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Mata, ou la remise en cause Mourinho
Alors que tout le monde le voyait déjà parti en raison de ses relations infructueuses avec José Mourinho, Juan Mata est pour l’instant le titulaire surprise de Manchester United. Un choix qui symbolise la remise en question personnelle du Special One après son échec à Chelsea.
Dimanche dernier, dans l’heure qui a précédé le coup d’envoi de Bournemouth-Manchester United, beaucoup ont cru à une blague quand ils ont vu la composition d’équipe alignée par José Mourinho. En haut à droite se trouvait… Juan Mata. Le même Mata qui avait été envoyé au placard lors du deuxième passage du Special One à Chelsea, alors même que l’Espagnol restait sur deux saisons où il avait été élu joueur de l’année des Blues. Celui qui n’avait participé qu’à 832 minutes de championnat – neuf titularisations seulement – en six mois avait ainsi été lâché à MU pendant le mercato hivernal, sans sentiment ni remerciement de la part du club londonien.
Ce qui avait titillé l’orgueil du joueur, dont la réponse à l’entraîneur portugais (qui l’avait réduit à un « joueur luxueux » ) dans le Daily Telegraphavait été remarquée : « Si un joueur luxueux est un joueur qui marque des buts, fait des passes décisives et a des bonnes stats, alors je suis heureux d’être un joueur luxueux. Je veux des joueurs luxueux dans mon équipe. J’aime les joueurs créatifs et les joueurs qui font des choses différentes. C’est facile de dire que certains joueurs sont luxueux, surtout quand vous perdez un match. »
Tactique payante
Du coup, quand le Mou a débarqué à United cet été, le petit Juanito a vu son monde s’écrouler, une fois de plus. Il y a d’abord eu la fausse officialisation du numéro 8, celui de Mata, donnée à Zlatan Ibrahimović. Puis les rumeurs de transfert. Et enfin l’épisode Community Shield, durant lequel José a fait entrer son Hispanique à l’heure de jeu… Avant de le faire sortir 25 minutes plus tard. « Il fallait que je sorte mon plus petit joueur, car on s’attendait à de longs ballons adverses, avait osé JM face à la presse. C’est lui le plus petit joueur. Le règlement autorise six changements, je n’en avais fait que cinq et je voulais casser le rythme. »
Mais finalement, les paroles du technicien aux deux Ligues des champions étaient sans doute plus sincères qu’on veut bien le croire. En témoigne le geste de confiance adressé au mimi-Mata pour la première journée, avec cette titularisation. Bonne pioche : ce dernier n’a pas déçu, en marquant notamment le premier but de la partie à un moment du match où Manchester n’était pas au mieux. Le premier but tout court en championnat sous les ordres de Mourinho pour Juan. Parce que Mata avec le Mou, jusque-là, c’était un pion en League Cup et deux assistsen PL. Famélique. Forcément, José s’est félicité de son choix en conférence de presse, tout en caressant le principal intéressé : « Il a marqué un but important, un but intelligent. C’est un but marqué par quelqu’un qui a un instinct naturel pour jouer au football. Je le connais très bien, j’ai déjà travaillé avec lui, je sais ce qu’il peut donner et aujourd’hui, c’était parfait. »
Cela revient-il à dire que Juan Mata s’est amélioré depuis deux ans ? Pas vraiment, non. La question se porte davantage sur le Special One. En réalité, ce changement brusque de considération pour celui qui n’a pas été sélectionné à l’Euro 2016 est symbolique de la remise en cause personnelle apparente du Portugais. Rappelons quand même que Mourinho vient de traverser la pire période de sa carrière, avec un triste record de 25% de victoire en championnat sur l’exercice 2015-2016, et de 36% toutes compétitions confondues. Devant un tel constat d’échec, seul un imbécile ne chercherait pas à faire son autocritique. Or, quoi qu’on en dise, Mourinho est intelligent.
« Quand tu évolues à ce niveau-là, c’est indispensable d’avoir une adaptation intellectuelle permanente, c’est-à-dire une remise en question permanente, corrobore Jean-Marc Furlan, entraîneur de Brest. Tu sais que tu dois évoluer, surtout après une crise de résultats. Ces gens-là tirent partie de leur expérience passée, c’est évident. Sinon, tu ne restes pas si longtemps au haut niveau. » Le coach français continue son argumentation, avec un exemple personnel concret : « Peut-être que la relation entre les deux hommes à Chelsea n’était pas si désastreuse. Dans le football, nous, les managers, on bannit deux mots : jamais et toujours. Moi, ça s’est mal passé avec Mounir Obbadi au début. Je trouvais que c’était un petit con orgueilleux. Quand je l’ai retrouvé trois ou quatre ans plus tard, c’était un joueur qui ne voulait surtout pas me revoir. Et en fait, c’est devenu mon leader, je lui ai confié les clefs de mon équipe. Aujourd’hui, c’est un ami. »
Au-delà de Mata
Hormis le cas Mata, le Special a aussi modifié quelques autres trucs. Déjà, son arrivée à Manchester United, aussi médiatisée soit-elle, n’a pas donné lieu à des sorties « mourinhesques » , au contraire de son retour à Chelsea. La communication est plus réfléchie, moins impulsive. Les conférences de presse sont (pour le moment) moins tendues, moins électriques, plus paisibles. Cela se ressent également sur ses relations avec les joueurs. Fini les critiques publiques et les insultes déguisées. Bien sûr, Mourinho ne s’est pas totalement transformé. La mise à l’écart cruelle de Bastian Schweinsteiger, ainsi que la punchlineà l’intention d’Arsène Wenger en sont la preuve. Les arbitres doivent d’ailleurs s’attendre à en prendre plein les dents quand les mauvais résultats commenceront à tomber. Mais croire que ce Mourinho 2.0 fera les mêmes erreurs qu’à Madrid ou à Chelsea est illusoire. En attendant, la prochaine étape sera de faire jouer Juan Mata un match de PL en entier. Avec les Blues du Mou, cela n’était arrivé que deux fois.
Par Florian Cadu