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Mathieu, le roux tourne
Attendu au tournant après un transfert discuté, Jérémy Mathieu a patienté jusqu'au printemps pour faire taire les sceptiques. Plus que ses deux pions face au Real et au Celta, c'est son apport physique et son caractère taiseux qui ont fini par persuader la nébuleuse blaugrana.
Ses 177 apparitions et son statut de pilier n’auront pas eu raison de son ambition. La trentaine passée, Jérémy Mathieu a donc boudé, espéré, stressé, avant de savourer. Cet épisode remonte à l’été dernier. Alors sous contrat avec le FC Valence, fort de ses nouveaux millions estampillés de Singapour, le natif de Luxeuil-les-Bains se sait désiré par le grand FC Barcelone. Problème, les Chés et leur appétit retrouvé ne veulent se séparer de leur grand gaillard. Des semaines de bras de fer, de rumeurs et d’indécision plus tard, Luis Enrique force la main de sa direction, peu encline à débourser les 20 millions d’euros de sa clause libératoire. Le 23 juillet, sourire en coin, le taiseux Franc-Comtois enfile la liquette blaugrana. Quelques mois plus tard, et après deux buts salvateurs face au Real Madrid et au Celta de Vigo, il retrouve ses anciens coéquipiers avec un statut inespéré de maillon fort de l’axe central du Mes Que. Et un sourire rempli de fierté. « En arrivant, je ne savais pas ce que je jouerais, mais je suis venu avec l’idée de faire tout mon possible. Cela dépend du Mister et de mon état de forme » , évoquait-il dans les colonnes du Mundo Deportivo en mars.
Une sincérité louable, mais coupable
« C’est assez rare pour le Barça de recruter un joueur de cet âge, s’interroge de prime abord Miguel Ángel Nadal, ancien central de la maison blaugrana. Comme tout nouveau joueur, il a eu un peu de mal à s’adapter au club. Surtout qu’au début de saison, même si les résultats étaient là, le jeu n’était pas très bon. Mathieu alternait alors entre le poste de central et moins régulièrement celui de latéral gauche. » Justement, lors du premier Clásico annuel, la feuille de match distribuée au Santiago-Bernabéu annonce un Jordi Alba sur le banc. Jérémy Mathieu, recruté pour renforcer l’axe central, se voit allouer le couloir gauche. Sincère, trop au goût du service communication du club, il avoue en zone mixte avoir « été surpris de jouer à ce poste » . De même, en début d’année civile, sa franchise lui vaut une nouvelle remontrance en interne. Interrogé par RMC, il lâche une mini-bombe autour de la nébuleuse du Camp Nou : « Pour une faute non sifflée, Leo a pété un petit câble. Ça a frictionné, ils se sont dit les choses. Le coach est venu lui parler après dans le vestiaire et voilà » . Voilà, il n’en fallait pas plus pour mettre en doute le choix de Lucho de s’attacher ses services.
« Dès qu’un nouveau joueur signe au Barça, il y a toujours des doutes, témoigne en connaisseur l’ancien membre de la dream team de Johan Cruijff. Personne ne peut savoir comment un joueur peut réagir face à une telle pression, indépendamment de sa qualité. » Plus que son apport footballistique, c’est donc son caractère qui détonne et étonne. Habitué à un certain anonymat médiatique du côté de Mestalla, il découvre les spots de la célébrité de la cité de Gaudi. Comme lorsqu’en septembre, un aficionado, déçu par le nul concédé à Málaga et son pari sportif perdu, se paie le phare de son bolide à la sortie du centre d’entraînement. Différents épisodes qui ne brisent jamais la confiance placée en lui par son nouveau mentor. Miguel Ángel Nadal, toujours : « Luis Enrique a toujours cherché le meilleur pour le joueur. De par ses caractéristiques, Mathieu peut aussi bien jouer dans l’axe que sur un côté. De fait, lors du premier Clásico de la saison, il a pensé que le décaler offrait plus d’équilibre à l’équipe sans pour autant le mettre en difficulté. Au final, il s’est retrouvé qu’à la fois le joueur et l’équipe ne profitaient pas de ce positionnement » .
Nadal : « Plus de puissance physique et un super placement »
Cet apprentissage difficile doit autant à ses tâtonnements extrasportifs qu’à la forme délicate des Blaugrana. Le printemps arrivant, le Français monte en température à l’unisson de ses coéquipiers. Troisième choix au poste de défenseur central, il profite du pépin physique de Busquets et du positionnement de Mascherano au milieu pour s’imposer aux côtés de Piqué. Son coup de casque lors du second Clásico de la saison, puis sa réalisation au Balaídos finissent de convaincre les sceptiques. « Quand tu intègres une équipe dont l’aspiration est de tout gagner, dont l’exigence est maximale, c’est normal qu’une grosse pression soit mise sur le joueur. Plus que normal, c’est une logique implacable. Dans le cas de Mathieu, le fait de marquer des buts décisifs lui a permis d’être beaucoup mieux évalué par tout l’environnement qui entoure le club » , juge son prédécesseur durant les nineties. Son apport se mesure à « sa puissance physique et son super placement » , pour Nadal, et sa mutation à un environnement enfin adopté et compris. À 31 ans, Jérémy Mathieu connaît une progression constante, à l’instar « de l’identité de jeu enfin trouvée par Luis Enrique » .
Par Robin Delorme