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Mateo Zambrano, un Français à Quito

Par Thomas Allain
5 minutes
Mateo Zambrano, un Français à Quito

Peu de joueurs arpentent les terrains de football sud-américains avec un passeport français en poche. Mateo Zambrano fait partie de ce cercle très fermé. Arrivé en Équateur alors qu'il marchait à peine, le Franco-Équatorien de 23 ans vient d'y achever sa première saison chez les pros, en seconde division. Retour sur le parcours d'un homme qui a pris son envol sur les hauteurs de Quito.

Au cœur de l’Estadio Banco de Guayaquil, l’arbitre siffle la fin de la dernière rencontre de Serie B, la deuxième division équatorienne. Sur la pelouse, le Franco-Équatorien Mateo Zambrano est sonné : son club n’accédera pas à la Serie A, plus haut échelon du pays andin. Face à un adversaire qui n’avait plus rien à jouer, El Nacional de Quito n’a pu obtenir qu’un décevant match nul, privant le club de la capitale équatorienne d’une accession en première division pour un petit point. « Le football a été injuste avec nous, mais c’est le sport, on aura une revanche à prendre », lance dans un français parfait le jeune joueur. « Nos adversaires n’avaient plus rien à jouer et ont fêté ce match nul comme si c’était un titre », poursuit-il, amer. Longtemps condamné au statut de remplaçant, l’avant-centre d’1,82m vient d’achever sa première saison complète chez les pros. Une bouffée d’oxygène pour un homme à qui le football n’a fait aucun cadeau.

Sochaux, heures sup et président en prison

Né en France, patrie de sa mère, un jour de printemps 1998, les ambitions politiques de son père, devenu ministre de la Défense du pays, amènent Mateo à quitter l’Hexagone pour l’Équateur au début des années 2000. Le joueur concède ne pas être resté longtemps en France. « Même si j’y vais tous les ans voir ma famille, mes grands-parents », précise-t-il. Celui qui a passé toute sa scolarité sur les bancs de l’école française de Quito se verrait bien revenir dans le coin : « J’ai l’avantage d’avoir un passeport français. Mon objectif est de jouer un jour en Europe. » D’ailleurs, en U15, le joueur avait tenté l’aventure française en participant à un essai de quelques jours à Sochaux, en vain. « Je logeais dans le château, je passais du temps avec les autres joueurs comme Marcus Thuram ou Ibrahima Konaté. Là-bas, j’ai beaucoup aimé la méthodologie, tout était vraiment professionnel. Ici, en Équateur, tu as de tout, tu peux même rencontrer des joueurs en surpoids. »

À Quito, Mateo débute à l’école de football de la LDU Quito, un des clubs les plus titrés du pays. À son arrivée au collège, il se retrouve face au premier dilemme de sa carrière. « Le club m’a demandé de quitter l’école française pour rejoindre la leur, qui proposait un cursus aménagé pour les joueurs. Les entraînements de ma catégorie étaient prévus à 9 heures du matin, mais je ne pouvais pas y aller, je terminais mes cours à 16 heures », se souvient l’intéressé. Finalement, c’est sa mère qui tranche et le joueur reste dans l’établissement français jusqu’au bac. Mateo Zambrano quitte la LDU et rebondit « grâce à un copain d’école » dans une autre équipe de la capitale, le Deportivo Quito.

Sous ses nouvelles couleurs, celui qu’on surnomme « El Francès » explose. Ses performances lui ouvrent les portes de la sélection équatorienne U15 où il ne rate pas un seul regroupement. Au point qu’entre rassemblements en équipe nationale et entraînements avec le groupe pro, la cadence devient infernale. « Je m’entraînais deux fois par jour : le lundi, mardi et mercredi avec la sélection et le jeudi et vendredi avec le groupe pro du Deportivo. Le week-end j’avais match… J’ai tenu deux mois », décompte-t-il. Mateo se retrouve pris dans l’étau, et son corps ne suit plus. « Deux semaines avant le Mondial U15 en Corée, je me blesse. » Une blessure qui le prive aussi de la fin de saison avec son club, d’autant plus que ce dernier se voit retirer 34 points de la part de la FIFA. « Il y avait des contrats à 80 000 dollars… pour le foot équatorien, c’est un truc de fou ! » L’irresponsable président du Deportivo Quito finit par aller en prison, laissant le club sans solution. « Il n’y avait plus personne pour payer tout ce fric. Le club ne pouvait pas payer ces dettes », déplore Zambrano. Le Deportivo Quito est rétrogradé sans que Mateo ait eu la chance de débuter en première division. Jamais deux sans trois, il s’engage dans une autre équipe de Quito, El Nacional, unique tri-campeon du football équatorien.

Deuxième Français de l’élite équatorienne

Ses débuts au Nacional ne sont pas simples, et Mateo, pris en grippe, ne joue pas. « Je suis tombé sur un entraîneur qui considérait que si tu n’es pas pauvre, tu n’as pas besoin de jouer au foot. » Le fils de politicien a senti que sa présence ne plaisait pas à tout le monde. « En Équateur, ceux qui sont dans une classe sociale plus aisée ne sont pas bien vus », complète-t-il. Déterminé à jouer, il se focalise sur le travail invisible du footballeur : alimentation, relaxation, musculation… Le Franco-Équatorien s’étoffe physiquement et s’inspire de son modèle, Cristiano Ronaldo : « Je l’apprécie pour le côté sportif et travailleur, même si mon technicien préféré reste Riquelme. » Sa persévérance finit par payer. Ses belles prestations en réserve (champion national en 2018 et 2019) lui permettent de débuter en Serie A en fin de saison 2019. Zambrano devient à cette occasion le second joueur français à évoluer dans l’élite équatorienne, après Hugo Bargas. Le fils de l’Argentin Angel Hugo Bargas, champion de France avec Nantes dans les années 1970, avait évolué sous les couleurs du Deportivo Cuenca en 2014.

Mais l’histoire se répète. À l’issue de l’année 2020, El Nacional termine dernier de son championnat et doit se séparer de la majorité de son effectif. Une mauvaise nouvelle qui se transforme en aubaine pour Mateo. Repositionné en neuf et demi après le départ de plusieurs cadres, MZ11 s’éclate dans le rôle de créateur. Infatigable générateur de mouvements et très à l’aise dans les petits périmètres, il réalise une première saison encourageante ponctuée par cinq buts et cinq passes décisives. Avec la satisfaction d’avoir participé à 27 des 36 matchs de son équipe, Zambrano peut désormais conclure tranquillement son année universitaire. En parallèle du football, bac ES en poche, il a décidé de poursuivre des études de marketing sportif à l’université de Quito. « C’est ma volonté, mais aussi celle de mes parents, je crois que ça les rassure », sourit celui qui sera en fin de contrat au mois de décembre. Et si c’était le moment de s’aventurer au-delà des frontières de sa ville, Quito ?

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