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Martín Cáceres, la cinquième roue du carrosse

Par Morgan Henry
5 minutes
Martín Cáceres, la cinquième roue du carrosse

À 27 ans, le défenseur de la Juventus de Turin détonne autant qu'il dénote. Passé par le prestigieux Barça de Pep Guardiola le temps d'une saison blanche où il ne sera titularisé qu'à huit reprises en championnat, l’Uruguayen est aujourd'hui devenu un homme-clé du onze d'Antonio Conte. Focus sur un garçon qui a souvent dû manger la poussière avant de pouvoir intégrer l'élite.

Quand on se penche sur son parcours, Martín Cáceres prend tous les airs de ce joueur pétri de talent qui n’a jamais vraiment réussi à s’imposer dans la hiérarchie mondiale. Faute de blessures, faute de confiance, faute de toujours quelque chose. Très souvent, trop souvent dans sa carrière, le natif de Montevideo est passé à deux doigts, à un poil. Alors qu’il vient de fêter son 27e anniversaire, l’international uruguayen dispose d’un palmarès que beaucoup rêveraient d’avoir. Champion d’Espagne, double – bientôt triple – champion d’Italie, vainqueur de la Ligue des champions, double vainqueur de la Supercoupe d’Italie, vainqueur de la Copa América et demi-finaliste du dernier Mondial en Afrique du Sud, Cáceres est comme qui dirait un mec qui pèse. Et pourtant.

La faute à pas de chance

Comme son palmarès ne l’indique pas, il y a souvent eu un hic sur le chemin du Juventino. S’il se dit « heureux » et « en pleine forme » à quelques heures d’une rencontre de Ligue Europa fondamentale pour lui et ses coéquipiers, la carrière de José Martín ne fut pas toujours un long fleuve tranquille. Débarqué sur les côtes européennes un soir de 2007 à destination de Villarreal, le jeunot est aussitôt prêté au Recreativo Huelva où il réalise une saison référence sous l’œil attentif de son coach Víctor Muñoz. Florent Sinama-Pongolle, qui a joué à ses côtés cette année-là, se souvient avant tout d’un « grand enfant » toujours prêt à déconner : « Je me rappelle, dès qu’il arrivait sur le terrain, il frappait dans le ballon sans être chaud. Je lui prenais souvent la tête avec ça en lui disant ‘Fais gaffe, chauffe-toi bien’, et lui prenait le ballon de volée, à la sud-américaine. C’était sa marque de fabrique. » . Quand il arrive sur les terres espagnoles, Cáceres a tout juste 20 ans. Un gamin, donc. Mais déjà un potentiel hors du commun. L’ancien acolyte d’Anthony Le Tallec détaille : « Vu les qualités qu’il avait, c’était indéniable qu’il allait percer. Il va vite, il saute très très haut. Aujourd’hui, on a du mal à trouver des défenseurs qui ont la capacité de tacler et de se relever de suite. Lui avait ça, c’était inné. » Ces atouts l’amènent rapidement sur les bancs du Barça… qu’il squatte malheureusement trop longtemps. Lui qui sortait d’une saison mirobolante avec le Recreativo, où il avait enchaîné 34 matchs en défense centrale, se retrouve titulaire une fois sur cinq au FC Barcelone de Guardiola. De là s’enchaînent les galères et les changements de club à répétition. La saison référence à Huelva paraît déjà bien loin quand Martín Cáceres arrive pour la première fois à Turin à l’été 2009. Parti d’Espagne pour retrouver du temps de jeu et une place de titulaire qu’il avait perdue, l’expérience italienne de l’Uruguayen ne sera que blessures et désillusions. Cáceres dispute 15 des 38 matchs de Serie A avec la Juve avant de repartir pour l’Espagne et Séville où il est prêté un an par le Barça. Finalement racheté par le club andalou, le défenseur passera une saison et demie dans le sud avant d’être vendu pour de bon à la Vieille Dame au printemps 2012.

Forza Juve !

Cáceres retrouve la maison bianconera dix-huit mois après l’avoir quittée. Le 8 février 2012, Antonio Conte, fraîchement débarqué de Sienne, le titularise pour la première fois en demi-finale aller de la Coupe d’Italie contre l’AC Milan de Thiago Silva et Ibrahimović. Score final : 2 buts à 1 pour la Juve, et doublé pour l’Uruguayen à San Siro. Dans le Piémont, El Pelado, son surnom, se refait progressivement une santé. Conte lui fait confiance, le fait jouer de plus en plus, et Martín termine sa saison en roue libre. Malheureusement, les pépins physiques reprennent vite le dessus. Régulièrement blessé, le joueur ne disputera que douze matchs pleins avec le maillot noir et blanc, toutes compétitions confondues. Mieux, dans la nuit du 16 au 17 mars 2013, l’Uruguayen est victime d’un accident de voiture en regagnant son domicile. Rien de très grave, excepté le choc psychologique. Comme le confirme son ancien coéquipier à Huelva, Florent Sinama-Pongolle, jamais Martín ne disputera une saison aussi complète que lorsqu’ils évoluaient ensemble en Espagne. Le Réunionnais a d’ailleurs une anecdote toute particulière à raconter sur El Pelado : « Durant cette période-là, il était défenseur central et jouait tout le temps en moulés. Jusqu’au jour où je lui ai offert sa première paire de vissés que je lui avais achetée alors que je revenais de Paris. Il n’arrivait pas à en trouver en Espagne, du coup, je lui ai ramené une paire. Je peux donc dire que j’ai offert ses premiers vissés à Martín Cáceres. J’espère qu’il va s’en rappeler. » De nature joviale et optimiste, l’Uruguayen n’abdique pas pour autant. Après une première partie de saison 2013/2014 passée une nouvelle fois sur les bancs de touche et de l’infirmerie, Cáceres regoûte au gazon du Juventus Stadium à partir du mois de février. Profitant des blessures successives d’Andrea Barzagli, d’Angelo Ogbonna et de Giorgio Chiellini, l’Uruguayen devient un titulaire permanent sur le flanc droit de la défense de Conte. Le Sud-Américain enchaîne les matchs et les prestations de haute-volée, regagnant peu à peu le cœur des tifosi et la confiance de son coach. Sur les dix derniers matchs de la Juventus, les statistiques parlent d’elles-mêmes : Martín Cáceres est l’arrière le plus utilisé dans la défense à trois d’Antonio Conte. Au point de devenir un titulaire indiscutable ? Pour le moment, l’intéressé savoure : « Évidemment, au niveau personnel, je suis heureux. C’est une période au cours de laquelle l’équipe et l’entraîneur ont besoin de moi. Je suis en pleine forme et content de jouer autant de matchs. Je n’ai rien d’autre à dire » , affirme-t-il à la presse en préambule du match retour contre Lyon.

« C’est un joueur qui marche énormément à la confiance. Donc plus tu vas lui donner de crédit, plus il va tout fracasser » , ajoute Florent Sinama-Pongolle. Après plusieurs saisons compliquées, rongé par les blessures, Martín Cáceres semble avoir enfin retrouvé le niveau de jeu qui lui a longtemps fait défaut. « À l’entraînement, il rigolait pour tout » , ponctue l’ancien Stéphanois. Jouer, prendre du plaisir et se mettre au service de son équipe : pour l’heure, El Pelado n’aspire qu’à cela.

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