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Mata dort
C’est quasiment acté : vu ses relations avec José Mourinho, Juan Mata va quitter Manchester United. Dans la discrétion la plus totale. Injuste vu l’état d’esprit du garçon et sa capacité à se montrer décisif.
Quand il est arrivé à Manchester United, Zlatan Ibrahimović a tranquillement posé ses affaires. Après quelques flatteries échangées entre José Mourinho et le joueur en conférence de presse, les maillots floqués du nom de l’ancien Parisien pouvaient partir comme des petits pains. Avec le numéro 8 dans le dos. On ne sait pas si c’est le Z qui l’a réclamé ou si c’est le club qui lui a proposé. En vérité, tout le monde s’en fout. Sauf que ce chiffre-là, c’était, jusque-là, celui de Juan Mata. Peu en ont parlé, mais ce changement a sans doute signé de manière officieuse le départ de l’Espagnol.
Même ce dernier n’a pas réagi. Plongé dans un sommeil profond depuis la fin de la saison dernière, Mata a profité de son absence à l’Euro pour se reposer et lire quelques livres de philo. Lorsqu’Ibra s’est pointé et qu’il a vu son 8 se faire dérober par le Suédois, il n’a rien dit, sans doute trop endormi – ou trop fataliste. Se révolter, ce n’est de toute façon pas le genre de la maison. Pourtant, le petit meneur de jeu aurait bien des raisons de se réveiller et de plaider non coupable.
Le jugement dernier
Car certains supporters mancuniens sont ravis à l’idée de ne plus voir Juan porter les couleurs de leur équipe. Pour eux, le meneur de jeu a même représenté une belle tête de turc depuis deux ans et demi : ses prestations n’étant clairement pas suffisantes à leurs yeux. Trop frêle, trop inconstant, pas assez créatif, le meilleur joueur des Blues 2012 et 2013 était trop loin de son niveau de Chelsea pour convaincre qui que ce soit. Surtout que les Red Devils avaient payé cher pour le faire venir, à savoir près de 50 millions d’euros. Avec Wayne Rooney dans les pattes, le nouveau ne faisait pas assez de différence significative dans le jeu rouge. Voilà pour le verre à moitié vide.
Mais si l’on prend l’autre récipient, celui bien plus rempli et auquel on a enlevé le somnifère, le constat est bien différent. Observons les statistiques, d’abord. En Premier League, le Monsieur a joué 86 matchs – pas toujours en tant que titulaire – pour 21 buts inscrits et 13 passes décisives (4 buts en 6 matchs de Coupe aussi). Oui, ça reste loin des standards de Londres, surtout en ce qui concerne les assists. Mais c’est déjà pas mal pour un joueur d’entrejeu, dont le rôle prioritaire n’est pas de faire trembler personnellement les filets. Et c’est aussi oublier un peu vite que le bonhomme est souvent là dans les moments importants. Des exemples ? Son pion vainqueur face à l’ennemi de Liverpool en mars 2015. Ou celui contre le voisin de City un mois plus tard.
Surtout, l’ancien de Valence a toujours affiché un état d’esprit irréprochable. Quand Louis van Gaal le place sur le banc sans aucune explication, et alors même qu’il est loin d’être l’élément le plus dégueulasse d’un United incapable de sortir la tête de l’eau, Juan ne dit rien. Juan accepte sans aucun orgueil mal placé ni comportement frustré. Juan va s’échauffer, rentre sur le terrain et joue comme si rien ne s’était passé malgré les quelques sifflets d’Old Trafford. « Normal, c’est son boulot » , pourrait-on dire. Certes. Mais le smile constant qui s’affiche sur sa tronche et la réserve dont il fait preuve, pour le bien de l’équipe, quand il s’agit de répondre aux médias sur son cas personnel se font de plus en plus rares dans le football moderne.
Sur le terrain, c’est la même chose. Les efforts marquent le visage et font disparaître le sourire, les jambes s’activent, parfois dans le vide, mais l’investissement est là. Ceux qui prétendent le contraire font fausse route. Pas pour rien que Mata a porté quelques fois le brassard lors de la saison écoulée, quand Rooney ou Michael Carrick se faisaient porter pale. Une marque de confiance qu’il pouvait honorer de cette manière :
Aujourd’hui, l’horizon semble bel et bien bouché à MU pour le natif de Burgos. Mourinho, qui ne compte absolument pas sur lui et qui lui avait déjà montré la porte de sortie à Chelsea, envisage de s’en servir comme monnaie d’échange pour le transfert de Paul Pogba. Ou de le lâcher à Everton. Ou pourquoi pas d’en tirer une belle somme en le livrant au PSG. Juan Mata, lui, ne se plaint pas. À 28 ans, il a encore le temps de faire le bonheur du club qui en voudra.
En mars dernier, quand il s’imaginait encore passer un peu de temps à Manchester, l’Espagnol se réjouissait d’une éventuelle arrivée d’Ibra déjà dans les tuyaux : « C’est probablement le meilleur joueur de l’histoire de la Suède au niveau de ses qualités footballistiques et de ce qu’il représente. Il a joué dans tellement de championnats différents et il a gagné des trophées partout où il est passé. C’est un très bon joueur et j’aime jouer avec des grands joueurs. Ce n’est pas moi qui décide mais, bien sûr, n’importe quel joueur serait heureux de jouer à ses côtés. » Ce ne sera pas le cas. Dommage pour United. Tant mieux pour Paris ?
Par Florian Cadu