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Mathieu Guillaud (Rumilly) : « On s’entraînait à 6h du matin avant d’aller bosser, c’était horrible ! »
À quelques heures d'affronter l'ogre monégasque en demi-finales de Coupe de France, Mathieu Guillaud aborde ce match avec une tranquillité déconcertante. Il faut dire que le milieu de Rumilly connaît parfaitement l'enjeu de cette demi-finale, lui qui a déjà éjecté l'ASM de la compétition en 2011 avec Chambéry.
On te surnomme le « Monsieur coupe » car les épopées n’ont aucun secret pour toi. Entre le huitième de finale en Gambardella avec Échirolles (2009), le quart de finale de Coupe de France avec Chambéry (2011) et cette épopée avec Rumilly, quel est ton meilleur souvenir ? Les trois sont totalement différents. En Gambardella, on est jeunes et ça laisse des souvenirs incroyables, surtout quand on partage ça avec ses potes. Avec Chambéry, on a sorti trois équipes de Ligue 1 (Brest, Sochaux et Monaco, NDLR) dans un stade plein. Il y avait la ferveur propre à la Coupe de France. Pour cette épopée avec Rumilly, c’est le parcours où je vais le plus loin. On est pour l’instant en demies, et il nous reste une marche avant le Stade de France. C’est inattendu au vu de la tournure des évènements et de l’arrêt du National 2. Mais il a une saveur particulière avec le huis clos.
Tu veux dire que c’est difficile d’en profiter à fond dans un stade vide ? C’est frustrant, surtout que j’ai connu ces moments avec Chambéry. On est tellement heureux de partager ça avec la famille dans les tribunes, les supporters et les dirigeants. L’émotion est incroyable, mais il manque la ferveur et la joie des supporters, chose qu’on pourrait retrouver si on va en finale, même s’il n’y aura pas 80 000 personnes.
Le destin veut que tu retrouves Monaco en demi-finales, club que tu avais éliminé avec Chambéry il y a dix ans. Du coup, c’est quoi la méthode pour les sortir ?J’espère que j’ai la bonne recette, mais je dirais que face à une telle armada offensive, il ne faut pas être mené au score, sinon tu risques de te prendre la marée. Le secret, c’est de jouer la montre. Chaque minute qui passe est notre alliée.
Dans votre équipe, Dorian Lévêque a déjà gagné la Coupe de France avec Guingamp. Il vous met l’eau à la bouche ?Quand on est arrivé en 16ees, il rigolait et nous disait : « Bon les gars, ça sert à rien de faire la fête maintenant, on attend d’être en finale. » On le prenait pour un fou. On se rend compte qu’il nous reste une marche et qu’on peut jouer quelque chose, peu importe l’adversaire en face. On a eu le temps de bien préparer cette demi-finale face à Monaco, surtout qu’il y avait la crainte de Covid vis-à-vis de Toulouse (le club avait recensé jusqu’à 16 cas positifs, NDLR). On a dû respecter une période d’isolement de cinq jours avant de se faire tester, on a profité de l’occasion pour fêter ça, mais on était déjà concentrés sur la demi-finale.
Le quart de finale remporté face au TFC, tu l’as vécu comment ? Il paraît que le lendemain, tu es allé acheter L’Équipe. Oui, mais j’ai mis du temps à le trouver. (Rires.) Il y a eu une vraie razzia partout où je suis allé. J’en ai acheté une dizaine pour faire la distribution à la famille. Cette Une est symbolique, surtout que le match est tombé en même temps que le projet de Superligue. Le contraste était parfait, entre d’un côté le foot business et de l’autre la beauté du foot amateur.
Tu es le genre de mec à garder toutes les coupures de presse pour faire un album ?Je fais des photocopies, ça se conserve mieux que le papier journal ! J’en ramasse le plus possible pour faire un album et le montrer à mes enfants. Je regarde souvent le DVD de l’épopée avec Chambéry, ça me donne toujours les frissons, même dix ans après.
Tu as été à l’origine des deux buts face au TFC. En tant que milieu, tu as une âme de buteur ?Je marquais plus les saisons précédentes, mais ça n’a jamais fait partie de mes priorité. Ça se voit sur mes célébrations ! (Rires.) Aujourd’hui, je joue un cran plus bas et lorsque Alexi Peuget n’est pas là, je me coltine tous les coups de pied arrêtés. Il m’arrive rarement de marquer, même si j’aime bien être dans la bagarre devant le but.
Tiens d’ailleurs, ton coach, Fatsah Amghar, nous avait confié qu’il offrirait le McDo en cas de qualification. A-t-il tenu parole ? On n’en a pas vu la couleur ! (Rires.) Je pense qu’il attend la fin de saison, car il est très strict sur les pesées. Il ne faut pas déconner avec ça.
Ce parcours en Coupe est aussi une sacrée oasis pour l’équipe, qui a galéré toute la saison entre le couvre-feu et les tests PCR hebdomadaires.Honnêtement, on croyait vraiment que le championnat allait reprendre jusqu’à fin février. Notre objectif était le maintien et si le National 2 reprenait dans le format évoqué (finir les matchs aller, puis faire deux poules montées/descentes, NDLR), on voulait terminer dans les huit premiers pour être tranquilles en fin de saison. Les matchs de Coupe nous servaient de répétition pour le championnat. Et plus on passait les tours, plus la compétition prenait de l’importance. On s’estime heureux d’avoir pu continuer les entraînements, contrairement à de nombreux clubs. On s’est donné les moyens d’en arriver là, on s’entraînait à 6 heures du matin avant d’aller bosser, les terrains étaient plein de neige, il faisait froid, c’était horrible !
Tu étais cramé quand tu arrivais au boulot ?Même pas, j’étais en pleine forme ! Je mangeais un petit bout avant l’arrivée des premiers clients. (Mathieu est kiné, NDLR.) Mais après la pause déjeuner, ça devient compliqué. La journée a commencé depuis plus de huit heures, et le temps était long jusqu’à 18h !
Quels sont tes modèles dans le foot ?J’ai toujours admiré trois joueurs. En bon milieu de terrain, je réponds Zizou. Il y avait aussi Riquelme et Steven Gerrard. Ce sont trois joueurs différents, et j’aime la combinaison des trois. Zinédine Zidane était le milieu par excellence, Steven Gerrard symbolise le fighting spirit anglais, l’attachement à son club et la détermination. Pour Riquelme, c’est le talent, pur et dur.
Tu évoques le talent. Est-ce que Mathieu Guillaud a du talent ?Un petit peu quand même. (Rires.) Je suis un gros bosseur, j’ai besoin d’être bien physiquement pour sortir des gros matchs. Je suis le genre de joueur qui aime lire le jeu et qui aime anticiper. Je dois me servir de ça pour faire briller les autres. Quand j’étais jeune, j’étais l’un des premiers à me mêler dans une baston. Aujourd’hui, je me suis assagi, même si je ne me considère pas comme un leader. Je suis plus dans l’action que dans les paroles.
Jeudi soir, tu vas aller demander le maillot de quel Monégasque en fin de match ?Je ne l’ai jamais fait, même avec Chambéry. C’est peut-être par timidité. On verra sur le moment, mais me connaissant, je ne vais demander à personne et rentrer aux vestiaires bredouille. (Rires.)
Propos recueillis par Analie Simon