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Marseille : la French Connection des Comores

Par Quentin Ballue et Adel Bentaha
Marseille : la French Connection des Comores

Battus par le Gabon pour leur entrée en lice, les Comores défient le Maroc à 17 heures. Une rencontre qui sera suivie avec attention du côté de Marseille. La cité phocéenne a enfanté une bonne partie de l’équipe nationale (onze joueurs pour être précis) et rassemble une importante communauté comorienne, au point d’être considérée comme la cinquième île de l’archipel. Au bord de la Méditerranée, ils sont des milliers à vivre cette première Coupe d’Afrique de l’histoire des Cœlacanthes avec une fierté non dissimulée.

Lorsque M. Peter Waweru donne le coup d’envoi de la rencontre Gabon-Comores, il est 22 heures à Moroni. Un horaire tardif, dont le million d’habitants des quatre îles de l’archipel ne se soucient absolument pas. Et pour cause, les 28 joueurs comoriens présents au Cameroun s’apprêtent à marquer l’histoire de leur pays en l’honorant d’une première participation à la Coupe d’Afrique des nations. À 7000 kilomètres de là, Marseille vibre aussi. Environ 80 000 âmes, composantes majeures de la diaspora insulaire, sont installées depuis près de cinquante ans autour de la Canebière. « Marseille, c’est la capitale des Comores », sourit Arkane Mohamed, international aux six sélections et natif de la cité phocéenne, aujourd’hui reparti à Mayotte. Il faut dire que les liens unissant les deux territoires n’ont jamais cessé de se renforcer depuis une cinquantaine d’années.

Le saut en lenteur

Les premiers Comoriens à rejoindre la métropole française furent principalement des matelots, qui s’installèrent à proximité de ports tels que Dunkerque, Le Havre et Marseille. Éparses dans les années 1960, les migrations comoriennes en France s’intensifient entre 1975 et 1990. La conséquence de tensions apparues à Zanzibar et Madagascar, et d’une crise politique et socio-économique dans l’archipel. « Nos parents ont trouvé à Marseille une géographie et un environnement qui leur rappellent le pays », souligne Omar Mdahoma, qui a porté la tunique nationale à quatre reprises. Une même passion du ballon rond, aussi. Pourtant, sur le rectangle vert, le paradoxe a longtemps été nourri par des années de vide. Affiliée à la FIFA depuis 2006, la jeune équipe des Comores a en effet pris son temps avant d’émerger de ce trop long sommeil. « Au début des années 2000, il fallait vraiment chercher pour trouver des joueurs comoriens, même dans les catégories de jeunes. Quand j’étais moi-même au centre de formation de l’OM, sur 100 joueurs, on devait être une dizaine originaires des Comores, pas plus. Ça donnait l’impression que notre communauté ne mettait pas son nombre à profit, analyse Mdahoma. Chez nous, on dit qu’il faut d’abord« remplir la valise ». Donc le plus important, c’était de trouver un travail ou de persévérer dans les études. On a toujours eu un complexe d’infériorité parce qu’il n’y avait pas de modèles pour nous. »

On nous convoquait, mais on nous demandait de payer nous-mêmes nos billets d’avion. Vous imaginez, des joueurs professionnels à qui l’on demande de se débrouiller pour voyager ?

Un tournoi va dès lors faire basculer les choses. « Ah, le tournoi intercommunautaire, s’exclame Arkane Mohamed. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’avant de se retrouver au niveau professionnel puis en sélection, on se connaissait tous ! » Pour Omar Mdahoma, les souvenirs de ces moments décisifs sont encore frais : « Tout est parti de cette compétition qu’on faisait entre les différents quartiers de Marseille. Des mecs qui venaient de Font Vert, de la Castellane, de Consolat ou la Rose, jouant au football pour s’amuser, sans penser que ça allait nous mener là où on en est. » Les « mecs » en question constitueront la première vraie génération de footballeurs professionnels comoriens. « On jouait pratiquement tous les jours. Il y avait toute la génération 1987 : moi-même, Kassim Abdallah, Mohamed M’Changama, qui ramenait d’ailleurs son petit frère Youssouf, et les plus jeunes comme Salim Ben Boina, Ali M’Madi et Rafidine Abdullah. » Des joueurs à la recherche d’un objectif commun : donner de la visibilité à leur communauté.

