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Mass Hysteria : «Tout le monde veut Éric Cantona»
Coéquipier de Corentin Martins à l’âge de 13 ans, le chanteur de Mass Hysteria n’a jamais laissé tomber sa première passion. Avec Vincent Mercier, bassiste du groupe, Mouss Kelai revient sur les Hell Side du Standard de Liège, la canicule, le PSG d’Ibrahimović, l’engagement d’Éric Cantona et l’épisode mal digéré de Knysna.
Votre passif de footeux ?
Mouss : J’étais à Brest, en pupille avec Corentin Martins, qui est quand même devenu numéro 10 de l’équipe de France. Trois ou quatre sélections, mais quand même ! À cette époque, j’étais vraiment fan de foot. Aujourd’hui, j’ai un fils de douze ans, qui adore, ma fille aussi aime bien, et je regarde toujours les matchs. Essentiellement, les grandes compétitions, les grands matchs des championnats anglais ou espagnols. Même ma femme regarde ! J’aime bien les gros matchs, c’est toujours excitant. Dans Mass Hysteria, je dois être celui qui suis le plus le foot, avec Vince.
Vincent : Je viens de Sochaux-Montbéliard, un club mythique. J’allais beaucoup au stade Bonal avec mon beau-père. À cette époque, je jouais à l’AS Audincourt. Puis le skateboard m’a tiré en dehors du foot, mais quand il y a des gros matchs, je regarde.
Mouss, tu étais donc dans la même équipe que Corentin Martins ?
Mouss : J’étais en pupille A, attaquant, avec lui. On avait fait une espèce de tournoi international. Il y avait des équipes espagnoles, comme le Barça. Le PSG était là aussi, et nous étions un des rares clubs de Brest à participer à ce tournoi. Mon club s’appelait le Patronage Laïque du Bergot. Bergot, c’est un quartier. Richard Honorine avait grandi dans ce club-là avant de cartonner au Stade brestois !
Quid de ce tournoi international ?
Mouss : On l’avait gagné ! Ça se passait à côté du Mans. On l’a fait trois années de suite. Et la dernière fois, on l’a gagné ! Avec un Corentin Martins dans toute sa splendeur ! Tout le monde voulait l’avoir dans son équipe. C’était déjà fou de nous faire participer à ce tournoi, il n’y avait que des gros clubs européens. Nous avions été invités. On était là, avec nos chaussettes dépareillées, alors que toutes les autres équipes avaient l’équipement entier, avec les sacs de sport à l’effigie de leur club. Nous, c’était limite si on n’avait que le maillot de la même couleur ! Mais on avait quand même remporté le trophée. Comme quoi l’envie, la gagne, ça paye.
Après 14 ans, tu as donc arrêté de jouer ?
Mouss : Vers 13 ou 14 ans, tu commences à jouer de la guitare, à avoir ton vélomoteur, à emballer des meufs, et jouer le samedi matin ou le dimanche matin, avec trois entraînements par semaine, ça devient dur. Mais je n’ai pas lâché la passion. Quand j’étais à Lyon, j’allais à Gerland. Quand je suis à Paris, je vais voir le PSG jouer contre les équipes bretonnes.
Vous jouiez quel poste ?
Mouss : J’étais devant, numéro 7, pour Rocheteau. Je suis un fan de Rocheteau. J’aimerais bien le rencontrer. Quand j’étais gamin, Platini était numéro 10, c’était peut-être trop pour moi.
Vincent : J’étais libéro. Ce qui était intéressant, quand on jouait à l’époque, c’était d’avoir la tenue, d’être en équipe, avoir les mêmes couleurs et jouer ensemble. Faire de la musique, c’est un peu la même chose. Tu es avec tes potes, tu défends la musique devant des gens. On s’entraide, on pratique. Et puis les entraînements, pour nous, c’est les répètes, et le match, c’est le concert. Sur les fondations, foot et musique sont vraiment très similaires.
Mouss : Notre rêve, ce serait de faire la première partie d’AC/DC au Stade de France. Déjà, pour AC/DC, les seigneurs parmi les seigneurs, et puis pour le Stade de France, on a quand même été champion du monde là-bas !
Il vous arrive de taper le ballon avec d’autres groupes ?
Mouss : Avec No One Is Innocent, à une époque, à chaque fois que l’on se voyait, on faisait des matchs de foot. D’ailleurs, il y a un tournoi qui se tient vers Rungis avec des groupes, des labels, qui se rencontrent. C’est au début du mois de juin. On devait le faire cette année, mais on était en plein rush avec l’album. Le tournoi s’appelle Foot’zik, il se tient au Five d’Aubervilliers. Il y avait 16 équipes cette année et c’est notre label, Verycords, avec des gars de Midem, qui ont remporté le tournoi. Sinon, pendant les tournées, on aime jouer au tennis ballon. On prend toujours deux barrières et on les met derrière la salle.
