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Terrier, chauffé à bleu
Auteur d'un doublé de la tête contre l'OL, Martin Terrier ne cesse d'impressionner à Rennes, où l'attaquant de 25 ans a pris une autre dimension depuis un an. Une régularité inédite depuis le début de sa carrière et des performances remarquables qui laissent penser qu'il n'est plus très loin de l'équipe de France.
Il va bientôt falloir trouver de nouveaux superlatifs pour parler de Martin Terrier, auteur d’un doublé de la tête ce dimanche pour guider le Stade rennais vers un nouveau succès contre Lyon. Ce n’est même pas la revanche d’un ex décidé à plomber son ancien club, c’est simplement la routine pour l’attaquant de 25 ans. Peu importe l’adversaire, Terrier est en lévitation, dans une autre dimension, celle qui lui permet d’être un ton au-dessus de tout le monde sur un terrain de manière très flagrante. Face à l’OL, le monsieur plus des Rouge et Noir a parfois eu du déchet, mais il a su s’élever au bon moment pour claquer deux coups de tête parfaitement placés. Le premier où le cuir chevelu a suffi pour bonifier un caviar de Benjamin Bourigeaud, le second pour reprendre un centre pourtant pas simple d’Adrien Truffert et offrir la victoire à Rennes. « C’est à la fois le talent, mais aussi le sacrifice et la générosité pour le collectif, résumait Bruno Genesio après la partie. Je sais qu’il était très fatigué et qu’il voulait sortir avant de marquer le troisième but. C’est aussi pour ça que je l’ai recentré dans l’axe. Il continue sur sa lancée. » Depuis maintenant un an, Terrier marche sur l’eau. Ce n’est plus un état de grâce, c’est l’avènement d’un joueur de très haut niveau.
Martin, en ce moment, il est monstrueux. Il est à la finition, il est dans le jeu, il est omniprésent.
Un attaquant total
Les supporters de Lyon n’ont peut-être pas reconnu ce joueur frustrant qui avait quitté le club à l’été 2020 pour poser ses valises en Bretagne, où il a retrouvé Genesio et Florian Maurice, deux hommes convaincus de l’énorme potentiel de l’attaquant. À Rennes, Terrier est devenu un buteur, un vrai, au point de rivaliser avec Kylian Mbappé et Wissam Ben Yedder la saison dernière, en terminant troisième meilleur artilleur de Ligue 1 avec 21 réalisations. Une grande nouveauté pour celui qui avait fait trembler les filets 23 fois en un peu plus de cent matchs avec Lille, Strasbourg et l’OL, ses trois premiers clubs dans le monde professionnel. Le week-end prochain, il devrait disputer son 100e match sous le maillot de Rennes, où il s’est déjà incrusté dans le top 30 des meilleurs buteurs de l’histoire du club avec 39 caramels. Une fierté locale qui lui permet de se faire une place dans le gratin européen des joueurs les plus cliniques. Sur l’année civile 2022, Terrier est le cinquième buteur français derrière Karim Benzema, Kylian Mbappé, Christopher Nkunku et Wissam Ben Yedder. Avec 21 pions marqués depuis janvier (dont deux penaltys seulement), il est même le onzième meilleur buteur dans les cinq premiers championnats, juste derrière Sadio Mané, Ciro Immobile (23) et Neymar (22).
Celui qui se rapproche de l’efficacité de l’illustre Alexander Frei est bien plus qu’un simple buteur. Le joueur qui avait l’habitude de disparaître pendant de longs moments au cours d’un match, notamment lors de sa première saison rennaise, est devenu un leader technique omniprésent. En plus d’être au-dessus du lot avec un ballon dans les pieds, à l’image de ses prises de balle fantastiques, l’élégant Terrier a appris à se faire mal et à élargir sa palette. L’attaquant est ainsi hyperactif au pressing, descend régulièrement sur la pelouse pour aller chercher des ballons plus bas et s’essaie même à quelques interventions défensives bien senties quand le jeu le demande. Dans les duels, il n’est plus le gentil petit garçon qu’il était à son arrivée en Bretagne, celui qui semblait trop timide et docile pour exister physiquement. Cette saison, il est le troisième joueur au classement des duels gagnés (82) derrière Benjamin André et Enzo Le Fée. Même chose dans les airs, où sa détente bluffante lui permet de gratter un nombre impressionnant de ballons, avec une deuxième place à égalité avec le Lillois (38 duels aériens remportés) derrière le défenseur de Toulouse Rasmus Nicolaisen. « Martin, en ce moment, il est monstrueux, confirmait Steve Mandanda en zone mixte ce dimanche. Il est à la finition, il est dans le jeu, il est omniprésent. » Genesio n’avait d’ailleurs pas dit autre chose à la veille de la réception de Lyon : « Il est encore plus constant dans le liant qu’il amène entre le milieu et l’attaque. Dans son positionnement, ses choix techniques et son replacement défensif. Ça en fait un joueur très complet et très régulier au très haut niveau. Je suis très content qu’il soit resté parmi nous. » En ce moment, le petit Terrier est sur une bonne dynamique. L’équipe de France ? Je ne sais pas s’il en est proche ou loin, mais en tout cas il est sur le bon chemin.
Dans le débat pour une place chez les Bleus
L’homme fort du Stade rennais aurait en effet pu mettre les voiles cet été, mais lui comme le club breton, qui a reçu une offre de plus de 50 millions d’euros venue d’Angleterre, avaient envie de poursuivre l’aventure ensemble. Une volonté commune symbolisée par une prolongation jusqu’en 2026 signée en août. Ces derniers mois, le sujet de l’équipe de France commence à être posé sur la table, alors que Terrier a reçu une préconvocation en juin et en septembre, sans avoir encore eu le droit au précieux sésame. Il faut dire que la concurrence est féroce dans le secteur offensif, mais il aurait pu y avoir match le mois dernier avec Randal Kolo Muani, dont le profil plus axial a peut-être convaincu Didier Deschamps. Si le Rennais se promène plutôt sur le côté gauche sous la tunique rouge et noir, il a les qualités pour évoluer à tous les postes sur le front de l’attaque. Il lui manque aussi peut-être davantage de références sur la scène européenne (23 matchs), même si sa prestation contre Fenerbahçe (1 but, 1 passe décisive) a montré qu’il était là aussi sur la bonne voie et à la hauteur de l’évènement.
La concurrence chez les Bleus, c’est de l’eau ?
« En ce moment, le petit Terrier est sur une bonne dynamique, soulignait même l’ancien sélectionneur Laurent Blanc après la défaite. L’équipe de France ? Je ne sais pas s’il en est proche ou loin, mais en tout cas il est sur le bon chemin. » Mandanda, qui connaît lui aussi la sélection par cœur, a tenu le même discours. « C’est flatteur, souriait Terrier en guise de réponse. Je ne fais pas une fixette sur ça. L’objectif, c’est de passer des paliers individuellement, mais surtout collectivement. » Dans le vestiaire breton, certains de ses coéquipiers sont sous le charme et associent déjà sans hésiter le nom de Terrier à l’équipe de France, alors que le club s’impatiente aussi de le voir grimper les marches du château de Clairefontaine. Lui ne semble pas perturbé, attendant son heure en sachant peut-être au fond de lui qu’elle viendra assez vite s’il se maintient à ce niveau. Plus de trois ans après sa dernière apparition avec les Espoirs (13 matchs, 7 buts), Terrier a en tout cas mérité de se faire une place dans les débats.
Par Clément Gavard, à Rennes
Propos recueillis par CG.