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Marseille et l’arrêt Ostende
Ce jeudi, ce sont deux villes portuaires qui s’affrontent lors du troisième tour de qualification de la Ligue Europa. L’une est célèbre pour sa bouillabaisse, l’autre pour ses croquettes aux crevettes. L’une restera à jamais la première équipe française à avoir remporté une Coupe d'Europe, l’autre la dernière équipe belge en date à la découvrir. Portrait du KV Ostende, nouvelle bombe du sub-top de Jupiler Pro League et rayon de soleil en mer du Nord.
Cela n’a pas manqué : à l’issue du tirage au sort, chacun attendait la petite phrase de Marc Coucke, le fantasque président ostendais. Et l’intéressé n’a pas manqué de faire honneur à sa réputation. « Le budget mensuel de l’OM est celui annuel d’Ostende. La cantine de l’OM a la même capacité que notre stade » , lançait-il sur Twitter à l’encontre de son homologue Jacques-Henri Eyraud. Une manière de rappeler que la structure du KVO est très loin derrière celle de son futur adversaire européen, bien que les côtiers aient le vent en poupe depuis leur dernière accession à l’élite belge il y a quatre ans seulement.
Crevette grise et balle orange
En 1982, Ostende vibre davantage pour le basket que pour le football. Le BCO, l’équipe locale, a déjà remporté deux championnats de Belgique, quinze autres suivront jusqu’en 2017. Côté gazon, deux petits clubs vivent dans l’ombre de la balle orange, grassement subventionnée par la commune. Pour ne pas mourir, ils préfèrent passer outre leurs différences politiques et unir leurs forces pour créer cette année-là le Koninklijke Voetbalklub Oostende, à traduire Royal Football Club d’Ostende. Mais, dans la province de Flandre occidentale, la concurrence footballistique est rude : les deux clubs brugeois, Courtrai, Waregem ou Roulers, des concurrents bien établis dans le paysage local qui vont plonger le KVO dans les affres de la D3 dix ans durant. Lorsque l’on demandait à l’ancien président Eddy Vergeylen pourquoi son club ne parvenait pas à rameuter les foules, il répondait qu’il ne saurait même pas faire venir des cabillauds en tribune. Autant dire que l’ambiance était aussi fade que des crevettes sans sauce cocktail.
À partir de la décennie 1990, les côtiers vont commencer à faire l’ascenseur entre D2 et D1, seul un petit accident à l’aube de l’an 2000 les renvoie au troisième échelon. Mais l’équipe se stabilise, investit dans la formation, parvient à endiguer l’exode massif de ses jeunes vers Bruges et, même si le KVO reste un second couteau, c’est un second couteau relativement stable. Mais tout bascule un beau jour de 2013, lorsqu’un certain Marc Coucke, loin d’être un inconnu dans la région, décide de faire passer le club de sa ville à la vitesse supérieure, après que celui-ci a glané le deuxième titre de champion de D2 de son histoire. Désormais, il ne sera plus un simple VIP dans les tribunes de l’Albertpark. Grâce à lui, la mer du Nord ne sera plus le dernier des terrains vagues chantés par Brel. Le KVO 2.0 commence à écrire sa petite légende.
La Flandre vraie
Lorsque Marc Coucke devient actionnaire majoritaire lors de la remontée du KVO en D1, il n’envoie pas balader la structure existante au motif de recommencer un nouveau projet à zéro. L’entraîneur Frederik Vanderbiest reste donc en place deux ans supplémentaires. Dans ses rangs, il peut compter sur un savant mélange de joueurs en prêt (la plupart du temps d’Anderlecht, tels Fede Vico, Fernando Canesin ou Jordan Lukaku) et de tauliers du championnat belge sur le déclin (Franck Berrier, pour ne citer que lui). Et la mayonnaise prend. Pour ses deux premières piges en D1, le KVO termine à chaque fois en milieu de tableau avec une balance commerciale à l’équilibre et un projet sportif séduisant qui convainc plusieurs joueurs prêtés de rester au bord de la mer du Nord avec le statut de cadre, plutôt que de retourner cirer le banc dans leur ancien club. Lorsque Vanderbiest est remplacé par l’ancien Diable rouge Yves Vanderaeghe en 2015, la recette ne change pas, ou alors si peu : Ostende continue de faire honneur à son statut d’arrière-cour d’Anderlecht en accueillant tour à tour d’anciens jeunes talents comme Gohi Bi Cyriac ou Ibrahima Conte, mais aussi l’ancien Gantois Yassine El-Ghanassy, tout en s’offrant les services de vieux baroudeurs au rabais, destinés à faire profiter les jeunes de leur expérience. David Rozenhal, Nicklas Pedersen, Joseph Akpala ou Silvio Proto peuvent en témoigner. Sous Vanderaeghe, Ostende s’installe confortablement dans le sub-top belge et joue chaque année les play-offs 1, grâce auxquels les Kustboys ont poinçonné cette année le premier ticket européen de leur histoire.
Mais, être un entrepreneur, flamand ou pas, c’est aussi faire entrer des sous dans la caisse, et cela, Marc Coucke le sait. Pas question de limiter son action à des salves de tweets drolatiques. La fièvre européenne qui promet de faire couler la bière à flot ne doit pas faire oublier les efforts accomplis depuis quatre saisons. Alors, prévoyant, le club prolonge son entraîneur juste avant la finale de Coupe de Belgique perdue cette année contre Zulte-Waregem et signe dans le même temps le retour en Belgique de l’international Nicolas Lombaerts. Ostende change de dimension. De plus, grâce à la vente d’Adam Marusic à la Lazio et de Nany Dimata à Wolfsburg, le KVO a empoché quelque dix-huit millions d’euros. Pas mal pour un club dont le budget plafonnait à 15 millions. Et puis, il y a eu le naming du stade, la construction d’une nouvelle tribune, l’augmentation de la participation de la ville dans les finances du club – autour de 325 000 euros – et un partenariat lancé avec l’équipe de basket par l’entremise d’un sponsor commun. Autant d’éléments qui confirment la dynamique positive que connaît Ostende, dont le public ne cesse de croître et dont l’image de club familial et accueillant ne faiblit pas d’un pouce.
Contre Marseille cependant, le KVO aura fort à faire. Deux Champions projects se font face, mais à ce petit jeu-là, les Kustboys sont encore en D2. S’il est inutile de croire qu’une défaite les laissera indifférents sous prétexte qu’avoir atteint l’Europe tient déjà de l’exploit, une chose est sûre : leur marge de progression est encore énorme sur tous les tableaux et il ne serait pas surprenant que le soleil brille désormais plus de 1500 heures par an au-dessus la mer du Nord.
Par Julien Duez