Une anecdote de tournée relative au football ?
Mouss : Il y a un match mythique, la demi-finale de la Coupe du monde en France. On était à Dour, en Belgique. Il y avait Slayer et plein d’autres groupes. Nous avions regardé le match avec tous ces gens-là. Les Français gagnent, les mecs de Slayer applaudissent… On était fous ! Mais souvent, dans les festivals, s’il y a un match important, on demande à avoir une télé dans les loges. Même Raphael, notre batteur, aime le foot. Il est de Reims… qui est enfin en Ligue 1 !
Content de revoir les Rémois parmi l’élite ?
Mouss : Moi, j’attendais ça depuis longtemps. Parce c’est un club mythique. En ce début de saison, il galère un peu, c’est dommage, mais c’est un peu normal. Brest, ça fait seulement deux ans qu’ils sont en Ligue 1. En revanche, ça fait chier que Lens soit encore en Ligue 2. C’est bête, c’est un club qui a un vrai stade, avec de vrais supporters.
Si vous deviez entraîner une équipe de foot ?
Mouss : Brest, parce que c’est ma ville, déjà ! Et une équipe anglaise, genre Arsenal, j’adore cette équipe. C’est vraiment une équipe de jeunes, toujours dans le top, que j’aime beaucoup.
Vincent : Je dirais Sochaux. C’est une équipe qui a formé beaucoup de joueurs, dont Franck Sauzée, qui est ensuite parti à Marseille. Et puis, géographiquement, c’est beau, c’est montagneux, je voyais l’équipe s’entraîner dans des parcs. Si je devais choisir une autre équipe, ce serait une italienne, comme Naples. Parce que les Italiens sont fous, ce sont des équipes à fleur de peau, ça doit être assez palpitant de conduire des mecs pareils. Je le ferais juste le temps de goûter cette ferveur.
Et entraîner un entraîneur ?
Mouss : Moi, Aimé Jacquet. Je l’aime bien. J’ai été pris dans le tourbillon de 98. Avec Les Yeux dans les bleus. D’ailleurs, il y a un morceau de Mass Hysteria dans Les Yeux dans les Bleus 2. Le morceau s’appelle Remède. C’est un morceau assez souple. Tu les vois partir à l’entraînement à Fontainebleau, au ralenti, sur ce titre. On est contents d’avoir participé à cette vidéo. Mais dans Les Yeux dans les bleus 1, j’adore le moment où Aimé Jacquet explique à Pires qu’il doit muscler son jeu. Je trouvais Jacquet hyper fort. Il a su éviter les critiques, préserver les joueurs, rester concentré et puis gagner la Coupe du monde. Donc respect, c’est lui que je choisirais.
Vincent : Je dirais Arsène Wenger. J’aime bien ce mec-là, car il reste toujours impassible. J’aimerais bien le rencontrer pour parler de sa philosophie de jeu.
Didier Deschamps à la tête de l’EDF, plus crédible que Laurent Blanc ?
Mouss : Ce sont deux gars que j’adore. Tu sens que Laurent Blanc a bien la tête sur les épaules. Deschamps, en tant que joueur, était un redistributeur de folie. En tant que sélectionneur, c’est compliqué, il y a tellement de paramètres : l’humeur des joueurs, les faire s’entendre plus ou moins, l’argent, leurs problèmes personnels, etc. Et même si tu as les meilleurs joueurs du monde, ce n’est pas gagné. Au début des années 2000, la France était un exemple pour ça, avec des joueurs qui jouaient dans les plus grands clubs du monde. Ceci dit, quand tu vois ce que Didier Deschamps a fait à Marseille, en tant qu’entraîneur, avec peu de moyens, j’ai confiance en lui. Et Dieu sait qu’à Marseille, ce n’est pas évident.
Les joueurs qui vous énervent le plus ?
Vincent : Moi, c’est Ribéry. Je ne comprends pas ce type. Je ne veux pas juger les gens, mais quand je vois l’équipe de France, j’ai l’impression que les mecs sortent du collège. Ce n’est pas une bonne image pour la jeunesse française. Ils auraient 17 ou 18 ans, pourquoi pas, mais là, ce sont des darons, ils ont des enfants, il faut être un peu sérieux. Je n’aime pas ces joueurs de foot qui se font sélectionner en équipe de France, et dont le trip est seulement d’avoir de grosses bagnoles. Comme Anelka, sur les bancs de touche chinois actuellement. Qu’il montre un peu le football français, mais il semble ne rien en avoir à foutre. Il veut juste avoir une belle baraque là-bas, ça m’énerve.
