Maroc : Vahid Halilhodžić en danger ?

Vahid Halilhodžić a beau avoir le cuir épais et assurer à des médias serbes dans la foulée des propos de son employeur être plutôt serein, le sélectionneur bosnien du Maroc ne pourra faire croire à personne que ce qu’il a lu n’a pas ravivé de douloureux souvenirs. Fouzi Lekjaa, le président de la FRMF, a en effet déclaré lors d’une interview organisée par Soccer 212 que « la sélection nationale doit disposer le Jour J de la meilleure structure technique possible pour relever les défis ». « Rien n’est figé. On ne peut pas dire que Vahid soit intouchable et indispensable, tout comme Fouzi Lekjaa, considère celui qui parle de lui à la troisième personne. Une décision sera prise le moment venu. » Moins de deux semaines après la qualification pour la Coupe du monde face à la République démocratique du Congo (4-1 le 29 mars, 1-1 à l’aller), ces quelques phrases sont venues rappeler à l’ancien entraîneur du Paris Saint-Germain la précarité du sort d’un sélectionneur, même quand celui-ci a rempli ses missions.

Les précédents ivoirien et japonais

L’histoire est impitoyable pour Halilhodžić, un homme qui a qualifié quatre sélections différentes pour une Coupe du monde. En 2010, Jacques Anouma, le président de la Fédération ivoirienne de football (FIF) l’avait viré par fax, sur décision de Laurent Gbagbo, le chef de l’État, trois mois avant le début de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Huit ans plus tard, celui qui avait emmené l’Algérie en huitièmes de finale du Mondial brésilien en 2014 (1-2 face à l’Allemagne) avait été remercié par le Japon. « Pour la Côte d’Ivoire, cela intervenait après une CAN jugée décevante, et sur injonction du pouvoir (élimination en quarts de finale, NDLR). Au Japon, c’était davantage lié aux méthodes de Vahid. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que c’est un homme très exigeant, qui travaille beaucoup, et que cela peut finir par lasser ou contrarier ceux qui collaborent avec lui, que ce soit les joueurs, les membres du staff technique ou de la fédération. Et pourtant, au Japon, niveau discipline, ils sont rodés, résume un entraîneur qui le connaît bien. En ce qui concerne le Maroc, je pense que cela est aussi le cas, au moins partiellement. »

Officiellement, les relations entre Lekjaa et Halilhodžić sont bonnes. Ce dernier, nommé en juillet 2019, touche un salaire élevé (autour de 100 000 euros par mois, hors primes et avantages), et son contrat court jusqu’en juillet 2023. Mais si ces deux hommes aux très fortes personnalités s’entendent effectivement plutôt bien, le boss du football marocain n’est pas sourd aux bruits venant de la rue, des tribunes et à l’avis des journalistes. « Il y a plusieurs choses : pas mal de gens ici estiment que le jeu produit manque de panache, tout en reconnaissant que les résultats sont positifs. Il y a bien sûr les cas de Hakim Ziyech et de Noussair Mazraoui, deux joueurs, surtout le premier, que les supporters réclament. Et comme les relations de Vahid avec une grande partie de la presse locale sont tendues, car il n’a pas sa langue dans sa poche tout en n’accordant quasiment aucune interview, certains médias n’hésitent pas à le critiquer à la moindre occasion », intervient le journaliste Nassim El Kerf. Le management interne du Bosnien ? « Un cadre a été instauré. Il y a de la rigueur, de l’exigence, mais les joueurs adhèrent, car ils savent que c’est pour le bien de l’équipe. Et puis, la sélection, c’est dix jours quatre ou cinq fois par an », glisse un proche du staff technique.

Ziyech et Mazraoui, un dossier toujours sensible

Les cas de Ziyech et Mazraoui sont régulièrement avancés pour expliquer les récentes déclarations de Lekjaa, qui a entendu les supporters des Lions de l’Atlas réclamer, en présence de Vahid, le retour des deux néerlandophones, lors de matchs à Rabat et Casablanca. Le milieu de terrain offensif de Chelsea et le défenseur de l’Ajax Amsterdam sont en froid avec Halilhodžić depuis le mois de juin dernier et ils n’ont participé ni à la CAN au Cameroun, ni aux deux matchs face à la RDC, alors qu’ils avaient été présélectionnés pour affronter les Léopards. Les deux joueurs ont refusé de rejoindre la sélection, allument au passage Lekjaa et Halilhodžić, une décision qui n’aurait pas affecté outre mesure le Bosnien. « Ziyech a eu des problèmes avec Hervé Renard, ce n’est pas un cas facile à gérer dans un vestiaire, et il s’est rarement montré décisif en équipe nationale. Halilhodžić travaille avec un groupe qui semble plutôt bien fonctionner, et je pense qu’il n’a pas trop envie de changer certaines choses », intervient un ancien international. Mustapha El Haddoui, l’ex-milieu de terrain des Lions de l’Atlas, milite pour un retour des deux joueurs et prône « le dialogue entre le président, le coach, Ziyech et Mazraoui, dans l’intérêt supérieur de l’équipe, qui doit être la plus forte possible pour disputer la Coupe du monde. Il faut trouver un moyen de réunir tout le monde. »

Dans l’entourage plus ou moins proche de l’ancien buteur de Velez Mostar et du FC Nantes, la sortie médiatique de Fouzi Lekjaa n’a pas, du moins officiellement, provoqué une incommensurable inquiétude. Pas plus que les noms qui circulent – Walid Regragui, l’actuel entraîneur du WAC Casablanca ou encore Laurent Blanc – pour le remplacer au cas où la FRMF devait décider d’en rester là. Et les rumeurs, plus ou moins fondées, continueront à circuler tant que le président de la fédération n’aura pas clairement tranché. Et cessé de jouer avec les nerfs de ce bon vieux Vahid.