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« Le jeu à la nantaise, c’est le beurre blanc »
On peut aimer les bonnes choses et être fan du FC Nantes. La preuve ? Le chef étoilé du Manoir de la Régate Mathieu Pérou, 32 ans, est un inconditionnel des Canaris. Logique quand on exerce à quelques kilomètres de la Beaujoire et qu’on a longtemps joué à Carquefou. Rencontre avec un adepte du jeu à la nantaise, sur le terrain comme dans l’assiette.
Bonjour Mathieu, tu peux nous présenter ton restaurant ?
Le Manoir de la Régate est situé à Nantes, sur les bords de l’Erdre. C’est aussi la maison familiale. Mon père Loïc a ouvert cet établissement en 1995, j’y ai grandi puisqu’on habitait à l’étage du restaurant. En 2017, on a racheté le resto avec ma sœur Anne-Charlotte qui s’occupe du service en salle. En 2021, on a obtenu l’étoile ainsi que l’étoile verte du guide Michelin. Notre cuisine est assez moderne, tout en respectant les traditions. J’ai la chance de travailler avec énormément de petits producteurs locaux, qui font du super boulot. Mon but, c’est de sublimer ce qu’ils nous apportent.
En plus de ta carrière de chef, tu as longtemps joué au foot et tu es fan du FC Nantes : d’où vient cette passion ?
J’ai joué à l’USJA Carquefou de mes 5 à mes 18 ans, et puis au moment où c’est devenu un peu sérieux en cuisine, il a fallu que je fasse des choix. À Carquefou comme dans toutes les écoles de foot du coin, le style de jeu était calibré sur le schéma du FC Nantes. Autour de Nantes, on a tous été formés au jeu à la nantaise. Le jeu en triangle, pas plus d’une ou deux touches de balles… C’était le b.a.-ba, tous les clubs du pays nantais jouaient comme ça ! Il n’y a que lors des déplacements en Vendée que ça jouait différemment, à l’anglaise. Et puis j’ai grandi à 10 minutes de la Beaujoire, donc forcément je suis devenu fan du FC Nantes.
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Quels sont tes premiers souvenirs de la Beaujoire ?
Je me souviens d’un Nantes-Rennes à la fin des années 1990 ou au tout début des années 2000, je n’ai plus la date en tête, mais c’était la grande époque. On était en Tribune Loire avec mon père et les cuisiniers du restaurant. Ma famille est bretonne, donc mon père est pour Rennes ! Je suis le seul de la famille à supporter Nantes. Ensuite, la Beaujoire, j’y suis allé très régulièrement avec des copains du foot. Aujourd’hui, je continue à y aller de temps en temps même si j’ai moins le temps. D’autant que le FC Nantes fait sa mise au vert à l’étage du restaurant depuis une grosse dizaine d’années quand le club joue à domicile, et que je dois les accueillir.
Quelles étaient tes idoles quand tu étais gamin ?
Quand j’étais petit, c’était le FC Nantes de Monterrubio, Da Rocha, Mika Landreau, Sibierski… J’adorais Marama Vahirua, avec sa célébration pagaie. Ça a dû m’arriver de la faire pour célébrer un but avec Carquefou. (Rires.) Un peu plus tard, j’ai été marqué par Mario Yepes, son agressivité pour récupérer le ballon et sa mentalité de gagneur. C’était un grand défenseur. Et puis comme j’étais un numéro 6 un peu rugueux, j’aimais bien Nicolas Savinaud. Après, comme tous les gamins, je rêvais d’être attaquant et de marquer des buts !
Quel est ton plus gros souvenir au stade ?
La victoire contre l’OM, lors de l’épopée de Carquefou en Coupe de France. Cette saison-là (2007-2008, NDLR), Nantes était en Ligue 2, donc ça ne vibrait pas beaucoup. Quand Carquefou a investi la Beaujoire, ça faisait longtemps que le stade n’avait pas été aussi plein. Honnêtement, l’ambiance du stade ce jour-là… Je n’avais jamais connu ça, et je n’ai rien vécu d’aussi fort aujourd’hui. Je devais avoir 15 ans, mes coachs étaient sur le terrain face à l’OM. Tout Nantes s’était déplacé pour supporter Carquefou, mon petit club qui jouait en CFA 2. Au tour suivant, on perd de justesse contre le PSG avec un des derniers buts de Pauleta avec le maillot parisien.