Mouss : Regarde le dernier mondial, ce qu’il s’est passé en Afrique du Sud. Les mecs font grève, quoi ! Ils sont payés 600 000 euros par mois… Mais ils sont fous ! En ce qui concerne Ribéry, je suis un peu plus réservé que Vince. Je le voyais jouer à l’époque où il jouait à Brest. Je le voyais courir sur tous les ballons, un vrai pitbull. C’était fou, sur le terrain. En dehors, le mec faisait ses courses tranquillement au Super U du coin, et il prenait le bus. Après, il a été propulsé à Marseille et c’est devenu le Ribéry que l’on connaît mais, à la base, c’était un vrai joueur de folie. Il s’est un peu perdu, mais ils passent tous par-là. Comme les artistes, de toute façon ! Au début, tu as la fraicheur, l’innocence, tu ne vis que de ton talent et ton travail. Et puis, à un moment donné, ça rapporte. Et là, tu loupes un entraînement sur deux, tu as des interviews dans tous les sens, tu as une femme, des enfants, tu te disperses et là, les mecs commencent à prendre du plomb dans l’aile.
Tu es encore amer sur l’épisode Knysna ?
Mouss : Il y a des gens qui vivent avec 800 euros par mois et qui ont le sourire. Eux gagnent 600 000 euros, et ne vont pas sur le terrain. Tu as envie de leur mettre des coups de pied au cul. Mais il y a un joueur qui m’a particulièrement énervé cette année, c’est Mexès. Le mec arrive à l’Euro, il fait 120 kilos. J’ai envie de dire : « Laurent, qu’est-ce qu’il t’a pris de le sélectionner ? » J’aimais Mexès, c’était un super défenseur. Mais là, il arrive, petit bide et tout ! Attends, c’est l’excellence, le haut niveau, au-dessus c’est le soleil. Tu as envie de lui dire : « Philippe, tu te fous du monde ! » Il aurait dû refuser la sélection en disant franchement : « Laurent, j’ai pris du gras, je ne tiendrai pas le coup. » Au lieu de ça, il dit « Merci » et il y va. Au départ de course, il se mange trois mètres dans la gueule. Tu as vu les buts qu’on a pris ? Donc je dirais Mexès, pour son non-sérieux d’avoir accepté de jouer en équipe de France avec une telle forme physique. Il a plus la forme d’un hooligan installé dans son canapé : gros bide, bière et chips, patate de sofa. Il est où, le haut niveau ? Elle est où, l’excellence ?
À l’inverse, les joueurs que vous idolâtrez ?
Mouss : Moi, c’est Messi. C’est un extra-terrestre : il fait 1m20, 2,5 kilos. Il avait une longue maladie presque incurable quand ils l’ont récupéré, ils l’ont soigné. Il n’était pas destiné à être le joueur qu’il est. Alors je ne sais pas ce qu’il a dans le ventre, mais il doit avoir deux ou trois tigres ! Si tu veux lui prendre le ballon, tu es obligé de faire faute. Quand j’étais pré-ado, c’était Pelé. Ado, c’était Platini, mais là, je crois que Messi dépasse tout le monde.
Vincent : Cantona, pour le personnage.
Mouss : Alors moi aussi, Cantona, pour son attitude rock’n’roll. Et en tant que footballeur, il est juste énorme. Le mec arrive en Angleterre et il fait gagner des clubs qui n’avaient pas gagné depuis un moment. Leeds, puis Manchester.
Vincent : Et ça, tout en restant sulfureux. Il ne fallait pas l’emmerder, que tu sois sur le terrain ou dans les gradins, ça pouvait dégénérer.
Mouss : Genre Kung Fu Panda, droit comme un I. Dans les interviews, comme sur le terrain.
Vincent : C’est la suite de Coluche, mais dans le football.
Mouss : Tu as envie d’être pote avec Éric Cantona. D’ailleurs, tout le monde le veut, les publicitaires comme les groupes de musique. Nous-même, on serait comme des gamins s’il acceptait de participer à l’un de nos clips. Rien que pour passer deux jours avec lui. En plus, notre photographe s’appelle Éric Canto. Et ce n’est pas un pseudo.
Que diriez-vous des joueurs de foot qui se mettent à la chanson ?
