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Marseille-Monaco 1989 : Histoire d’une finale pas comme les autres
Il y a bien longtemps, dans une galaxie pas si lointaine, Marseille et Monaco s'affrontaient lors d'une finale de Coupe de France complètement dingue. C'était en 1989, et les Olympiens avaient arraché leur victoire 4-3, bien aidés par un triplé de Papin. Marseillais ou Monégasques, les acteurs de la tragédie se souviennent.
Sous les acclamations de la foule, sous les flashs des photographes, sous l’œil rieur, mais bienveillant de ses coéquipiers, Jean-Pierre Papin réussit l’exploit d’être à la fois décontracté et tendu. Décontracté, parce qu’en ce 10 juin 1989, l’OM vient de s’imposer 4-3 face à l’AS Monaco, dans ce qui s’apparente à l’une des plus belles finales de l’histoire de la Coupe de France. Tendu parce que lors de cette remise de trophée, en tant que capitaine, il doit saluer le président François Mitterrand. Et il a un petit pari à relever. « On avait fait ce pari à table. Je lui ai dit de faire un bisou sur le front de Mitterrand. Il a dit :« ok », en se disant que de toute manière, il y avait peu de chances qu’il ait l’occasion de le faire. Et puis on gagne, c’est la remise des trophées. Il est capitaine, donc c’est le premier à passer, et moi je suis juste derrière lui vu que je suis gardien. Je le charrie, je lui mets des petits coups de pied pour lui dire :« Oublie pas, tu dois l’embrasser sur le front » (rires) » , se remémore Gaëtan Huard, le sourire aux lèvres. Alors au moment venu, JPP demande poliment au président s’il peut l’embrasser, ce à quoi il lui répond « oui, bien sûr » . Papin n’ose pas déposer son baiser sur le front, et se contente de claquer la bise. Déjà pas mal.
Le Parc des Princes blanc et bleu
Au moment de débarquer au Parc des Princes, les Marseillais sont en pleine confiance. Un mois plus tôt, les hommes de Gérard Gili remportaient le championnat en s’imposant 1-0 contre le PSG, son principal concurrent dans la course au titre, dans les dernières minutes du temps réglementaire. Un aboutissement, pour une saison bien remplie avec un groupe restreint et jeune. « On était plus qu’en confiance, on était sur un nuage. Avant la finale, on avait la sensation que rien ne pouvait nous arriver. On riait, on déconnait, on n’avait aucune pressions. Je n’ai plus jamais ressenti cette sensation d’être sûr de gagner » , se souvient Gaëtan Huard. Cette finale de Coupe de France, c’est la cerise sur le gâteau, histoire de réussir un doublé historique, qui n’a été réalisé qu’une seule fois auparavant par le club. Et cette cerise, les supporters sont venus la déguster en masse. Sur les 45 000 personnes dans le stade, 40 000 supportent l’OM. « Le stade était bleu et blanc. On était à domicile à Paris, c’était dingue. J’ai rarement été autant en osmose avec le public de l’OM » , raconte, nostalgique, l’ancien gardien phocéen. Mais en face, les Monégasques sont là pour empêcher les Marseillais de fanfaronner trop vite. « Oui, le Parc des Princes ressemblait au Vélodrome, ça c’est sûr ! » , admet Manuel Amoros, qui mouillait le maillot de l’ASM ce soir-là, avant d’enchaîner en fronçant les sourcils : « Mais on est entrés sur le terrain pour gagner ce match. J’avais déjà gagné une Coupe de France avec Monaco et j’en voulais une deuxième, on voulait battre Marseille. » Problème, une fois le match lancé, les Marseillais marchent sur l’eau et tout va trop vite pour les Monégasques.
JPP superstar
Jean-Pierre Papin – qui allait terminer meilleur buteur du championnat – n’est pas venu pour faire de prisonniers et embrouille Patrick Valéry d’une série de dribbles douze minutes après le coup d’envoi. Une frappe croisée, un Jean-Luc Ettori trop court et un poteau rentrant plus tard, le score grimpe à 1-0, et il ne faut que dix minutes de plus à JPP pour doubler la mise de la tête. Huard continue la séquence souvenirs, avec quelques étoiles dans les yeux : « Quand tu vois Jean-Pierre qui tire quatre fois et qui en rentre trois, dans cet état-là, tu sais qu’il ne peut rien t’arriver. Il sortait d’une saison époustouflante, c’était fou, il était au poteau de corner, il tapait, ça rentrait lucarne opposée… Dès qu’il frappait, ça rentrait. Il était complètement libéré. » La plongée dans les boîtes à archives est forcément plus douloureuse pour Manu Amoros, qui préfère pointer du doigt la grinta insolente des Marseillais : « Ils ont eu une réussite exceptionnelle ! Jean-Pierre Papin marque trois buts, on n’était pas très bien au marquage, c’est vrai qu’ils ont été souvent dangereux. Mais bon, après… À chaque fois qu’ils ont essayé de la mettre à JPP, ils y sont arrivés. » Marcel Dib tentera bien de ramener le navire monégasque à quai en marquant à la demi-heure de jeu, mais en plantant son triplé dès le retour des vestiaires, Papin assomme la partie, et Huard peut continuer de lui jeter des fleurs : « À cette époque-là, on était deux par chambre, et j’étais en chambre avec Jean-Pierre. C’était le moteur du groupe, le capitaine, le leader de l’équipe. »
Amoros chambré à Marseille
Dans les rangs de l’ASM, c’est plutôt le contraire qui se passe. Les cadors habituels, les machines à marquer que sont Hoddle et Weah sont en panne, et restent muets tout le long de la finale. Avec dépit, Amoros revient sur cet ensemble de petits tracas qui ont empêché Monaco de renverser la vapeur : « Mais nous aussi, on les a mis pas mal en difficulté, hein ! Mais Hoddle et Weah ont été bien isolés. Et c’est compliqué quand nos meneurs de jeu ne marquent pas. Malheureusement, ça peut arriver. Donc c’est à d’autres de marquer. » D’autres, c’est Marcel Dib, auteur d’un doublé, puis Manu Amoros lui-même, qui marque le penalty du 4-3 à deux minutes de la fin du match. Assez pour redonner un fol espoir aux siens, mais rien à faire. Huard est formel, « S’ils avaient marqué quatre buts, on aurait trouvé le moyen de gagner 5-4 » , et au coup de sifflet final, l’OM tient son titre. Arrivé sur la Canebière la saison suivante, Amoros a eu tout le loisir de refaire le match avec ses ex-adversaires/nouveaux coéquipiers quelques mois après les faits : « On en a vachement parlé ! On m’a même chambré parce que j’ai marqué un penalty à Huard. Il savait où j’allais tirer, mais n’a pas pu l’arrêter ! Il m’en avait vu tirer pas mal dans la saison, il savait à peu près où j’allais tirer, mais il n’a pas su le faire ! » Ce doublé coupe-championnat est surtout le point de départ du grand OM du début des 90’s, et Marseillais comme Monégasques se rejoignent sur un point : tous ont eu le sentiment ce 10 juin d’avoir joué l’une des plus belles finales de l’histoire de la Coupe de France.
Le résumé du match :
Par Kevin Charnay et Alexandre Doskov
Tous propos recueillis pas KC et AD