Marseille Consolation

Les clubs amateurs des alentours se muent alors naturellement en ports d’ancrage. Marignane-Gignac, Endoume, mais surtout l’Athlético, toujours à Consolat, encadrent la progression fulgurante de jeunes pousses, dont les plus chanceuses finissent par intégrer des académies professionnelles et dont la tête d’affiche se nomme Djamel Bakar. « Au début des années 2010, on avait enfin le sentiment d’exister sur l’échiquier, insiste Mdahoma. Ça a commencé avec Bakar évidemment, puis il y a eu Kassim(Abdallah) qui est arrivé, ensuite les frères M’Changama et tous les mecs des différents tournois que l’on croisait au quartier. À partir de là, les Marseillais ont compris que les Comoriens avaient leur place dans le football. » Mais si les individualités se mettent en lumière, l’équipe nationale, elle, reste tapie dans l’ombre. « Sur les 70 ou 80 000 Comoriens de Marseille, il devait y en avoir deux en équipe nationale. Les Marseillais nous chambraient, s’amuse Arkane Mohamed. En même temps, c’était une époque sombre. On nous convoquait, mais on nous demandait de payer nous-mêmes nos billets d’avion. Vous imaginez, des joueurs professionnels à qui l’on demande de se débrouiller pour voyager ? » Un constat partagé par Omar Mdahoma : « Même Mehdi Benatia se foutait de ma gueule au centre de formation. Il me disait qu’on était le seul pays à ne pas avoir d’équipe. »

Djamel Bakar, porte-drapeau.

En voyant tous ces Marseillais débarquer en équipe nationale, les Comoriens ont compris que cette connexion était un atout et une fierté énorme. Déjà qu’ils supportent tous l’OM, maintenant ils ont une raison en plus de soutenir les Comoriens de Marseille.

Il faut finalement attendre 2014, pour qu’un homme fasse changer drastiquement la situation. Nommé sélectionneur au mois de janvier, Amir Abdou décide de faire de ce contingent, longtemps déconsidéré, le noyau dur de son projet. Comme le gardien Ali Ahamada, le défenseur Kassim Abdallah ou les frères M’Changama, onze des joueurs sélectionnés pour la CAN sont ainsi nés dans les Bouches-du-Rhône, sans compter que le coach lui-même a grandi sous le regard de la Bonne-Mère. « Amir Abdou et son staff ont fait un gros travail de scouting pour, justement, convaincre les jeunes de la région de représenter le pays. Ils sont allés jusqu’au niveau amateur pour chercher des joueurs », précise Mdahoma. Une réflexion aboutie, renouant le lien Marseille-Comores par le prisme tant attendu du ballon rond et dont la résultante ne tarde pas à faire des émules. Faïz Selemani, virevoltant ailier de Courtrai et fier représentant des siens à la CAN : « Ça a facilité les choses pour moi en arrivant. Je connaissais déjà cinq ou six joueurs avant de rejoindre l’équipe. Il y en a pas mal avec qui je jouais à Marseille Consolat. À chaque convocation, on savait qu’on serait six à s’en aller, donc c’était un peu embêtant pour Consolat, mais c’était super pour les Comores. » Les Cœlacanthes (surnom en référence à un poisson préhistorique, symbole du patrimoine comorien) trouvent leur rythme de croisière. Dans l’océan Indien, l’unité marseillaise n’a jamais semblé aussi forte. « On vit pour le football à Marseille, et quand on va au pays, c’est pareil, assure Selemani. Après mon premier match contre le Cameroun, on avait mis une heure et demie pour rentrer à l’hôtel alors que c’était juste à côté… C’était inoubliable. » Mdahoma lui emboîte le pas : « Lors d’un match face au Ghana, nous avions inscrit un but, refusé pour hors-jeu. Le stade avait carrément explosé, le sol tremblait tellement les supporters étaient heureux. Et pourtant, il n’y avait pas but ! Mais ça traduit la manière dont les gens ont appris à assimiler cette passion. En voyant tous ces Marseillais débarquer en équipe nationale, les Comoriens ont compris que cette connexion était un atout et une fierté énorme. Déjà qu’ils supportent tous l’OM, maintenant ils ont une raison en plus de soutenir les Comoriens de Marseille. Et c’est un honneur d’avoir pu participer à la construction, sportive, de mon pays. »

