RFA – Hongrie : 3-2
Finale Coupe du monde, 4 juillet 1954Stade du Wankdorf, Berne
Les Allemands en parlent comme du « miracle de Berne » , le reste de la planète foot comme d’un jour de pluie en Suisse et de la défaite de la plus belle des équipes. Du 14 mai 1950 au 4 juillet 1954 et cette finale de Coupe du monde, la Hongrie va rester invaincue 29 matchs. Jamais une sélection ne s’est avancée aussi sûre de sa force et de son génie que celle composée par Puskás, Czibor, Hidegkuti ou Kocsis. Soixante ans après, il y a encore des larmes, de l’incompréhension et un sentiment d’injustice quand on revoit le film de ce 4 juillet 1954 et cette défaite (3-2) face à cette RFA pourtant surclassée au premier tour (8-3). Le réalisateur Jean-Christophe Rosé a magnifiquement raconté cette histoire dans un documentaire pour ARTE de 1998 : Onze footballeurs en or. Un film où le vainqueur ne tient pas forcément le bon rôle. « Il y a eu un tollé à Arte, des Allemands sont partis en tapant des pieds lors de la projection » , expliquait-il juste avant la diffusion. Et si les Allemands gagnent à la fin (pour la première fois), c’est bien du point de vue du perdant que s’écrit l’Histoire.
Près de 60 ans après, on se demande comment la Hongrie a pu perdre cette finale alors qu’elle était invaincue depuis quatre ans…
Les Hongrois ont été tués par leur romantisme. Ils devaient gagner, mais en se montrant toujours brillants. Ils ont joué toute la Coupe du monde avec la même équipe, leur sélectionneur, Gusztáv Sebes n’a pas su ou voulu gérer son effectif. Les Hongrois sont arrivés un peu sur les rotules en finale. Il a été très critiqué par la suite pour cela. À la différence des Allemands. Sepp Herberger était un grand malin. Il avait programmé son équipe pour qu’elle monte en puissance jusqu’à la finale. Au point de demander à ses joueurs de lever le pied contre la Hongrie au premier tour et perdre 8-3. Les Hongrois ont aussi été tués par les éléments. Le terrain était gorgé d’eau, très lourd et cela a forcément nivelé la valeur des deux équipes. Puskás avait été aussi blessé lors du premier match contre la RFA. Il a traîné cette blessure tout le reste de la compétition.
Paradoxalement, ce match a contribué à rendre cette sélection plus mythique que si elle ne s’était imposée ?
Sans doute. Cette défaite m’a donné envie de lui consacrer un documentaire. Je suis de Genève à 80 kilomètres de Berne et j’ai grandi avec le récit de cette finale par mon père. Il y a un côté tragique dans l’histoire de cette équipe. Parce qu’il s’agit peut-être de la meilleure de tous les temps et qu’elle ne gagnera jamais la Coupe du monde. La défaite de Berne préfigure ce qui va se passer en 1956 à Budapest, avec l’intervention des chars soviétiques. Elle marque une parenthèse dans l’histoire hongroise.
Dans quel sens ?
Il y a d’un côté un pays d’artistes sous la botte d’un régime et, de l’autre, un pays au football basique et sans subtilité qui se relève du nazisme. Cette équipe a été dépassée par son histoire. Elle est devenue l’expression et le symbole d’un pays. Il faut se rappeler que la Hongrie a perdu les deux tiers de sa superficie et de sa population après la défaite de 14-18. Après 1945, elle est passée sous domination communiste, alors que c’est un pays qui n’avait pas vocation à l’être. Cette sélection ressoude le pays et devient son expression et son symbole le plus emblématique. Le temps d’un match, les anti- et procommunistes communiaient dans un stade.
Le football communisme prône une dimension collective. Or, on a l’impression que cette sélection se démarquait par son jeu collectif bien sûr, mais surtout par ses individualités…
Contrairement à ses pays frères, il s’agissait d’une équipe de créateurs rivée sur l’attaque. Cela tient d’abord à la nature des joueurs qui ont formé son ossature et qui avaient des personnalités très affirmées. Grosics, le gardien, était catholique et hostile au communisme. On lui reprochera d’ailleurs le deuxième but encaissé en finale. Hidegkuti n’était pas dupe non plus, Czibor était une tête brûlée. On avait plus de mal à situer Puskás. D’autres se montraient plus opportunistes. Les joueurs disposaient d’une grande liberté sur le terrain, ils n’étaient pas aux ordres de leur entraîneur. Par exemple, c’est Hidegkuti, en reculant, qui a inventé le 4-2-4, où l’avant-centre décrochait pour permettre aux deux inters (Czibor et Kocsis) de monter. Il y a une rivalité avec les Brésiliens pour s’en attribuer la paternité. Les premiers pensent l’avoir inventé en 1958, alors que c’est les Hongrois qui ont proposé les premiers ce 4-2-4 sans vraiment le faire exprès.
Si ses différents joueurs n’étaient pas partis aux quatre coins de l’Europe en 1956, que serait devenue cette équipe ?
Je crois qu’elle était à son apogée en 1954. Deux ans plus, elle amorçait déjà son déclin, certains commençaient à prendre de l’âge. Tout était prévu pour qu’elle soit couronnée à Berne.
Deux extraits du documentaire
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