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Marseille, un échec Cuisance ?
Arrivé cet été en provenance du Bayern Munich, Michaël Cuisance n’a toujours pas convaincu à l’OM. En vérité, il déçoit même de plus en plus les supporters qui l’ont pris en grippe. Mais attention à ne pas l’enterrer trop vite, car le champion d’Europe va vite rebondir, c’est promis.
Depuis vendredi, un vent de légèreté souffle sur le Vieux-Port : Jacques-Henri Eyraud a quitté le navire. Marseille respire. Libérés de leur bouc émissaire favori, les supporters marseillais ont vite tourné la page, et dès dimanche soir, une nouvelle tête de Turc a émergé après le nul contre Lyon : Michaël Cuisance. Entré en jeu à la 72e minute, le milieu de terrain n’a pas réussi grand-chose, voire rien du tout, à l’image de sa saison. De quoi déclencher un déferlement de vannes plus ou moins subtiles sur son niveau à l’OM. Et pour cause : débarqué du Bayern Munich l’été dernier avec un statut de champion d’Europe et d’étoile montante du football français, le jeune milieu offensif n’a pas du tout confirmé les espoirs placés en lui. Pour l’instant.
Le précédent nancéien
Avant même son arrivée, l’histoire entre Cuisance et Marseille a été chaotique : courtisé par l’OM tout l’été, le natif de Strasbourg était à une visite médicale près de rejoindre le Leeds de Marcelo Bielsa, avant de se rabattre sur le club phocéen par défaut. Après ce retournement de situation, son arrivée sur le Vieux-Port a quand même suscité un grand espoir, et même pas mal de jalousies dans le reste du pays, oubliant que les quelques matchs joués par Cuisance au Bayern l’ont été grâce à l’instauration des cinq changements lors du restart. Une nuance balayée par le prêt assorti d’une option d’achat à 18 millions d’euros pour ce talent brut, dragué par plusieurs géants d’Europe et par Pep Guardiola himself à une époque. Sauf qu’en dehors d’un bon match contre Nantes, Marseille attend toujours de voir le talent qu’on prête à Michaël Cuisance. Souvent positionné en numéro dix ou dans le couloir par Villas-Boas, il a subi la concurrence pas forcément saine de Dimitri Payet – qui lorgnait un retour en 10 -, tandis que l’émergence du duo Kamara-Gueye (qui ont le même âge) l’empêche de jouer plus bas. Si bien qu’aujourd’hui, Cuisance se retrouve dans l’impasse.
Cuisance a beau n’avoir que 21 ans, c’est loin d’être la première fois qu’il se retrouve dans ce genre de pétrin. À Mönchengladbach, après une première saison aboutie, il avait été mis au placard. Résultat : il avait signé au Bayern à la fin de la saison. Pas mal comme issue. Et avant Gladbach, un Cuisance en pleine adolescence a vécu un épisode encore plus dur : une interdiction de jouer pendant toute une saison, puisqu’il ne voulait pas signer le contrat proposé. C’était lors de sa dernière année au centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine. Son coéquipier de chambre de l’époque, Thanawat Suengchitthawon, se souvient : « Sa mise au placard l’a rendu encore plus fort. Il ne s’est pas braqué, il a redoublé d’efforts. Ça en étonnait même certains dans le vestiaire. C’était impressionnant, il était à fond aux entraînements, plus que nous. » Plutôt que de se morfondre, le jeune Michaël se réfugie alors dans le travail, et se livre peu, même à ses deux potes de dortoir : « Ce n’était pas le genre à en faire des tonnes. Il a compris la situation, il l’a fermée et il a bossé », résume l’actuel joueur de Leicester.
Michaël patience
À l’origine de sa venue à Nancy, Mohamed Ouadah connaît bien Michaël Cuisance et sa famille. Il était au premier rang lors de cette année décisive : « Le club l’a privé de ce qu’il aime le plus au monde : jouer au foot. Et pourtant, Michaël a été remarquable. Il est parfois râleur, mais c’est un mec franc, de caractère, pas le genre à baisser les bras. » Aujourd’hui, Cuisance est de nouveau dans une impasse avec un temps de jeu inversement proportionnel aux critiques qu’il reçoit. Mais selon Ouadah, ça ne fera pas vaciller le bonhomme : « C’est un perfectionniste. Il n’y aura jamais quelqu’un de plus dur avec Michaël que lui-même. » Et Thanawat d’ajouter : « On s’est parlé. Les critiques, il les entend. Il les accepte et il va s’en servir pour rebondir au plus vite. Il a une force mentale incroyable, je ne m’inquiète pas du tout pour lui. » Tout en rappelant que, ado déjà, Cuisance était un bourreau de travail : « Nous, le soir, on regardait la TV, on se changeait les idées. Lui, il voulait toujours s’entraîner, jouer. Il ne pensait qu’à ça. »
Cette force de caractère permettra-t-elle à Cuisance de rebondir à l’OM, alors qu’on imagine de moins en moins le club lever son option d’achat en fin de saison ? « Sa vraie force, c’est de continuer de tenter quand ça ne va pas, il est persévérant. À chaque difficulté, il revient plus fort, prévient Ouadah. Michaël, il travaille toujours pour demain, même si c’est compliqué sur l’instant. Et il ne mettra pas en péril la suite, donc si ça ne paye pas aujourd’hui, ça paiera demain. » Ne comptez pas sur le bonhomme pour se démobiliser, quand bien même son avenir à Marseille s’écrit en pointillé. À moins que l’arrivée de Jorge Sampaoli ne change tout. Car l’Argentin est un disciple revendiqué de Bielsa, or el Loco avait lui-même fait de Cuisance une priorité cet été pour Leeds. Sur le papier : tout est donc réuni pour que le joueur se relance avec l’arrivée de l’Argentin.
« Michaël est un joueur très offensif, il a besoin d’un club qui joue l’attaque, et pas d’un club qui subit, donc avec Sampaoli, ça peut le faire », imagine Thanawat. Avec son œil de recruteur, Mohamed Ouadah précise : « C’est un vrai box to box, il ne doit pas jouer trop haut, ou trop bas. C’est le piston idéal pour faire le lien au milieu, il a besoin de toucher le ballon, de créer de la mobilité autour de lui. Le positionner en dix, c’était une erreur. » Un nouvel entraîneur, et un nouveau positionnement un cran plus bas : voilà ce qui pourrait suffire pour le relancer, pour le plus grand bonheur de tous. « Un garçon de 21 ans qui a du mal pour sa première saison à Marseille, c’est normal, rappelle Ouadah, Mais si Michaël Cuisance ne réussit pas à l’OM, c’est un mauvais signal pour les autres jeunes talents qui voudraient y signer. Tout le monde a intérêt à ce que Michaël réussisse à Marseille. » Et lui le premier.
Par Adrien Hémard
Tous propos recueillis par AH.