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Marseillais, où sont vos armes ?
En plus d’une rouste sur le terrain (4-0), André Villas-Boas a surtout perdu à Paris la bataille de la communication. Pourtant, l'entraîneur olympien aurait tort de s’enfermer dans un discours où il place le PSG sur un piédestal. À moins que ses ambitions ne se limitent à défier une AS Monaco bis en Coupe de la Ligue et s'accrocher difficilement au podium.
Le champ lexical et celui de bataille sont parfois intimement liés. La preuve dimanche dernier à Paris, aux dépens d’André Villas-Boas. Car plus que les centres brouillons de Bouna Sarr ou les interventions manquées de Hiroki Sakai, ce sont les déclarations de l’entraîneur marseillais qui ont fini de sceller la débâcle de l’OM au Parc des Princes. À commencer par celles prononcées en amont du match. « On rêve de gagner, mais c’est une équipe d’une autre ligue, dans mon opinion, bafouillait le Portugais. Tu regardes le classement après six journées, selon moi, tu as la réalité. Paris est focus sur la Ligue des champions. » Certes, ces tirades pouvaient être perçues comme une tentative de dépressurisation de l’appareil marseillais, pour faire comprendre aux joueurs comme aux supporters qu’il y a plus à gagner qu’à perdre sur un match à part.
Problème, elles ont été répétées à la sortie d’une partie qui ne pouvait alors que confirmer les craintes d’AVB. D’abord : « Nous avons perdu des places, mais nous jouons toujours le podium. On joue avec les équipes de notre ligue : Lille et Lyon. » Puis : « Thomas Tuchel peut inventer les choses qu’il veut. Avec l’effectif qu’il a, les millions qu’il y a et les milliards qu’il dépense. » Enfin : « Ce match fait partie d’un autre championnat. Rien ne m’intéresse du PSG. » Une complainte que ne fait que confirmer une chose : le choix des mots de Villas-Boas ne fait que révéler des maux bien plus profonds.
« Ouin, ouin, ouin »
À force d’insister sur la différence de moyens financiers entre les deux rivaux, comme si le résultat était couru d’avance, ses rares espoirs sportifs ont été noyés dans ce discours de perdant. « On va penser à une stratégie pour jouer, le plus important sera de garder le ballon là-bas » , avait-il par exemple affirmé en amont. Marseille a tenté de jouer, le coup tactique ne s’est pas avéré payant, tant pis. D’autres y sont arrivés : Reims, Rennes ou même Strasbourg la saison dernière ont tous poussé les Parisiens à laisser quelques plumes.
À la décharge des Olympiens, le PSG ne considérera jamais un Classique comme un match lambda. Thomas Tuchel ne disait pas autre chose : « Ce n’est pas un match comme les autres pour nos supporters et la ville de Paris. Si on a un avantage, c’est comme ça, mais on doit l’utiliser pour gagner des matchs.[…]Ce n’est pas seulement tactique ou technique, on doit aussi jouer avec le cœur et de façon agressive, car c’est super important pour nos supporters. On a montré notre respect lors des 45 premières minutes, avec quatre buts et des grandes occasions. » De son côté, Marseille a aussi respecté le PSG. Sûrement trop, préférant calfeutrer son insuffisance technique avec des excuses extra-sportives plutôt que par de l’agressivité. Et tant que des coachs se cacheront derrière cette inégalité économique pour expliquer leurs échecs, rien ne changera.
Cet argument du championnat à deux vitesses a déjà été déroulé à maintes reprises par Jean-Michel Aulas, qui parle de « dérégulation de la compétition » . Sur le fond, le constat est implacable : le PSG est plus riche que n’importe lequel de ses poursuivants. Cela prendra du temps pour arriver à le titiller durablement, comme l’a compris Dimitri Payet : « Bien sûr qu’on va mettre du temps à rivaliser avec le PSG. Ça ne va pas arriver en un ou deux ans, même si on a fait une finale de Ligue Europa. » Mais plutôt que de se poser en victime expiatoire du foot business, il faudrait plutôt considérer le PSG comme une locomotive, un club capable d’attirer des investisseurs, des grands joueurs et donc de la lumière sur ce championnat. De plus, on est toujours le pauvre de quelqu’un. Un FC Metz pourrait aussi pleurnicher d’avoir des moyens bien moins inférieurs à d’autres clubs du top 10, mais lorsqu’il bascule une saison sur deux en Ligue 2, il devient à son tour un gros morceau. Et ce n’est pas chez un club détenu par un milliardaire américain que ce misérabilisme prendra.
Mange ta soupe et tais-toi
Avec l’arrivée de Villas-Boas et le recrutement d’un Dario Benedetto, Marseille semblait avoir effectué des bonnes pioches et être sur le bon chemin. En tant que récent finaliste européen, ainsi club majeur du pays, l’OM a entre ses mains les moyens d’être autre chose que le paillasson du PSG. Si Dortmund peut le faire en Allemagne face au Bayern ou Séville au milieu d’ogres que sont le Real, le Barça et l’Atlético, pourquoi pas Marseille ? Être un outsider, oui, mais avec un peu d’amour propre !
À travers cette défaite, André Villas-Boas a finalement défini ses objectifs : faire mieux que Lyon, Monaco et Lille, des équipes qu’il estime de sa catégorie. S’il est contestable de vouloir se comparer à des équipes qui, respectivement, n’ont plus touché à un trophée depuis sept ans, alterné le très haut et le très bas, ou frôlé la relégation il y a très peu, cette entreprise de modestie forcée a ses limites. Car avec cette prise de position, l’OM n’a plus le droit à l’erreur face à de tels concurrents et que les défaites face à Reims ou Amiens relèvent alors de la faute professionnelle. Hasard du calendrier, ASM, LOSC et OL se succèdent dans le calendrier marseillais. Le moment pour Villas-Boas de joindre les actes aux paroles.
Par Mathieu Rollinger