- FA Cup – 3e tour – Woking FC-Watford
Martin Tyler : « Me retrouver là, 65 ans plus tard… »
À 73 ans, Martin Tyler avait jusqu'ici tout connu, ou presque : des finales de Ligue des champions, des matches de Premier League, des soirées historiques avec l'équipe d'Angleterre... Dimanche, la voix mythique du foot anglais sera sur le banc du Woking FC, le club de son enfance dont il est devenu l'été dernier l'entraîneur adjoint et avec qui il s'apprête à affronter Watford au troisième tour de la FA Cup. Entretien.
Que représente le Woking FC à tes yeux?Ma première fois, mon amour d’enfance. Ça a commencé en 1953, par un Woking-Kingstonian, une victoire 4-1. J’avais huit ans et j’ai été au stade grâce à mon voisin, Andy, et son père. Un jour, il est venu me voir et m’a dit: « On va au stade, allez ! » Et c’est parti comme ça: les voyages en bus, la découverte des sentiments du supporter… Je n’ai jamais cessé de supporter l’équipe depuis et l’été dernier, mon ami Alan Dowson, que je suis depuis plus de dix ans, a été nommé entraîneur du club. Il m’a demandé si je voulais le suivre, c’était son choix, pas le mien… mais j’ai évidemment accepté! Et me retrouver là, sur le banc du Woking FC, 65 ans plus tard, prêt à vivre un troisième tour de FA Cup contre Watford, c’est extraordinaire…
Comment est née cette histoire avec Alan Dowson?C’est assez simple en fait: mon fils jouait dans un club, à côté de Woking, à Cobham, pas très loin du centre d’entraînement de Chelsea, et l’équipe avait besoin d’un nouveau coach. Alan, lui, jouait encore au foot, en non-league et partageait son temps avec le coaching. Les entraînements étaient le jeudi soir, et moi, je venais juste filer un coup de main jusqu’à ce que mon fils arrête de jouer. On a arrêté de se voir à ce moment-là alors qu’il venait d’être nommé comme entraîneur-joueur à Walton. Et là, à ma grande surprise, il m’a contacté pour que je vienne l’aider. Moi, je pensais qu’il avait simplement besoin d’un type pour gérer les relations avec la presse, pas d’un adjoint! Finalement, je l’ai rejoint et je le suis partout depuis. On a été à Kingstonian, à Hampton & Richmond Borough et nous voilà à Woking, à préparer un match contre Watford!
Le même Watford que tu as commenté contre Chelsea pour le Boxing Day. T’étais en mission de scouting?(Rires) Pour être honnête, c’était une journée très bizarre… Woking jouait à 13h00 à domicile contre Hampton & Richmond et après la rencontre, un ami m’a emmené en voiture jusqu’à Vicarage Road pour que je travaille. Ça avait été décidé que je commente ce match avant le tirage de la FA Cup, donc je devais y aller! Aujourd’hui, je n’ai aucune idée de l’équipe de Watford que l’on va affronter dimanche mais je sais que c’est une équipe très forte, que j’ai aussi commenté à Everton (2-2) le 10 décembre dernier. Le truc, c’est que c’est la Cup, donc est-ce qu’on va jouer une équipe de Premier League ou sa version remaniée? Dans tous les cas, ce sera très compliqué, même avec une équipe remaniée, comme celle qui avait été alignée en Carabao Cup à Tottenham fin septembre et qui avait tenu avant de perdre aux tirs au but. Même les jeunes de Watford sont meilleurs que Woking! Mais je vais être franc avec toi: dimanche, ça va être sérieux et on ira sur le terrain pour chercher quelque chose.
Le club a été relégué la saison dernière et a vécu un été compliqué, notamment dans la construction d’un nouvel effectif. Comment as-tu traversé cette première épreuve?On connaissait le deal en arrivant et on a dû monter une toute nouvelle équipe. Quand on est arrivés la première semaine, il n’y avait aucun joueur! Résultat, on partait de zéro et avec tout le staff, on a essayé de se faire une liste de profils, de joueurs que l’on avait croisés par le passé et qu’on voulait recruter pour notre projet. On a aussi utilisé le système de prêts pour recruter des joueurs comme Toby Edser, arrivé de Nottingham Forest, ou Greg Luer, qui vient de Hull. Vendredi encore, on a récupéré deux nouveaux joueurs. L’idée, c’est de récupérer des jeunes joueurs ambitieux et de les faire progresser, comme une plate-forme de développement de talents en fait. Et ça fonctionne! En National League South, l’équipe est deuxième, à deux points de Torquay United qui est un club plus structuré que le nôtre. Ce qui est bien aussi avec la FA Cup, c’est qu’avec la télé, on va récupérer un peu d’argent qui pourra être investie dans le club afin de foncer vers notre objectif principal: le retour en National League.
Toi, quel est concrètement ton rôle dans tout ça?Je m’occupe de certaines séances physiques, de certains exercices, je suis un coach actif hein! Je ne viens pas m’asseoir dans un bureau à attendre que le temps passe. Même si j’ai 73 ans, j’ai encore de l’énergie et la forme, pas de problème. Ma position me permet également de prendre quelques conseils auprès de vieux amis comme Roy Hodgson, Neil Warnock, Harry Redknapp… Des gars de ma génération quoi. Je comprends que c’est un peu étrange mais on se complète bien avec Alan, qui est un coach formidable. Il m’arrive parfois de profiter du samedi pour faire un peu de scouting, sachant que je commente principalement le dimanche.
Il paraît que Gary Neville est également devenu un bon interlocuteur, non?Absolument! On a déjà organisé plusieurs amicaux avec Salford dans nos clubs précédents et on a encore joué contre eux l’été dernier, en pré-saison. Gary adore la non-league et est très renseigné sur son fonctionnement de part sa position à Salford (Gary Neville est co-propriétaire du club aux côtés de Paul Scholes, Phil Neville, Nicky Butt, Ryan Giggs et Peter Lim, ndlr). Pas plus tard qu’hier soir, on discutait de ce petit monde et des derniers résultats de Salford, qui est actuellement troisième de National League (la cinquième division anglaise, ndlr). Avec Gary, on se comprend, car on est entre la télévision et le football amateur tous les deux.
Cette saison, Woking a déjà passé cinq tours de FA Cup et, par le passé, le club a déjà réussi l’exploit de sortir West Bromwich Albion (2-4) en 1991. Toi, comment tu pourrais décrire ton histoire avec cette compétition?Je crois que le premier match de FA Cup que j’ai vu, c’était en novembre 1958, un Southampton-Woking (4-1). C’était la première fois de ma vie que j’allais au Dell. J’ai toujours adoré cette compétition, je l’ai jouée en tant que joueur et je l’ai commentée en tant que journaliste, notamment la plupart des finales. La première en tant que reporter, c’était en 1974 il me semble, et la première aux commentaires, c’était en 1990: Crystal Palace-Manchester United. J’ai donc vécu pas mal de grands moments dans cette compétition…
Et pour dimanche, tu t’attends à quoi?Honnêtement, je veux une victoire! Je fais partie d’un staff et on veut tout gagner, c’est normal. Mais pour le club, je souhaite surtout que les gars puissent rivaliser avec Watford, qu’ils sortent du terrain avec la tête relevée, qu’ils n’aient aucun regret et qu’ils représentent de la meilleure manière possible le club, tout simplement. On est déjà chanceux de se retrouver là, face à Watford, c’est un privilège… Qu’on se le dise, on ne revivra probablement jamais ça. Alors, il faut en profiter à 2000%.
Propos recueillis par Maxime Brigand