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Marseille, meilleur rapport qualité/prix de Ligue 1
Ce soir, le Paris Saint-Germain soulèvera l’Hexagoal après le jubilé de David Beckham – et de Siaka Tiéné – face à Brest, au Parc des Princes. Mais cette saison, en Ligue 1, le principal est ailleurs. Pas très loin. Juste derrière Paris, en fait. Dauphin légitime de la machine d’Ancelotti, l’Olympique de Marseille revient de loin. En état de mort clinique en fin de saison dernière, les Phocéens ont réalisé une excellente saison. Le tout, en se serrant la ceinture et sans vraiment y croire.
C’est le dimanche 18 novembre 2012 que j’ai compris que cette saison serait totalement folle. Avant ça, j’étais trop occupé. Trop pessimiste, aussi. Les matchs du mois d’août ? Ceux que l’on regarde d’un œil, à mi-chemin entre un café et une plage, entre une pinte et un churros ? L’OM les a gagnés. Tous. Puis est venue la rentrée. Les mioches sont retournés en classe, le bronzage est parti mais Marseille est toujours sur son nuage. 18 points encaissés sur 18 possibles jusqu’à cette ignoble déconvenue valenciennoise (4-1). Un moment précis où j’ai pensé que l’état de grâce était terminé. Que l’OM allait rentrer dans le rang. Où j’ai pensé que Foued Kadir pourrait être titulaire à l’OM, aussi. La preuve que les conneries existent.
L’OM à la diète
« Monsieur Labrune, on mange quoi ce soir ? Des pâtes au beurre ? » . « Oui, comme toutes les semaines depuis le début de la saison. Si vous êtes mignon, vous aurez un peu de sauce Raspentino » . 2012-2013, l’OM n’échappe pas à l’austérité : le président veut assainir les comptes. Logique mais difficile à avaler après le calvaire de la saison passée. Une deuxième partie d’exercice passée à baisser les yeux devant Ajaccio, Toulouse ou Dijon et cette folle série de 14 rencontres consécutives sans la moindre victoire en Ligue 1. Un régime Ducon après lequel on a envie de se goinfrer, pas de viser une cinquième place. Paris a Ancelotti. L’OM aura Baup. Ça sent le sapin, mais pas que. Ça sent aussi le navet. Sauf qu’on a tous été au cinéma, un jour, voir un film dont on n’attendait rien du tout. On en est parfois ressorti avec le sourire. Celui de la bonne surprise. Elle n’était pas mal, finalement, cette comédie, avec le metteur en scène en jogging-casquette et ses acteurs de téléfilm. La projection a donc lieu le 18 novembre. Second, c’est un OM décimé qui s’apprête à retrouver une quatrième place qui lui sied mieux sur la pelouse de Bordeaux. Au bout de l’interminable couloir de Chaban-Delmas, Fabrice Apruzesse s’apprête à entrer sur la pelouse. Un changement comme un autre? Non, Apruzesse a 27 ans, est un ancien chauffeur-livreur et il n’a jamais disputé une minute en pro. De cette entrée, on ne retiendra pas la performance mais l’image et le symbole. Là, j’ai compris.
A la trêve, l’OM compte 38 points, soit autant que Lyon et le PSG, champion d’automne. Mais ça, c’est « parce que Marseile surfe sur son improbable début de saison » , dixit les spécialistes de l’analyse de comptoir, entre un ballon de rouge, un tirage du Rapido et un Quinté. Les mêmes vendeurs de tapis qui annoncent devant un parterre de ménagères attentives que « c’est sûr, l’OM ne tiendra pas le rythme pour terminer sur le podium cette année » . Nous sommes à la fin du mois de décembre et sous le sapin, on dirait que Vincent Labrune a pris conscience de quelque chose. Les pâtes attendront, le repas se fait dans l’abus et l’allégresse. Le président de l’OM l’a compris, la modération n’a du bon qu’un temps. Le bilan à mi-saison est satisfaisant, mais le meilleur moyen de le rendre pérenne et de rebondir dessus. Alors contrairement à d’autres, l’OL en tête, Marseille recrute. Kadir, Sougou, Samba et surtout Romao arrivent. Le banc de l’OM commence à ressembler à quelque chose. C’est le début d’une certaine idée de la folie.
La jouissance du winning ugly
J’ai entendu ça et là que certains supporters du Paris Saint-Germain, lassés de la transformation de leur club ou simplement moins émoustillés à cause de l’évidence et de l’imminence du titre, n’avaient que moyennement goûté à l’Hexagoal. Aujourd’hui, je n’ai pas peur de dire que les Marseillais ont au moins autant profité de leur saison que leurs homologues de la Capitale. D’abord, il y a cette deuxième place, synonyme de retrouvailles avec les phases de poules de la C1, acquise face à Toulouse puis grâce à Paris. Mais il y a aussi et surtout la jouissance de gagner dans l’adversité et la critique. Le winning ugly, écrivait l’ancien tennisman Brad Gilbert, dans un bouquin qui aborde l’aspect mental de la balle jaune. Oui, l’OM a enchaîné les victoires par un but d’écart, 18 cette saison. Non, les Marseillais n’ont pas toujours développé un football chatoyant. Mais 21 victoires, c’est neuf de mieux que l’année passée, avec un effectif qui n’est pas meilleur mais qui jouit de la forme des cadres. Mandanda, Nkoulou, Valbuena, Gignac, tous ont répondu présent. Dans le même temps, des types comme Mendes, les Ayew’s Brothers et Romao ont montré qu’ils étaient indispensables. Grâce à ces types, l’été arrive, la C1 se profile et les caisses sonnent moins creux. Mais au moment de choisir leur menu et même après avoir frôlé l’infarctus à chaque fin de match, parce que leur équipe n’a jamais été foutu de faire le break cette année, les supporters phocéens n’hésitent plus: « Vincent! Renvoie des pâtes. » En espérant que José Anigo ne se trompe pas sur la sauce cet été.
Par Swann Borsellino