À jamais les premiers

Comme bon nombre des joueurs actuellement au Cameroun, le rappeur Alonzo a la double casquette : marseillaise et comorienne. Il était donc hors de question pour lui de manquer le match face au Gabon. « Ça paraît tellement irréel d’être à la CAN. On ne pense qu’à ça, on ne parle que de ça, confie l’artiste. J’ai vu la première période au studio avec des amis. Ensuite, j’ai pris ma voiture et j’ai foncé à la maison pour voir la deuxième. Ma femme n’aime pas le foot, donc quand je suis arrivé, on n’était pas du tout sur beIN Sports 3… J’ai vite changé de chaîne. » Chez les supporters dominent un sentiment de fierté et un doux parfum d’euphorie depuis que les Cœlacanthes ont assuré leur qualification en prenant la deuxième place de leur groupe, derrière l’Égypte, mais devant le Kenya et le Togo, pourtant nettement mieux référencés au classement FIFA.

C’est un petit pays et, des fois, j’ai l’impression qu’on est tous un peu cousins. Si je cherche bien, je trouverai au moins un ou deux joueurs avec qui j’ai des liens familiaux.

Arkane Mohamed dépeint le tableau, forcément haut en couleur : « On est en concurrence avec les Algériens pour savoir qui mettra le plus d’ambiance sur le Vieux-Port.(Rires.)Ça avait mis un peu de temps à prendre, mais maintenant, tous les Marseillais sont focus sur la compétition. J’ai l’impression que même les étrangers nous supportent ! À Mayotte, le ciel est décoré de drapeaux des Comores et de ce que mon frère m’a dit, à Marseille, c’est pareil dans les quartiers comoriens. Et puis, les Comoriens ont généralement le sens de la fête, donc même déçus, ils continueront de danser. Après la défaite face au Gabon, malgré la déception, ça klaxonnait de partout, que ce soit aux Comores ou à Marseille. »

Même ressenti chez l’ancien Psy4 de la Rime, qui clame cette fierté dans le titre « La Patrie » avec ses compères comoriens de la scène rap. « Y être, c’est déjà une victoire, assure-t-il. J’ai pas mal d’amis dans le staff, dont Nasser Makif, avec qui j’ai grandi. C’est un petit pays et, des fois, j’ai l’impression qu’on est tous un peu cousins. Si je cherche bien, je trouverai au moins un ou deux joueurs avec qui j’ai des liens familiaux.(Rires.)D’ailleurs, j’ai l’insulte moins facile quand je regarde les Comores. Je suis un fervent supporter de l’OM et si un joueur rate une action, dans l’euphorie, des gros mots peuvent sortir. Là, non. Ce sont tous des Comoriens comme moi, j’ai l’impression que c’est tous mes frères, qu’on est tous sortis du même ventre ! » Le commentateur star Kassim Oumouri, qui habite Marseille, évoquait lui aussi cette dimension affective en parlant de l’équipe nationale comme d’une famille. Frustrée contre les Panthères, mais prête à soulever la montagne marocaine pour garder un espoir d’accéder aux huitièmes de finale. Comme le disent si bien Soprano, Rohff, Alonzo et leurs collègues : « C’est la puissance d’la diaspo, tous les espoirs des locaux. De la pointe de nos crampons, on écrit l’histoire sur le drapeau. »

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Par Quentin Ballue et Adel Bentaha

Tous propos recueillis par QB et AB.

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