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Mathis Bolly, la flèche brisée
Comme chaque année à la fin de l’été, EA Sports sort aujourd’hui le tout dernier FIFA, et les notes de chaque joueur vont pouvoir être épiées et décortiquées. Si toutes les grandes stars seront au rendez-vous, une étoile manquera à l’affiche : Mathis Bolly, habituellement toujours présent parmi les deux ou trois joueurs les plus rapides du jeu malgré sa modeste carrière passée dans des championnats européens de faible exposition, entre la Norvège et la D2 allemande, et un parcours miné par les pépins physiques. Sans club depuis quelques mois, l’Ivoirien ne figure pas dans le nouvel opus de la célèbre simulation de foot et c’est un sacré crève-cœur. Un peu comme la carrière du bonhomme, tiens.
Pierre-Emerick Aubameyang, Théo Walcott, Gareth Bale ou encore Kylian Mbappé aujourd’hui… Sur FIFA, au moment de choisir un attaquant explosif avec qui faire sauter les défenses adverses à grands coups de joystick droit, chacun a son chouchou et le choix est vaste. Et tous les ans depuis le début des années 2010, au milieu des sprinteurs de renom sévissant dans les grosses écuries du continent, un outsider se faufilait parmi les top joueurs tapant le +94 de vitesse : l’OVNI Mathis Bolly, son CV de Norvégo-Ivoirien et ses jambes de feu.
Mathis bolide
Depuis la fin de son aventure au Greuther Fürth (situé au deuxième échelon du foot allemand), Bolly a disparu des radars, et à moins qu’il retrouve un club cette saison, il n’aura pas droit à sa représentation dans le jeu. Si le MVP français de la discipline Bruce Grannec avoue n’avoir « jamais joué avec » , le joueur n’en demeure pas moins un bon souvenir pour les amateurs d’Ultimate Team ou du mode carrière qui avaient mis la main dessus. Celui qui fut quasiment sans interruption premier des charts catégorie vitesse entre les FIFA 13 à 17 en atteignant parfois 97 – au gré des mises à jour du jeu – laisse ainsi un vide plus grand qu’on ne le pense, même s’il était de toute façon devenu très rare sur les terrains depuis de nombreux mois maintenant. À tel point que l’an dernier, c’est depuis l’infirmerie qu’il a suivi la saison.
mathis #bolly ist auch weiterhin die schnellste videospielefigur (knapp hinter #sonic versteht sich) #f95 #FIFA15 pic.twitter.com/yDOjNNG7tB
— Zé Bastian (@Twebastian10) 15 septembre 2014
Toute sa carrière, Bolly a de toute façon entretenu le mythe d’un joueur coincé entre deux étiquettes : une flèche irrésistible jamais épargnée par les blessures, et dont le niveau global n’a jamais réussi à s’élever à l’image de sa carte FUT. Né à Oslo d’un père entraîneur de l’équipe de sprint norvégienne, le gamin d’origine ivoirienne a compris dès son plus jeune âge que sa rapidité serait un atout pour la vie. « On peut dire que cela m’a inspiré, déclarait-il au site de la FIFA en 2016. J’ai fait beaucoup d’entraînements au sprint, mais j’ai toujours été rapide pour être honnête. » Recruté par le club de Lillestrøm à 17 ans après un passage en sport-études, l’ambidextre a fait étalage de ses qualités d’accélération et de frappe pendant cinq ans dans le ventre mou de l’Eliteserien, la première division locale. Avant de rallier l’Allemagne où, malgré quelques coups d’éclat, il a depuis enchaîné les désillusions entre le Fortuna Düsseldorf et Fürth pendant près de six saisons, dont cinq en 2. Bundesliga.