Vincent : C’est du travail d’être footballeur, comme c’est du travail d’être musicien ! C’est comme si nous, demain, tu nous mettais au Stade Bonal pour un PSG-Sochaux, ça ne marcherait pas !
Mouss : Musicien, c’est un métier, ça ne s’improvise pas !
À ce propos, qu’auriez-vous à dire à Emmanuel Petit (Ndlr : en duo avec Sophie Thalmann pour le célèbre titre « 1 an déjà ! 3-0 » ) ?
Mouss : Emmanuel, on fait tous des erreurs.
Que pensez-vous des chants de supporters, dont ce morceau mythique composé par Yves Kengen pour le Standard de Liège : Le Standard Dare Dare ?
Mouss : Et bien figure-toi qu’on a de nombreux fans en Belgique, dont les Hell Side, l’un des Kops du Standard de Liège. De vrais durs qui aiment le football et le metal. Mais des mecs bien, anti-racistes, qui se battent seulement si on les cherche. Il y a une scène tristement célèbre, où on les voit, à la fin des années 1980 : un supporter du Standard se trouve dans une tribune, seul, face à des dizaines de supporters anglais prêts à se battre contre lui. On a rencontré ce mec-là après l’un de nos concerts. Il m’avait raconté cette histoire. Bref, il y avait donc les ultras du Standard de Liège qui venaient nous voir en concert, systématiquement. On leur avait même composé un morceau, qui s’appelle Hell Side. Du coup, le fait de bien connaître ces gars-là, ça nous vaut une certaine sympathie un peu partout en Belgique.
Conseilleriez-vous d’écouter Mass Hysteria avant d’entrer sur le terrain ?
Mouss : Oui, je conseillerais aux joueurs d’écouter le titre Donnez-vous la peine ! Simple, un beat électro-rock. Un antidote au morceau de Johnny Hallyday de 2002.
Quelles chances pour le PSG d’Ibrahimović ?
Mouss : Je suis fan d’Ibrahimović. J’adore ce mec-là ! C’est, lui aussi, un extra-terrestre. Quand il était au Barça, à chaque fois que les autres venaient autour de lui, j’avais l’impression de voir des Hobbits, tellement il est grand. Le gars est ceinture noire de taekwondo. Il fait toujours des passes un peu bizarres, acrobatiques, en arrière. Après, je trouve incroyable qu’il accepte de venir jouer à Paris. Dans le championnat européen, tu as deux équipes par pays qui sont vraiment très costauds. Mais pas en France. Malgré ça, le mec vient quand même. Alors, peut-être qu’il cherche à relever le challenge : remettre le PSG en haut de l’affiche. Si dans deux ans, il a ramené un titre au PSG et un bon résultat en Coupe d’Europe, ce sera pari gagné. Plus globalement, je dirais aussi que c’est une bonne chose d’avoir des joueurs de son envergure en France. Si, en plus de ça, les grands joueurs français finissaient leur carrière ici, ça relèverait encore un peu plus le niveau du championnat.
Est-il bien sérieux de jouer au football sous la canicule ?
Mouss : Il faudrait peut-être jouer les matchs un peu plus tard le soir. Mais vu le salaire des joueurs, je dirais qu’ils peuvent. On ne se pose pas la question quand il s’agit des ouvriers d’une chaîne de montage à Sochaux, qui vont bosser sous 40 degrés. Ça, ce n’est pas sérieux, mais les mecs y vont quand même, et pour huit euros de l’heure. La France entière ne s’arrête pas de travailler quand il fait 40 degrés !
Une équipe de foot assimilable à Mass Hysteria ?
Mouss : Une équipe qui évolue dans la cour des grands, qui n’a pas le plus gros budget, mais s’en sort bien. Avec Mass Hysteria, on n’a pas un énorme budget, mais on joue sur les plus grosses scènes, comme les plus grands, qui représentent dix fois plus que nous et, souvent, on les met à l’amende ou on n’a pas à rougir, donc je dirais Montpellier.
Mass Hysteria sort un nouvel album, le LOSC un nouveau stade. Lequel a coûté le plus cher ?
Mouss : Je ne sais même pas si le prix de réalisation de cet album représente une semaine de salaire d’un joueur du LOSC. Voilà donc ce que tu peux faire avec une semaine de salaire d’un joueur de foot : un disque qui va te permettre de faire une tournée pendant deux ans. Alors qu’avec quatre fois plus, un joueur de foot peut se contenter de rester sur le banc !
L’armée des Ombres, album disponible le 27 août (Verycords)
En tournée dans toute la France (Facebook)
Et en concert à l’Olympia le 5 avril 2013
Propos recueillis par Romain Lejeune