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Marquer des buts relève-t-il de l’addiction ?

Par Théo Denmat
4 minutes
Marquer des buts relève-t-il de l’addiction ?

« Je dois l'avouer... marquer des buts, j'y suis accro. » Auteur d'un quadruplé contre l'Étoile rouge avec le Bayern, mercredi en Ligue des champions, Robert Lewandowski a fait une drôle de confession : il serait addict aux pions. Mais est-ce vraiment possible ? Parlons-en avec un addictologue.

Paraîtrait que c’est aussi le temps de cuisson d’un œuf dur à la vapeur. 14 minutes et 31 secondes, voilà le chrono suffisant à Robert Lewandowski pour se faire un casse-croûte rapide ou marquer le quadruplé le plus rapide de l’histoire de la C1 contre l’Étoile rouge de Belgrade, dépendant de l’appétit. À l’issue d’un match qui a vu mardi le Bayern Munich assurer sa première place du groupe B de Ligue des champions devant Tottenham, le Polonais a répondu à quelques questions, flashs dans les yeux, est monté dans un bus, puis dans un avion, puis est rentré chez lui et a tweeté ceci, surfant sur la douce euphorie qu’il avait lui-même créée sur le réseau :

« C’est mon fils qui m’a prévenu » , remet Amine Benyamina, psychiatre addictologue à l’hôpital universitaire Paul Brousse à Villejuif et également président de la Fédération française d’addictologie. Celui que Bernard Kouchner qualifia un jour « d’oiseau rare » est affirmatif : si l’on devait prendre Lewagoal au pied de la lettre, il serait dans le faux. Car non, « marquer des buts ne peut pas provoquer d’addiction » .

« Comme faire l’amour à la femme qu’on aime »

En revanche, un plaisir intense, c’est une certitude. La différence entre les deux ? Simple pour notre spécialiste : « Marquer un but provoque une joie qui vient stimuler le système de récompense dans le cerveau et produire de la dopamine, comme quand tu prends une bonne pâtisserie ou que tu fais l’amour à la femme que tu aimes. Être addict, c’est avoir ce système durablement perturbé. » Rien de comparable donc, tout juste pourrait-on qualifier l’attaquant polonais, auteur de 27 buts en 20 matchs depuis le début de saison, « d’appétent à la performance » , autrement dit la convoitant ardemment. « Ce qu’il dit n’est pas complètement faux, puisque l’appétence à la performance est un trait de caractère qui peut avoir un substratum biologique. Et mener, mêlé à d’autres facteurs, à la bigorexie » , soit l’addiction au sport.

À bien y regarder, la fréquence avec laquelle le buteur aligne les pions ressemble pourtant fort à une drogue dont il ne pourrait se passer. En trouvant les filets lors de chacun des onze premiers matchs de Bundesliga – un record outre-Rhin – et à chacun de ses cinq matchs de Ligue des champions, Lewandowski ne s’est en réalité abstenu qu’à trois occasions depuis le début de saison, un constat suffisant pour le faire entrer dans la futile course du « meilleur n°9 du monde » dans laquelle, contrairement à Benzema, il n’a besoin d’aucun messager pour l’y propulser favori.

Pas de risque de le voir se gratter en cas d’abstinence

Reste à guetter les signes de manque, le révélateur ultime. Pour qualifier une passion d’addiction, il faut que celle-ci, lorsqu’elle n’est pas assouvie, provoque l’apparition de plusieurs symptômes, à commencer par l’anxiété et l’irritabilité. « Si Lewandowski était réellement accro aux buts, en situation de manque, il ne tremblerait pas comme dans le cas des addictions à l’alcool ou la drogue. Mais il ressemblerait aux caricatures des joueurs d’argent présents dans les films. Avec les addictions comportementales, tout se joue dans la tête, pas dans le corps. » Pas de risque de le voir se gratter en cas d’abstinence, donc, alors que l’on pourrait même imaginer qu’une forte appétence à la performance tirerait ses performances vers le haut, par peur du manque.

« Robert est actuellement dans une telle forme… Il est professionnel et travaille très dur. Il récolte les fruits de son travail aujourd’hui. C’est vraiment un joueur important pour nous » , déclarait sobrement son entraîneur Hans-Dieter Flick à l’issue du match. Avec ce quadruplé, l’attaquant est devenu le cinquième meilleur buteur de l’histoire de la C1, dépassant Van Nistelrooy avec 63 buts, à une unité de Karim Benzema. « Il ira bien tant qu’il pourra régulièrement apporter à son corps le produit qui lui provoque du plaisir, ajoute Amine Benyamina. D’autant que ça ne lui provoque aucun dommage physique. Finalement, on ne pourrait déceler une réelle addiction que s’il se blesse, s’il se fracture le ménisque, par exemple. » Ne reste qu’à lui souhaiter une saison sans accroc.

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