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- 33e journée
- Sampdoria/Inter Milan
Mateo Kovacic n’a pas le temps
Lorsqu'il entre en jeu, le stade Giuseppe Meazza n'a d'yeux que pour sa conduite de balle. Une posture droite et une technique déroutante, des slaloms et de la vista, Mateo Kovačić est un surprenant « mélange entre Kaká et Seedorf », dixit Giovanni Trapattoni. En clair, le Croate est un milieu qui aime pousser le ballon loin et briser les lignes vite. Quand il a le ballon, cela saute aux yeux : Kovačić sera un très grand footballeur. Le problème, c'est que Walter Mazzarri n'a pas l'air pressé.
Le dernier cadeau de Massimo Moratti
Premier but à 16 ans, brassard à 17 et numéro 8 du grand Robert Prosinečki sur les épaules. Au Dinamo Zagreb, Kovačić n’a pas encore de poste déterminé, mais il est trop doué pour ne pas jouer tout le temps. Alors, il alterne. Parfois meneur de jeu reculé, sorte de « box to box » à la croate, c’est-à-dire capable de remonter verticalement le terrain comme les milieux de Premier League, mais plutôt à l’aide de sa technique et sa vista. Parfois milieu offensif, où il est bien plus décisif pour sa dernière passe que pour sa frappe de balle inconstante. Après Modrić et avant Alen Halilović, Kovačić fait du bruit : toute l’Europe le suit, mais personne n’est prêt à miser sur un joueur tactiquement mystérieux, et blessé plusieurs fois au cours de sa formation (fracture de la jambe en 2009, notamment).
Le mois de janvier 2013 est long pour les tifosi intéristes. Wesley Sneijder vient de quitter le navire pour le Bosphore, le club ne semble pas vouloir le remplacer et Diego Milito, après un gros début de saison, est de retour à l’infirmerie. Alors, le 31 janvier, dernier jour du mercato, Massimo Moratti décide de faire une ultime folie. La légende racontera qu’une seule vidéo suffit à convaincre le président. Comme avec Recoba et Emre, Moratti y met du sien : 11 millions d’euros plus 4 de bonus pour Zagreb. À 18 ans, Kovačić prend le numéro 10 de Wesley, Ronaldo ou encore Matthäus et débarque à Milan comme un futur sauveur. Un sauveur né en 1994, mais avec déjà deux saisons et demie de professionnalisme et douze matchs de Ligue des champions dans les yeux.
« Le talent le plus prometteur depuis Ronaldo »
Difficile de ne pas croire Javier Zanetti lorsqu’il affirme qu’il n’a pas vu plus prometteur à l’Inter depuis le passage de Ronaldo. Alors que Kovačić arrive dans une période quelque peu traumatisante pour le milieu de l’Inter, qui ne s’est jamais remis du départ de Thiago Motta et n’a pas su remplacer la polyvalence de Stanković, le 10 offre enfin de la rareté, de la qualité, de la vista, du talent. Où ça ? Dans la profondeur du milieu de terrain. Trop peu décisif dans le dernier geste pour la Serie A, Stramaccioni préfère le placer systématiquement en milieu reculé. Kovačić intervient alors au tout début de la phase offensive intériste, à la relance. Habile dans le slalom, Kova dribble, feinte, brise les lignes et ouvre des brèches. Sauf que Mateo « n’est pas né pour jouer regista » , dixit Boban. Il n’en a ni le jeu long, ni le volume de jeu, ni la rigueur défensive. Du moins, pas encore.
Pour sa première titularisation à Florence, Kovačić sort à la mi-temps et l’Inter s’incline 4-1. Mais une saison cauchemardesque a ses avantages : quitte à descendre jusqu’à la neuvième place de Serie A, Strama prend la décision courageuse de miser sur l’avenir. Kovačić finira la saison sur dix titularisations d’affilée sans jamais quitter le terrain. L’Inter va mal, mais son milieu a du futur. Puis, Walter Mazzarri arrive en Lombardie avec dans ses bagages un encombrant 3-5-2. La presse italienne s’alarme immédiatement. D’un côté, les gladiateurs Inler et Behrami. Et de l’autre, le petit Kovačić (1m81 tout de même). « Kovačić sera mon Marek Hamšík » , dit Mazzarri. À l’époque, cela paraît crédible. Kovačić devrait naturellement jouer proche du but. Malheureusement, comme très souvent, des pépins physiques lors de la présaison s’avèrent décisifs. En convalescence, Kovačić ne joue que trois fois quatre-vingt-dix minutes en quinze journées de championnat.
« #SaveKovacic »
Si c’était un problème de niveau, Kovačić ne serait pas le premier talent prometteur des Balkans à ne jamais éclore. Tant pis, dirait-on. Mais pendant ce temps-là, en novembre, Mateo est superbe avec la sélection croate lors des barrages contre l’Islande. Le spectre de l’épisode de la vente de Coutinho refait surface. Mazzarri prend goût à son 3-5-1-1 conservateur, et un malaise se crée autour de l’absence de Kova. Plus que le système, les idées de jeu sont problématiques. Certes, Cambiasso est trop intelligent, Alvarez montre un volume de jeu nouveau et le profil de Guarín offre, si ce n’est plus de garanties défensives, plus de courses et de duels gagnés. En revanche, rien ne justifie les titularisations de Taïder et Kuzmanović si ce n’est une certaine obsession du résultat à court terme. Et puis, une spirale négative s’amorce.
Contre Naples, le Milan et la Lazio, le Mister l’utilise en joker à l’heure de jeu. Inévitablement, comme si le contraste entre sa créativité et celle de ses coéquipiers était trop fort, l’Inter perd de l’équilibre et le Croate passe du statut de talent prometteur à bouc émissaire. Aligné d’entrée contre la Juve au Stadium en février, il oublie Lichtsteiner dans son dos sur le 1-0. Et lorsqu’il sert idéalement Palacio quelques minutes plus tard, l’Argentin tire de peu au-dessus. Rien ne va. Depuis, Mazzarri ne lui fait plus confiance et Thohir a arraché Hernanes à la Lazio. Sur les dix dernières journées, Mateo n’est entré en jeu que cinq fois, pour 22 minutes en moyenne. Ainsi, le 8 avril, les tifosi laissent un message fort à Appiano Gentile, avec une banderole « Fais-le jouer au moins les matchs d’entraînement #SaveKovacic » . Décrié pour son manque de courage tactique, Mazzarri ne peut plus sauver la saison de l’Inter, destinée à finir au mieux cinquième. En conséquence, Thohir lui a demandé l’Europa League, mais aussi de la jeunesse et du spectacle. S’il a su sauver le turbulent Mauro Icardi à force de confiance, il peut certainement encore sauver Kovačić. Et s’ouvrir les portes de la saison prochaine ?
Par Markus Kaufmann
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