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Marseille/Guingamp 2004 : la drôle de vengeance d’Anigo…

Par Régis Delanoë
6 minutes
Marseille/Guingamp 2004 : la drôle de vengeance d’Anigo…

Le match de ce dimanche soir entre Marseille et Guingamp en évoque un autre entre les deux mêmes protagonistes disputé à la fin de la saison 2003/2004. Défaits ce soir-là lors de l’ultime journée, les Bretons pleuraient leur descente en Ligue 2, tandis qu’au micro de Canal +, l’entraîneur olympien José Anigo savourait sa présumée vengeance. Ambiance…

« C’est un retour à l’envoyeur. En 1993, à Munich, j’étais supporter de l’OM. Un an après la finale, on nous a rétrogradés en D2. Et la personne qui nous a rétrogradés, c’était le président de Guingamp. Je suis désolé pour l’entraîneur et les joueurs de Guingamp, qui méritaient de se sauver. Mais pas pour le président, qui n’a pas tenu compte un jour que l’OM était un grand club. Et le grand club que nous sommes a expédié le sien en D2. » Nous sommes le dimanche 23 mai 2004, soir de grand-messe du football français avec le fameux multiplex de la dernière journée de la saison. Pendant 90 minutes, la soirée a été rythmée par les buts annoncés par la petite sonnerie faisant basculer les directs d’un stade à un autre.

Il est dans les environs de 22h, la saison vient de livrer ses ultimes verdicts et, parmi eux, les noms des formations reléguées en Ligue 2. Montpellier, condamné depuis longtemps déjà, est accompagné à l’étage en dessous par Le Mans, qui n’avait que peu de chances de se maintenir, et par Guingamp, plombé par sa défaite du soir au Vélodrome. Pendant que les Bretons accusent le coup, sonnés et prostrés sur la pelouse, l’entraîneur José Anigo est amené à donner sa première réaction d’après-match en direct. Elle est cinglante, violente, déplacée, pour ne pas dire indigne. Selon ses dires, il tiendrait sa revanche contre le club de l’homme responsable selon lui des déboires de l’OM dix ans plus tôt. Mais de quoi parle-t-il exactement ?

10 ans plus tôt, l’OM relégué administrativement

Anigo évoque en fait l’époque où les Marseillais, bien que dauphins du PSG à l’issue de la saison 1993/1994, avaient été administrativement relégués en D2. Une mise à l’ombre forcée, conséquence de la grosse affaire VA-OM qui secoue alors le football français. Le champion d’Europe 1993 est au cœur de la polémique depuis que des joueurs de Valenciennes ont déclaré avoir été invités par des émissaires de l’OM à lever le pied en échange d’une somme d’argent. Le 10 février 1994, Bernard Tapie est mis en examen pour corruption et subornation de témoins. Sans son puissant président, l’OM vacille et se trouve cette fois sous le coup d’une sanction de la justice sportive. Alors que la FFF s’est dotée quelques mois plus tôt d’un nouveau président en la personne de Claude Simonet, la Ligue nationale de football, ancien nom de l’actuelle LFP, est alors dirigée par un certain Noël Le Graët. C’est au titre d’organisateur en chef de la D1 que ce dernier décide l’exclusion d’un OM accusé de tricherie.

Une décision intransigeante, certes, mais en aucun cas un caprice ni d’ailleurs une décision prise personnellement et sans fondement. La chute fracassante du Marseille version Tapie semblait inéluctable depuis que l’affaire VA-OM avait éclaté un an plus tôt. Parmi les fidèles du Vélodrome néanmoins, ce choix de mettre leur club de cœur à l’ombre ne passe pas. Un an après avoir été sur le toit de l’Europe, il est difficile, voire impossible de se résigner à évoluer en D2 et à accepter que peut-être le président Tapie a magouillé et qu’il faut payer pour cela. Parmi les fans de l’OM qui ne digèrent pas ce qu’ils considèrent comme une injustice, il y a José Anigo qui, tout juste une décennie plus tard, semble particulièrement apprécier l’ironie du sort : par cette victoire du 23 mai 2004, son OM, dont il est devenu entraîneur quelques mois plus tôt, contribue à reléguer à son tour l’En Avant de Guingamp, le petit club qui s’est invité parmi les grands du football français par la force de la volonté et l’influence de son président Noël Le Graët, revenu aux manettes en Bretagne en 2002 une fois son mandat à la LNF achevé.

« Je me suis comporté comme un supporter »

Pour l’OM, ce dernier match de la saison n’était pourtant pas à la base un moyen d’achever l’adversaire, mais une occasion de communier une dernière fois avant l’été entre joueurs et public. L’exercice 2003/2004 avait été contrasté, avec, au final, une décevante septième place en championnat, mais aussi une finale de Coupe UEFA disputée quelques jours plus tôt et perdue 0-2 face à Valence, conclusion décevante d’une vraie belle campagne continentale avec les éliminations de Liverpool, de l’Inter et de Newcastle. C’est aussi la seule saison de Didier Drogba à l’OM. L’Ivoirien, acheté un an plus tôt à… Guingamp, marque durablement son court passage avec le maillot blanc et bleu ciel en inscrivant 32 buts au total sur l’ensemble des compétitions. Il n’y avait donc pas particulièrement matière sur cet ultime match de la saison à insérer une forme de rivalité avec les adversaires bretons, qui ne sont pour rien dans les choix de leur président du temps où celui-ci présidait la destinée du championnat français… Anigo avait d’ailleurs regretté ses propos quelques mois plus tard au court d’une interview accordée en septembre 2004 au JDD : « J’ai fait une connerie, reconnaissait-il. Je me suis comporté comme un supporter et non comme un entraîneur. »

Pour Guingamp, la fin de saison des regrets

Les Guingampais n’ont que faire de ces excuses tardives. Si Anigo, ce soir-là, n’a pas fait preuve d’élégance, les Bretons ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes concernant le verdict sportif. Cette défaite du 23 mai 2004 au Vélodrome sur un doublé de Steve Marlet et une réduction du score de Farid Talhaoui vient clôturer une fin de saison très moche qui laisse beaucoup de regrets. Après une dernière victoire 1-0 face à Lens lors de la 33e journée, il ne leur suffisait que d’un autre succès ensuite pour assurer presque définitivement leur maintien. Succès qui n’arrivera pas : 0-0 à Ajaccio, défaite 2-4 contre Le Mans, 0-0 à Nantes, nouveau revers 1-2 à domicile contre Nice avec un scénario de match catastrophique (2 buts de Nice dans les 5 dernières minutes, dont le deuxième dans le temps additionnel par Lilian Laslandes, le 6e point perdu par Guingamp dans le temps additionnel depuis le début de saison), puis finalement ce couperet qui tombe à Marseille.

Dans le même temps, le 18e au coup d’envoi des matchs de cette 38e journée, Ajaccio, assure son maintien grâce à un improbable triplé de Bernard Diomède (3-1 face à Metz). Un an après l’épopée des Guingampais en championnat avec Drogba, Malouda et Fabbri (7e au classement à 3 points du podium), le gâchis est grand. L’EAG mettra 9 ans à remonter en élite, avec même un court passage en National entre-temps. Plus d’une décennie supplémentaire a passé depuis l’affaire VA-OM. Il faut espérer pour lui qu’Anigo ait enfin fini de digérer…

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Par Régis Delanoë

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