- Mondial 2022
- Gr. F
- Canada-Maroc (1-2)
Maroc, le feu et la glace
Dans l’excès de prudence face à la Croatie, flamboyants et audacieux contre la Belgique, les joueurs du Royaume chérifien ont brillé dans le premier acte face au Canada, avant de gérer leur avantage, avec une maîtrise inégale (2-1). Un art de souffler le chaud et le froid qui porte la marque de leur pragmatique entraîneur, Walid Regragui. Un coach nommé en août dernier, qui n’a eu besoin que de quelques mois pour emmener les siens en huitièmes de finale du Mondial. Une première pour le Maroc, depuis 1986.
Footballistiquement, il paraît que Walid Regragui n’est pas exactement un homme de principes. L’actuel entraîneur du Maroc, nommé en août dernier en replacement de Vahid Halilhodžić, se dit à la fois fan de Pep Guardiola, Diego Simeone et Carlo Ancelotti. On l’aura également vu se déclarer inspiré par Rudi Garcia, l’homme qui l’avait découvert au début de sa carrière de joueur, débutée à l’AS Corbeil-Essonnes. Un pot-pourri d’influences légèrement étrange, mais qui trace les contours d’un coach flexible, pas embêté par l’idée de changer d’idée en cours de route. Le Mondial du Maroc – qualifié pour les huitièmes de finale après sa victoire face au Canada – en est de fait une illustration assez édifiante.
Changer pour exister
Privé de possession face à la supériorité technique évidente du milieu croate en début de tournoi, les Marocains ont livré un premier match tactique, désespérément rasoir, mais plutôt malin, au regard des qualités de leur adversaire. Une rencontre où leur bastonneur en chef, Sofyan Amrabat, aura fait la loi et l’ordre au milieu, coupant les transmissions adverses et soulageant une charnière Aguerd-Saïss pas loin d’être irréprochable tout au long de ce premier tour. Face à une Belgique à cran défensivement, Regragui et ses hommes ont ensuite pu faire valoir les aspects plus séduisants et créatifs de leur jeu. Moins rigide tactiquement qu’Halilhodžić – qui prônait souvent le béton à tout prix -, le technicien marocain a laissé ses joueurs se projeter devant, à l’image de ses latéraux, Mazraoui et Hakimi, libérés dans leurs couloirs respectifs. Il aura aussi refait d’Hakim Ziyech – exclus sous Halilhodžić de la sélection – un joueur déterminant en équipe nationale. L’ailier marocain aura livré une copie enthousiasmante face aux Diables rouges, défaits autoritairement deux pions à rien.
« Il n’a pas de style Regragui… Juste de l’adaptabilité et du pragmatisme »
Une victoire à moitié surprenante, alors que la génération dorée belge – en fin de course – faisait face à l’un des meilleurs onze de l’histoire des Lions de l’Atlas. Une équipe type à laquelle se greffent des remplaçants que Regragui aura aussi su faire briller. On peut citer les entrées remarquées du milieu polyvalent Selim Amallah contre la Belgique puis le Canada, la passe décisive pour Romain Saïss d’Abdelhamid Sabiri face aux Diables rouges, puis le but du 2-0 inscrit par Zakaria Aboukhlal, face à ces même Belges. L’ultime rencontre des Marocains dans ce groupe F ultra homogène aura enfin fait la synthèse de leur idée de jeu, adaptable à souhait. D’abord audacieux et brillants offensivement dans le premier acte, les gars en rouge ont reculé ensuite sur leurs bases arrière, avec un succès mitigé. Pas ridicules défensivement, ils auront néanmoins subi avec une maîtrise relative les estocades d’un Canada qui aura touché la barre, à la suite d’une tête impérieuse d’Hutchinson. Qu’importe, le Maroc finit premier de sa poule, et fonce en huitièmes de finale de Coupe du monde, pour la première fois depuis 36 ans. « Il n’a pas de style Regragui à proprement parler. Juste de l’adaptabilité et du pragmatisme », avait expliqué à So Foot avant le Mondial Yassine El Yattioui, un spécialiste du football marocain. Reste à voir si le Royaume chérifien saura continuer de muter pour survivre, afin de poursuivre son joli bout de chemin qatarien.
Par Adrien Candau