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Martin : Je suis une légende (2)

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Martin : Je suis une légende (2)

Dans toutes les légendes et les bons contes de fées, il faut bien qu'à un moment ou à un autre, cela parte un peu en couille ou, pour reprendre un vocabulaire un peu plus pédagogique, apparaisse « un élément perturbateur ». Blanche neige avale la pomme empoisonnée, le père de Simba meurt, la belle au bois dormant s'endort.

Le mur des lamentations

Pour Palermo, c’est la même. “El Loco” ne suit pas les chemins battus, sa carrière n’a rien d’un long fleuve tranquille, ses buts sont en règle générale affreux et son aventure européenne est, avouons-le, un fiasco. Pourtant, quand il débarque à Villarreal fin 2000, auréolé de ses succès avec Boca, beaucoup voient en lui, notamment les dirigeants du sous-marin, une future star de la Liga et, pourquoi pas, un titulaire en puissance de la sélection albiceleste. Dans les deux cas, cela sera franchement raté.

Sous le maillot de Villarreal, il est branché en courant alternatif, enchaînant les prestations plutôt bonnes avec les franchement pathétiques, poussant quand même quelques ballons au fond des filets, 21 en trois saisons. Malgré tout, les fans de Villarreal se souviendront certainement longtemps de cette soirée de Coupe du Roi de novembre 2000. Au cours de la prolongation, Palermo place une grosse frappe du gauche qui vient battre le gardien de Levante : course effrénée vers le kop visiteurs, cheveux peroxydés au vent, Martin s’accroche à la grille pour fêter son but avec les supporters, qui se précipitent alors pour tâter du numéro 9. Et là, c’est le drame. Le mur d’un mètre de haut s’écroule, Martin se retrouve sous des débris, fracture tibia péroné. Du Palermo à l’état pur.

Après de longs mois de récupération, Martin revient sur le terrain sans retrouver le niveau qui était le sien, se faisant piquer sa place et son numéro 9 par un certain Sonny Anderson. N’entrant plus dans les plans de Benito Floro, il est finalement transféré au Betis Séville en août 2003 où il ne met pas un pied devant l’autre. Un but en treize rencontres.

Transfert à Alaves, qui après avoir livré un des plus beaux matchs de la décennie en finale de la Coupe UEFA contre Liverpool, végète en D2 espagnole. Palermo retrouve l’envie de jouer, marque quelques buts mais ne parvient pas à faire remonter son équipe, qui reste scotchée à la quatrième place. La loose.

En ce qui concerne la sélection, la malchance, les blessures n’y sont pas pour grand-chose, “El Loco” s’était déjà quasiment fait hara-kiri en 1999, tout seul comme un grand. Lors de la Copa America, à Luque, Paraguay, plus exactement.

Pour le match Argentine – Colombie, Bielsa a décidé de faire de Palermo, au grand dam des hinchas de River, le numéro 9 titulaire de la sélection. Ce soir-là, l’Argentine en chie carrément face aux Colombiens. Heureusement, Martin se démène sur le front de l’attaque et l’arbitre a le coup de sifflet facile.

Dès la 5ème minute, coup de sifflet, Palermo prend la balle pour se faire justice lui-même. Bim, transversale. Seconde mi-temps, nouvelle faute dans la surface, nouveau pénalty. Martin encore, raté encore. Quasi au-dessus du stade. A la 90ème minute, quand “El Loco”, ayant vraisemblablement oublié qu’il vient de foirer deux pénos, prend la balle dans les mains après le troisième coup de sifflet de l’arbitre, ses coéquipiers le prennent par l’épaule et, gentiment, lui font comprendre que c’est bien gentil tout cela mais qu’il faut arrêter de déconner maintenant. Le problème c’est que la pression, le doute, tous ces sentiments propres à l’être humain, Palermo, lui, ne les connaît pas. Il s’élance, tire fort, au milieu, sur le gardien. Napoléon avait Waterloo, pour Palermo ce sera donc Luque.

Dans les vestiaires, après la défaite 3 – 0, Bielsa colle une grosse rouste à ses joueurs que Martin, très innocemment, raconte à ses proches. Tout cela fait très vite le tour des médias, et revient aux oreilles d’un Bielsa hors de lui. Fin de la carrière internationale de Palermo, 7 matchs, 3 buts et puis s’en va.

