- Hongrie
- Hommage Márton Fülöp
Márton Fülöp, le manque de Marci
Le 3 mai dernier, l’ancien portier magyar de Sunderland, un temps numéro deux de survêt’ Gábor Király en sélection hongroise, aurait eu 34 ans si un cancer n’en avait pas décidé autrement en novembre 2015. Des faubourgs de Budapest où il s’est forgé à Tripoli en Grèce en passant par les Black Cats dont il a accompagné le retour en Premier League lors de la saison 2006-2007, personne n’a oublié Marci.
« Les médecins m’ont dit que la maladie était derrière moi et ne voyaient aucun obstacle empêchant mon retour sur le terrain. Beaucoup d’équipes se sont intéressées à moi en janvier et c’est rassurant. » En ce jour de finale de League Cup 2014, alors que Sunderland s’apprête à défier Manchester City à Wembley, Márton Fülöp suit de loin les aventures de ses anciens camarades Black Cats, finalement balayés par les Citizens (1-3). Il récupère lentement d’une tumeur maligne au bras récemment opérée et croit en son come-back. Malheureusement, la chimio ne suffit pas et le cancer récalcitrant terrasse Fülöp le 12 novembre 2015.
« La mort de Márton est une immense douleur. L’équipe en a ressenti le poids et s’est battue pour lui sur le terrain. Quel que soit le gardien qui aurait pu être sollicité à ma place, nos cages devaient absolument rester inviolées en l’honneur de Marci. J’aurais tant aimé qu’on fête ensemble ma 100e sélection… » , déclarait le soir même le fameux Gábor Király après une victoire à l’arrachée contre la Norvège en barrages aller de l’Euro français, validant quasiment le ticket du Nemzeti 11.
Commotion cérébrale et Roy Keane
L’histoire aurait eu moins d’écho si la tête de Helland n’avait pas tapé la barre à trois minutes du terme. À en croire le Grégoire Margotton magyar, István B. Hajdú, ce miracle serait l’œuvre du regretté Fülöp. Sauf qu’avant d’être proclamé sauveur post-mortem de la Hongrie en prime time, celui que l’on surnommait Marci s’est appliqué à défendre les buts de plusieurs écuries budapestoises, dont le MTK où son père, Ferenc, fut un neuf mythique des Bleu et Blanc (1977-1986), parti finir sa carrière à Charleroi. Le fiston, lui, s’est laissé happer par Tottenham à vingt-deux ans seulement, quitte à enchaîner les prêts (Chesterfield, Coventry…).
Le gabarit imposant (1,98m, 92 kg) du Magyar lui offrit une période anglaise honorable, à l’image du Király de Crystal Palace, nommé second meilleur portier de Premier League derrière Čech en 2005. Plusieurs apparitions remarquées dans l’élite avec le Sunderland de Roy Keane, une saison-mission à Leicester (2007-2008), plus une pige à City (2010) compensant l’absence de Given, Taylor et González, blessés, et de Joe Hart, prêté à Birmingham, dévoilèrent l’étendue du rempart sur les pelouses britanniques.
À défaut d’être numéro deux du top gardiens comme son pote « Gabi » , Marci s’est souvent illustré en roue de secours courageuse de Király chez les A. Le 31 mai 2005 contre les Bleus à Metz, il supplée vaillamment survêt’ Gábor à la pause et évite la déculottée attendue en tenant le 0-2, réduit à 1-2. L’autre choc de sa carrière internationale fut le bouillant Turquie-Hongrie qualificatif pour l’Euro 2008. Un choc assommant au-delà de la claque (0-3). En cause : une commotion cérébrale écartant Fülöp du pré.
Malgré ses 24 capes, Marci n’a jamais su s’emparer du spot n°1, confisqué par Babos sous l’ère Koeman puis récupéré en beauté par le vétéran Király et son jogging, futures victimes de la Belgique en huitièmes de l’Euro. Il noya sa frustration en s’exilant chez les grecs du PAE Tripolis et apprit sa maladie au sortir d’une fabuleuse saison 2012-2013, auréolée d’un podium derrière l’Olympiakos et Salonique. Un exercice presque aussi réussi que le passage héllène du Dijb’ qu’il côtoya outre-Manche.
Fondation et gants floqués
De l’autre côté du Channel, la mémoire de Marci était omniprésente à l’Euro auprès du surprenant onze magyar sorti en tête de son groupe difficile. Survêt’ Gábor reçut de Fülöp Senior une paire de gants floqués « Fülop M. » et promit au paternel de les garder avec lui où qu’il soit pendant le tournoi. La photo des mitaines entourées par les trois gardiens (Király, Gulácsi, Dibusz) a inondé les réseaux sociaux hongrois à quelques minutes du match dingue contre le Portugal à Bordeaux. Une plaque de marbre occupant une cage du jardin du MTK complète l’hommage s’étendant à son club de jeunesse.
Au seuil de l’Euro, le défenseur Roland Juhász saluait son ex-coéquipier et ami les yeux humides lors du lancement de la fondation Fülöp, axée détection de jeunes pépites : « Nous devons aller de l’avant en souvenir de Marci. Lui et moi sommes presque conscrits et avons commencé ensemble. Dans un joueur doué, il y a 30 % de talent et 70 % de travail. Marci faisait sans conteste partie de cette catégorie. Beaucoup ont douté de ses capacités lorsqu’il était jeune, mais je voyais combien il bossait et mettait toutes ses forces dans l’apprentissage. Il était notre exemple à l’époque. »
Un exemple doublé d’une source d’inspiration pour Megyeri, Dibusz et Gulácsi se disputant aujourd’hui les montants du Nemzeti 11. Onze ans avant la disparition de Fülöp, un autre « F » fantastique du football magyar, Miklós Fehér le Lisboète, s’effondrait tragiquement sur la pelouse de Guimarães. « Miki » a sa statue à l’Estadio de la Luz, Marci une stature ayant marquée Sunderland. Seulement voilà, aucun signe des cieux ne sauvera ses chers Black Cats de la bascule en Championship.
Par Joël Le Pavous