« Sur un 100 mètres, je crois que personne ne le bat »
« C’était effectivement l’un des plus rapides de FIFA, on le taquinait un peu avec ça. C’est un très bon joueur, une très bonne personne, se souvient Samuel Piette (Impact Montréal), qui a côtoyé, au début de sa carrière, le phénomène en Rhénanie. Il y en a qui sont performants sur longue distance, mais Mathis Bolly, sur un 100 mètres, je crois que personne ne le bat. À l’entraînement, à chaque fois que je le voyais, c’était un peu compliqué pour moi ; il m’a causé quelques problèmes, c’est sûr. C’est un joueur intelligent, il savait que ses qualités étaient la conduite de balle et la vitesse. Il ne cherchait pas le ballon dans les pieds, on savait qu’on pouvait le trouver dans le dos des défenses, et même si le ballon était un peu trop long, il réussissait à le conserver. Mais il avait aussi la qualité de dribbles pour prendre les adversaires en un contre un. »
Néanmoins en Allemagne, c’est surtout sa fragilité qui a crevé les yeux des observateurs. Entre 2012 et la dernière intersaison, l’esthète aux muscles d’argile n’a pas connu de saison à plus de 18 apparitions en championnat, la faute à une incapacité à enchaîner les prestations. « On lui disait que c’était parce qu’il allait trop vite à l’entraînement qu’il avait autant de blessures, mais c’était de bonne guerre, continue Piette. Il a connu des années difficiles. Il était souvent blessé, donc ce n’était pas lui qui jouait le plus, qui marquait le plus de buts. » Le triste « point d’orgue » de tout ça a été la saison blanche traversée par le joueur en 2017-2018 à cause de problèmes musculaires, puis d’une vilaine fracture du péroné. Malheureusement rien d’illogique, donc, à ce que le contrat de l’ailier ne soit pas prolongé en Bavière – où il était arrivé en juin 2016 – il y a trois mois.
4- Mathis Bolly5 sélections, aussi vite arrivé , aussi vite reparti. On nous avait bien parlé de lui, mais hélas pic.twitter.com/hv9g50QoI7
— Les Olympiens De Côte d’Ivoire (@OMCi12) 7 novembre 2017
17 minutes de lumière
Au milieu de ses galères, celui qui court 40 mètres en 4,53 secondes (!) a bien connu quelques moments de gloire : un pion inscrit à Neuer d’une volée de l’intérieur du pied, à l’Allianz Arena lors d’une défaite face au Bayern en mars 2013, pendant les six petits mois durant lesquels l’Ivoirien a connu la Buli avant la descente du Fortuna ; puis un an et demi plus tard, lorsque Sabri Lamouchi l’a emmené dans ses bagages, direction le Brésil avec la délégation des Éléphants pour la 20e Coupe du monde de l’histoire. Une expérience ornée d’une entrée de 17 minutes contre la Colombie (défaite 2-1), la dernière de ses cinq capes à ce jour avec la nation de son paternel.
Mais c’est à peu près tout, et à 27 ans, soit l’âge auquel bon nombre de footeux sont en pleine bourre, le bonhomme se retrouve donc à la rue footballistiquement parlant. Sans avoir jamais réussi à passer un certain cap. « Ce n’était pas un joueur de troisième ou quatrième division, mais ce n’était pas non plus un joueur du Bayern Munich, confesse Piette. Düsseldorf, Fürth c’était un bon niveau pour lui. Ce n’était pas non plus un magicien avec le ballon, et les blessures ont sûrement mis un frein à sa carrière. » Pour se consoler, Bolly pourra toujours se vanter d’avoir pendant longtemps fait les beaux jours de quelques gamers, et d’avoir marqué les esprits à sa manière. Et puis, une reconversion n’est jamais très loin. « Sur 100 mètres, face à des sprinteurs professionnels, je perdrais à chaque fois, mais sur 40 mètres, je pourrais avoir une chance, lâchait-il il y a deux ans. J’ai confiance en ma vitesse et jusqu’à maintenant, je n’ai jamais joué contre quelqu’un qui a réussi à me dépasser. »
Par Jérémie Baron
Propos de SP recueillis par JB, ceux de MB tirés de FIFA.com