Retour en grâce

Au fond du trou, “El Loco” prend alors la meilleure décision de sa carrière, acheter un aller simple pour Buenos Aires : 2004, retour en terre promise, pour revêtir la tunique xeneize sous laquelle il marqua 91 buts entre 1997 et 2000, la plus belle période de sa carrière. A ce moment-là. Car de l’autre côté de l’Atlantique, Palermo redevient un tueur des surfaces, « l’optimiste du goal » comme l’avait un jour surnommé Bianchi et se remet à enfiler les buts comme des perles. De la tête, du gauche, du tibia.

Parmi tous ses buts, beaucoup seront cruciaux, certains deviendront inoubliables. Il inscrit son centième sous le maillot de Boca Juniors lors de la finale de la Coupe Sud Américaine 2004 face à Bolivar. L’année suivante, toujours en finale, cette fois face à Pumas, il trouve de nouveau les filets, d’une talonnade aérienne sortie de nulle part. En Mars 2007, il répond aux critiques qui l’annoncent sur la fin en inscrivant 3 buts en huit minutes, puis en ajoute un autre à la fin du match pour sceller un quadruplé mémorable face au Gimnasia La Plata. Néanmoins, son plus bel exploit reste sans doute ce but inscrit la même année face à Independiente lorsque, après avoir récupéré la balle dans son propre camp, il déclenche une frappe terrible du milieu du terrain qui finit sa course dans les filets d’Ustari. « Golazo !!!!!!!!!! »

Et si Palermo est une légende, c’est aussi et avant tout un personnage entier, désarmant et parfois sacrément émouvant. En août 2006, son fils, Stefano, meurt peu après la naissance. Abattu, Palermo reste chez lui, auprès de sa femme. Mais le dimanche, il appelle Basile, alors coach de Boca, pour le supplier de le mettre sur le terrain. Dans le vestiaire, ses coéquipiers stupéfaits ne comprennent pas ce qu’il fout là. Dans les tribunes, les hinchas déroulent des dizaines de banderoles de soutien. Ce jour-là, Palermo dédicace son doublé à son fils, pleure sur le terrain, et émeut toute l’Argentine…

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Macri a beau être un politicien pourri, un salaud désormais maire de Buenos Aires, il faut avouer qu’en termes d’image, de marketing et Cie, il sait faire. Un vrai Ricain. Alors quand il s’aperçoit qu’à force de planter, Martin s’approche du recordman de buts de l’histoire du club, Pancho Varallo, il braque tous les projecteurs sur le grand blond. Objectif 180 buts. Peu importe si en réalité Varallo en a ajouté quelques autres sous l’ère amateur ou si Cherro en aurait lui inscrit 218. Palermo les dépassera de toute façon tous un jour mais le plus important est qu’il le fasse sous l’ère Macri. On décompte le nombre de buts qu’il lui reste un peu partout, dans le stade, dans la station de métro Palermo, Puma sort une série limitée de 180 paires de chaussures. Palermo, vendu à toutes les sauces. Mais comme le dit lui-même Martin : « Ça s’est fait tout seul. Je n’ai jamais pensé aux 180 pas plus que je ne pense aux 194. Si j’arrive à 194, je penserai aux 200. C’est comme ça tout le temps. […] Moi je joue toujours pour mettre plus de buts, mais je ne les compte pas avec une calculette » (1). Un poète ce Palermo quand même.
Arriva donc ce qui devait arriver. Le 2 mars dernier, Palermo s’élance pour frapper un penalty et inscrit son 180ème but avec Boca. En attendant…

J’allais oublier de vous raconter comment a fini le match contre San Pablo. Victoire de Boca, doublé de Palermo. A la fin du match, pour préserver le score, il se dirige balle au pied vers le point de corner, poursuivi par trois Brésiliens. Le long de la ligne, il tripote la balle, cherchant certainement à démontrer que les gris-gris à la Denilson, lui aussi il sait faire. Devant l’ironie de la situation, toute la Bombonera se lève et, à l’unisson, acclame son idole d’un retentissant « Paleeeeeeermo, Paleeeeeeermo » . Putain il avait donc raison ce petit vieux, « Martin ne se discute pas » .

Par Pierre Boisson

1 – El Grafico, mars 2003.

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