Maroc : Roger Lemerre viré !

« Gigi m’a tuer » … Voilà sans doute ce que les héritiers de Roger Lemerre découvriront dans 50 ans quand ils tomberont sur les carnets secrets de leur glorieux ancêtre. Le 28 mars dernier, en s’inclinant à domicile 2-1 contre le Gabon coaché par Alain Giresse, à Casablanca, pour le premier match des éliminatoires du Mondial 2010, on a tout de suite compris que les Lions de l’Atlas finiraient au zoo et que Roger aurait prochainement beaucoup de temps disponible. Mais, non ! On déconne… Mais juste un petit peu. Parce que dans ce Groupe A, il y a aussi le redoutable Cameroun, ultra favori, malgré son départ poussif. Tout faux pas était interdit aux hommes de Roger Lemerre, obligés de faire carton plein contre le Gabon et le Togo. Or après la défaite contre les Panthères gabonaises, le Maroc a fait un 0-0 fatal le 20 juin dernier, toujours à domicile, à Rabat, contre le Togo. Malgré un nul méritoire 0-0 au Cameroun deux semaines avant, le total marocain était de 2 points en trois matchs, avec une troisième place très virtuelle aujourd’hui. Parce qu’en fait, le Cameroun, quatrième, a un match en moins. En spéculant sur une victoire camerounaise dans son match en retard au Gabon, le Maroc sera dernier des sa poule. Déjà quasi éliminé du Mondial 2010, le Royaume Chérifien serait donc aussi éjecté de la CAN 2010, puisque seuls seront qualifiés les trois premiers des 5 groupes éliminatoires de la Zone Afrique. C’est cette perspective qui a sans aucun doute poussé la Fédé marocaine à limoger Roger…

Rivalités entre voisins

La perspective de jouer le Mondial sud-africain était jouable mais ténue. Mais rater la CAN, c’était plus fâcheux. Le Maroc s’est régulièrement qualifié pour cette compétition continentale depuis 1998 (finaliste en 2004), et une absence éventuelle en 2010 marquerait un coup d’arrêt dans sa continuité. Il faut dire que médiatiquement et sportivement, la CAN est devenue une compète importante, vitrine de luxe d’un football africain en progrès constants. Roger Lemerre paye donc aujourd’hui ce qu’on peut évaluer pour l’instant comme un double échec (Mondial et CAN). Mais il paye aussi ses relations houleuses avec la presse marocaine, entretenant avec elle des rapports hyper tendus. Quand on se rappelle les points presse musclés de Roger à la tête des Bleus, on devine que dans un pays où le foot est roi, un manque de diplomatie et des résultats décevants ont concouru à rendre la position du sélectionneur délicate. A chaque prestation des Lions de l’Atlas, Roger Lemerre était constamment hué par les supporters marocains. Une situation intenable, donc, qui a abouti à son licenciement jeudi. Voilà pour les motifs « officiels et objectifs » .

Une autre explication, moins importante mais pas infondée, c’est l’état actuel des petites rivalités maghrébines : le Maroc est quasi éliminé du Mondial alors que les frères ennemis, Algérie et Tunisie, sont en tête de leur groupe. Le voisin algérien disposant même d’une sérieuse option de qualification, au détriment du numéro 1 continental, l’Egypte… Roger Lemerre le savait sûrement.

Pas de circonstances atténuantes

Alors, exit Roger. Son bail n’aura duré qu’un an. Il n’aura pas pu s’inscrire dans la durée, comme avec la Tunisie où il est resté 6 ans (2002-2008). Six années où il a effectué un très bon travail de fond autour des sélections nationales, les A et les équipes de jeunes. Un bilan plus que respectable : une qualification pour le Mondial 2006, et trois participations consécutives pour les CAN 2004 (vainqueur), 2006 et 2008 (quarts de finale pour les deux). Avec les Lions de l’Atlas, Roger Lemerre n’aura même pas bénéficié de circonstances atténuantes, notamment l’indisponibilité de son atout offensif numéro 1, Marouane Chamakh, forfait pour les deux matchs cruciaux au Cameroun et contre le Togo… Vu la compétence du bonhomme, la Fédé marocaine a peut-être agi dans la précipitation. Le Maroc aurait pu quand même finir à la 3ème place de sa poule et disputer la CAN 2010. La Fédé s’est privée d’un bâtisseur au long terme, un homme méthodique qui sait poser les bases d’une stabilité indispensable, ce qui manque le plus aux sélections africaines. Un limogeage aussi brutal au bout d’un an seulement n’est sans doute pas fait pour faire progresser le foot national marocain.

D’ailleurs, les dirigeants marocains n’ont pas expressément prévu de plan B : actuellement, le poste de sélectionneur est vacant. Même s’il y a de grandes chances que le coach marocain Badou Zaki soit bientôt désigné comme successeur. Ancien gardien de l’équipe du Maroc et actuel entraîneur du Wydad Casablanca (4e du Championnat cette saison et finaliste de la Ligue des champions arabes), il avait déjà été sélectionneur du Maroc (de 2002 à 2005), finaliste malheureux de la CAN 2004 contre la Tunisie… de Lemerre. Plébiscité par le public marocain, il devrait effectuer son grand retour. A moins que la Fédé n’opte pour un autre « sorcier blanc » , un de ces coachs européens habituels qui essaiment sur le continent. En tous cas, pas Henri Michel, libre depuis son limogeage en mars dernier du club sud-africain des Mamelodi Sundowns, et ex-sélectionneur du Maroc 1995-2000 et surtout en 2007-08. 2007-2008 : un an seulement, lui aussi… Le Maroc a connu 9 sélectionneurs depuis 2000. Avec le successeur de Lemerre, ça fera 10 coachs en 10 ans. Stabilité, dîtes-vous ?