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Marseille et les neufs battus
L'OM avait fait de l'acquisition d'un grand attaquant son fil conducteur du mercato d'été. Après quatre mois de compétition, il semblait que les Phocéens aient fait bonne pioche à tous les postes sauf à celui du buteur. Presque une habitude dans un club où seules les grandes forces de caractère s'imposent devant.
« Mitroglou, il va mettre ses douze à quinze buts, mais il reste trop limité pour l’OM, surtout au niveau du rapport qualité/prix. » Marseille-Guingamp a vu l’avant-centre grec sortir une nouvelle performance terne. Et le consultant beIN Sport Bruno Cheyrou n’a pas manqué de lui taper dessus. Parce qu’il en fait trop peu actuellement. Et aussi parce qu’il porte les couleurs d’un club plus exigeant qu’ailleurs. Pendant tout l’été, la Canebière a vécu au rythme de la chimère du grand attaquant. Olivier Giroud ? Il a préféré rester remplaçant à Arsenal. Arkadiusz Milik ? Cela n’a pas abouti, et le Polonais continue de dépérir à Naples, son corps ne le laissant pas enchaîner les rencontres.
Alors que l’hypothèse d’un Frank McCourt incarnation du Père Noël était encore plausible, Rolland Courbis s’était même enflammé en évoquant Sergio Agüero comme la recrue idéale. Sauf que depuis, entre une inflation du mercato et la confirmation que l’ancien boss des Dodgersn’était pas le contre-poids du Qatar en Ligue 1, les supporters marseillais ont hérité de Mitroglou. Un honnête buteur passé par Benfica, mais pas forcément la plus-value annoncée par rapport à Bafé Gomis (qui désormais plante à Galatasaray). Pour Sonny Anderson, qui a brillé sous les couleurs phocéennes en 1993-1994, le recrutement du Grec n’était pas une bonne idée à la base. « Il est assez limité pour l’OM, car il manque de technique, c’est surtout un joueur physique. » Et un joueur physique qui a débarqué blessé : « Blessé et à court de forme dans une équipe qui se construisait et se cherchait, cela fait beaucoup. De fait, il est entré dans une spirale de doute. »
Dans la lignée de Bamogo, Luyindula et Sytchev
Ce qu’il y a de pire pour un avant-centre, et ce que l’OM vit avec ses deux buteurs, Valère Germain étant lui aussi dans le dur après des débuts fracassants en barrages de Ligue Europa. « On aurait pu penser qu’il allait exploser les compteurs vu son début de saison, reprend le Brésilien. Et puis, à cause d’une série sans but, le voilà en manque cruel de confiance. » Et aussi d’un temps de jeu que Rudi Garcia accorde pour le moment à son concurrent grec, alors que le consultant de beIN pense l’ancien Monégasque « mieux adapté au jeu de l’OM, car il est plus mobile » .
Mais pour le moment, le fils de Bruno est plus enclin à entrer dans la caste de Bamogo, Luyindula et Sytchev, promesses initiales qui se sont brisées sur les exigences du Vélodrome. À son époque, Sonny Anderson se souvient avoir eu une certaine dose de chance : « Ma mission était simple, continuer à marquer comme je le faisais au Servette. Et l’équipe était championne d’Europe en titre, comptait quelques excellents passeurs. J’en ai mis un au fond pour mon premier match contre Martigues. Après, cela s’est enchaîné et la pression du stade m’a porté. »
« Mitroglou se cache »
À l’inverse, cette pression écrase Mitroglou, actuellement en panne d’estime de soi. « Cela se voit dans ses yeux qu’il n’est pas bien, il n’est pas dans l’esprit d’aller manger son défenseur, d’aller au combat. » Pour Anderson, c’est la statistique des ballons touchés par le Grec qui est la plus accablante : « Contre Guingamp, il a dû toucher moins de ballons que son gardien. C’est le signe d’un joueur qui se cache. Or à Marseille, il n’y a rien de pire. » Dans la liste des dernières idoles du Vélodrome au poste d’attaquant, on retrouve essentiellement des guerriers comme Didier Drogba, André-Pierre Gignac, Mamadou Niang ou Bafé Gomis. « Drogba, il a été fantastique en 2004 sur ce plan-là, il s’est imposé grâce à ses qualités mentales, à son tempérament. Les supporters marseillais peuvent accepter que tu manques une occasion, que tu sois limité techniquement, s’ils constatent que tu es un guerrier et que tu donnes tout sur chaque ballon » , ajoute l’ancien Lyonnais.
À Mitroglou de ranger au placard son regard de victime pour montrer les dents et forcer son destin. Pour lui comme pour Germain, Sonny Anderson estime que la patience sera de courte durée, comme la fenêtre de tir pour se relancer. « Dans l’idéal, il aurait besoin de temps pour s’adapter et prendre la mesure de l’OM. Mais à Marseille, on ne va pas lui donner de temps. Soit il prend le train en marche maintenant, car l’équipe trouve son rythme de croisière, soit il va échouer définitivement. » Et l’OM se cherchera ailleurs son « grand attaquant » , quitte à casser quelques numéros neuf de plus.
Par Nicolas Jucha
Propos de Sonny Anderson recueillis par Nicolas Jucha