz avec l’envie de faire aussi bien qu’il y a 364 jours. C’est-à-dire marquer un but. Mais pas n’importe lequel. Ce 13 janvier 2013, le milieu polyvalent dynamite un début de match déjà complètement dingue en balançant une énorme mine dans la lucarne d’Hélton. Le Brésilien, bouche bée, fait ainsi connaissance avec la perle benfiquista en encaissant un potentiel futur prix Puskás. Une reprise de volée de celles qui émoustillent Jean-Michel Larqué : corps droit, jambe tendue et trajectoire folle. Si le Portugal savait déjà qui était le bonhomme, l’Europe n’allait pas tarder à faire connaissance avec le recalé de Chelsea… où il pourrait bien retourner si ça continue. À moins que Manchester City ou Paris ne devancent les Blues. Sans faire de bruit, Matić est paradoxalement l’un des milieux de terrain les plus suivis en Europe et il est difficile de dire s’il restera à Lisbonne cet hiver. De l’eau a coulé sous les ponts depuis les débuts compliqués du métronome serbe…
Des débuts timides avant l’explosion
Quelques années avant le Benfica de Marković, Đuričić, Fejsa et compagnie, Chelsea avait déjà été séduit par le vivier serbe. En 2007, les Blues font signer le très précoce défenseur central Slobodan Rajković, que Nemanja Matić rejoint deux ans plus tard en provenance du MFK Košic. Le mioche a un talent certain, mais des blessures à répétition et une concurrence féroce le privent de temps de jeu. Il parvient difficilement à s’asseoir sur le banc de Stamford Bridge et finit par perdre patience. Le milieu serbe veut jouer, à Londres ou ailleurs. Ça sera ailleurs. Matić file gratter des minutes avec Rajković aux Pays-Bas, chez le Vitesse. Évidemment, il fait mieux que jouer des morceaux de matchs et s’impose rapidement comme un élément clé de l’équipe. Tout va bien pour le jeune Serbe, et ce n’est pas terminé. En janvier 2011, Chelsea propose 25 millions d’euros plus Matić (évalué à cinq millions d’euros) à Benfica pour s’attacher les services de David Luiz. Le président benfiquista, Luis Filipe Vieira, accepte sans hésiter. Le club a besoin d’argent et n’a plus les moyens de contenir les envies d’ailleurs du défenseur central brésilien. Matić signe à Benfica, mais termine la saison aux Pays-Bas avant de mettre le cap sur Lisbonne où il devra faire face à de nouveaux ennuis.
Ce môme dont les recruteurs de Benfica ne disent que du bien a une nouvelle fois du mal à s’affirmer en milieu hostile. Un milieu où Javi García et le nouveau venu Axel Witsel règnent sans partage. Et ce ne sont pas les prestations timides du Serbe qui risquaient de les inquiéter. Car malheureusement pour Matić, l’Espagnol et le Belge étaient injouables cette année-là. C’est en grande partie grâce à eux que les « aguias » atteignent les quarts de finale de la Ligue des champions, où ils ne sont pas loin d’éliminer… Chelsea, futur vainqueur de la compétition. À l’instar de David Luiz un an auparavant, les deux lascars ne passent pas inaperçus et filent respectivement à Manchester City et au Zénith. Jorge Jesus décide de ne pas les remplacer pour lancer Enzo Pérez, de retour de prêt, et Matić quitte à se faire lyncher par tous les spécialistes du football portugais, persuadés que l’ancien joueur des Blues n’avait pas les épaules suffisamment larges pour faire oublier Garcia et Witsel. Les premiers matchs du magicien serbe donnent raison à Jorge Jesus. Matić vole au-dessus de la Liga Sagres et bientôt de l’Europa League. Le Vieux Continent le découvre face à Bordeaux, le voit confirmer contre le Fenerbahçe et échouer injustement en finale face à Chelsea, encore et toujours. Au terme d’une saison complètement folle au cours de laquelle son Benfica ne gagne rien du tout, lui se voit quand même couronné du titre de meilleur joueur de la Liga Sagres devant Jackson Martínez. Une juste récompense.
Mais au final, c’est quoi ce Matić ?
Un extraterrestre, sauf quand il n’est pas en confiance. À l’heure actuelle, et s’il est suivi par les plus grandes équipes européennes, on ignore toujours s’il est capable de s’imposer au milieu d’autres joueurs du même calibre, dans un effectif cinq étoiles. Mais lorsqu’on le met dans les meilleures conditions, ce que Jorge Jesus a parfaitement su faire, le Serbe est un monstre dans l’entrejeu. Son mètre 94 et ses 83 kilos lui permettent de s’imposer dans le domaine aérien, tant sur phases offensives que défensives. Matić a un physique de Golgoth, oui, mais aussi des pieds de velours et une vision artistique du jeu. Ses passes dans les intervalles sont un délice, autant que ses tacles et son sens inné du placement. Et contrairement à ce que veut croire Football Manager, l’ancien milieu de Chelsea possède un volume de jeu ahurissant. Faire l’essuie-glace pendant 90 minutes est loin d’être un problème pour lui. Ajoutez à cela une explosivité étonnante pour un joueur de son gabarit ainsi qu’une frappe de mule et vous obtenez un milieu de terrain complet. Très complet. Vu la vitesse à laquelle il progresse, ses jours à Benfica sont sans doute comptés. Et qui sait, le clássico de cet après-midi sera peut-être son dernier dans l’Estádio da Luz, voire même le dernier tout court. Raison de plus pour que le Serbe brille de nouveau face à Porto…
Par William Pereira