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Marseille, l’être capital
Si le PSG est bel et bien seul au sommet de la Ligue 1, Marseille est de nouveau au centre du football français grâce à son parcours en Ligue Europa. Forcément, ça ne fait pas que des heureux. Mais c'est une bonne nouvelle pour tous.
Il y a quatre façons d’exister dans le football : en inspirant le respect, en suscitant l’amour, en aimantant la haine et en se couvrant de honte. N’importe quel club assez dimensionné a un jour touché du doigt les quatre étapes, toutes étant de plus reliées d’une façon ou d’une autre à leurs voisines. Rares sont ceux qui connaissent en fil continu la première. Davantage parviennent à maintenir intensément la seconde et la troisième, qui forment un couple presque inséparable. Et il faut assez de regards sur soi pour réellement vivre en son for intérieur la quatrième. L’OM a déjà gagné pour quelque temps le droit au respect, après avoir encaissé les rires il y a une poignée de mois encore. Et il a réveillé plus que jamais la passion génératrice d’amour et de haine. Une histoire d’ADN, paraît-il.
« Oh, ça va ! On a le droit d’exister un petit peu ou pas ? »
Ils sont là, partout. Des cravatés pressés des bureaux feutrés à ceux qui regardent l’heure tourner au bar du coin, vous trouverez bien quelqu’un pour alimenter les guerres de clochers. Pour démentir la réalité, flinguer votre humeur ou l’exalter. Marseille est au centre du village. Le football français est à la fête, et même ceux qui font la gueule y participent. On félicite, on chouine, on admire, on envie, on chambre, on relativise, on jalouse, on méprise, on se bagarre, on vibre. On vit. Un vieil ami s’est assis à la table. Ça fait un moment qu’on ne l’avait plus vu dans les parages. Alors, il est au centre des attentions, il monopolise un peu la parole pour raconter son voyage. On a toujours de la tendresse pour lui, mais il agace parce qu’il est beau et qu’il croit sûrement l’être encore plus qu’il ne l’est. Il l’a toujours cru, c’est aussi pour ça qu’on l’aime. On aurait parfois envie de lui dire : « Ferme-la un peu ! »
Mais on ne peut pas parce que sa voix porte un peu plus que la nôtre et qu’aujourd’hui, tout le monde a envie de l’écouter raconter ses histoires. Elles sont sans doute à nuancer, sans doute un peu romancées, il y manque encore un point final. Mais l’auditoire s’en fout, à raison. Personne n’a envie de savoir qu’une demi-finale de C1 est sans doute plus dure à conquérir qu’une finale de C3. Tous se moquent que, plus au nord, un club n’était pas loin d’accomplir la saison passée ce que vient de faire l’OM sans que ça ne suscite, dit-on, le même engouement. Ce sont des discussions d’hier ou de demain, des discussions de gens chafouins, au mieux raisonnables. Qui a envie d’être raisonnable à l’heure de s’enivrer ?
Ère France
Depuis un moment se pose la question d’une nouvelle ère pour le football français. Elle s’entrouvre un peu plus et l’OM est enfin de ceux qui poussent la porte. L’avantage du football est qu’il s’auto-alimente en permanence. Demain, peut-être qu’une nouvelle histoire éclipsera celle-ci. Il faut le souhaiter car le scénario écrit par les clubs de l’Hexagone depuis vingt ans a été maigre en rebondissements heureux. Le rythme des épisodes s’est un peu emballé ces dernières saisons. Nos personnages préférés reviennent enfin au premier plan, se bousculent sur l’affiche, intriguent pour que leur nom soit écrit un peu plus gros que celui des autres. C’est de bonne guerre, c’est la guerre qu’il nous faut, même. Jean-Michel Aulas a tout fait hors des terrains pour provoquer l’OM en duel ces dernières années. De façon presque irresponsable, parfois.
Il n’imaginait sûrement pas que c’était sur son propre terrain que l’OM tenterait d’arracher un bout d’histoire et quelques sièges. Le PSG pensait pouvoir semer la patience pour s’offrir l’Europe, il n’imaginait peut-être pas que d’autres clubs français s’engouffreraient dans la brèche pour y prendre leur part d’émotions. C’est le jeu, il comporte son lot de surprises, de frustrations et de tensions. Surtout, il nourrit l’émulation. Dès ce dimanche soir, l’OGC Nice, en désir d’Europe lui aussi, se gorgera d’ambition pour faire la nique à son lointain voisin, comme toujours, mais sans doute avec une pointe d’envie supplémentaire. C’est également à ça que sert une conquête européenne : celui qui est en première ligne devient une cible esseulée, mais aussi un horizon commun.
Par Chris Diamantaire