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Quand tu vas au stade, tu manges quoi ?
Galette-saucisse. Ce sont les racines bretonnes qui parlent ! On en trouve à la Beaujoire, même si ce n’est pas dans l’hymne du club comme pour le Stade rennais.
Le jeu à la nantaise dans l’assiette, ça donne quoi ?
Nantes, c’est le beurre blanc. La sauce très classique de la gastronomie française vient de chez nous, elle a été créée à Saint-Julien-de-Concelles, à 10 minutes du restaurant sur les bords de Loire. Donc le jeu à la nantaise, c’est totalement le beurre blanc ! Mais ça passe aussi par utiliser des ingrédients locaux, et s’appuyer sur le savoir-faire des producteurs locaux. Le plat qui résume bien le jeu à la nantaise, c’est poisson grillé, beurre blanc, fondue de poireaux : un joli jeu en triangle. Je le prépare avec un mulet de Loire qui remonte le cours d’eau depuis la mer et garde un côté iodé, sans être trop gras. Ça avec un beurre blanc au yuzu kosho – pour apporter du peps et de la fraîcheur – et une fondue de poireaux avec beaucoup d’herbes qu’on a cueillies, c’est un banger !
C’est quoi la recette pour manger Rennes ?
Je ne peux pas la donner ! Je ne veux pas avoir de problèmes avec ma famille.
Ok. Mais alors, le derby, qui le gagne dans l’assiette ?
Nantes. Parce qu’en plus, on a un vignoble. On a le muscadet.
Un canari, ça se cuisinerait comment ?
Rôti au feu de bois. On pourrait le préparer comme une caille. Tu le ficelles un peu comme un poulet rôti, tu le fourres de quignons de pain, sel, poivre, une branche de thym. Tu laques la peau avec un peu de beurre demi-sel. Hop, au feu de bois et impeccable.
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Une deuxième étoile ou un titre pour le FC Nantes ?
Je prends les deux.
Certains joueurs sont des fines gueules ?
J’ai le souvenir que Sylvain Wiltord, la saison où il jouait à Nantes, venait très régulièrement au restaurant. Dans la nouvelle génération, on voit moins d’amateurs.
Si tu devais recevoir un joueur ou un ancien joueur dans ton restaurant, ça serait qui ?
Zidane, évidemment. Je lui ferais goûter la mousseline de carpe, qui est un de nos plats signatures. (Le restaurant a la particularité de ne cuisiner que des poissons de rivière, NDLR.) C’est une farce qu’on fait avec une carpe pêchée au bord de l’Erdre, on moule la farce dans un moule en forme de carpe avec du shiso – sorte de basilic japonais – qui donne à la mousseline une belle couleur verte. On sert ça avec un bouillon de pot-au-feu et quelques herbes de la cueillette. Ce plat est très identifiable de notre maison, j’aimerais bien le lui faire goûter.
Tu as une recette sympa à proposer aux fans du FC Nantes pour Noël ?
Je propose un chapon farci, c’est top pour les fêtes. On prend un chapon de 3 kilos, on le vide et on fourre avec du beurre demi-sel, du thym, du laurier, et du pain de la veille. On met du beurre sur la peau. Dans un plat en pyrex, on met du cidre, des carottes et des oignons et on pose la volaille dessus. Il faut compter une heure de cuisson au four par kilo. La première heure, on enfourne le chapon à 200 degrés. La deuxième, on baisse à 150. Et la dernière heure, à 140 degrés. Pendant que ça cuit, on prépare une petite farce avec des châtaignes, des échalotes, un peu d’ail, des pruneaux, des lardons, du persil et du beurre. On utilise aussi les gésiers et le foie du chapon pour ne rien jeter, on fait sauter le tout. On termine la cuisson avec un peu de fine de Bretagne, eau-de-vie à base de cidre. Quand le chapon est cuit, on récupère le pain qui est à l’intérieur et qui a pris tout le jus de cuisson, on le mélange avec notre farce émiettée à la fourchette. Une fois que c’est fait, on fourre le chapon à nouveau et on le remet juste quelques minutes au four pour servir chaud.
Propos recueillis par Arthur Jeanne