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Maroc-Espagne : Yassine Bounou, un Lion aux gants d’or
En détournant deux des trois tirs au but espagnols, Yassine Bounou est devenu le héros de l'exploit marocain face à l'Espagne en huitièmes de finale. Le jour de gloire mérité d'un des gardiens les plus sous-cotés du moment.
Pour la deuxième fois en un quart d’heure, les Marocains font la ronde, debout, sur la pelouse du stade d’Education City. Mais cette fois, ils sautent, chantent, dansent. Les Lions de l’Atlas exultent après avoir achevé la Roja aux tirs au but. Le Maroc devient le premier pays maghrébin à rejoindre les quarts de finale de la Coupe du monde, le quatrième représentant africain à ce niveau. Quelques minutes plus tôt, ils étaient au même endroit, dans la même position, à écouter sagement les mots distillés par le coach Walid Regragui. Cette fois, c’est Yassine Bounou qui se trouve au milieu du cercle. En larmes. Le gardien marocain sait qu’il vient d’entrer dans l’histoire de la Coupe du monde, en repoussant deux des trois tirs au but espagnols.
« On a un des meilleurs gardiens au monde »
« On a un des meilleurs gardiens au monde qui pouvaient nous faire gagner aux tirs au but », résumait après la rencontre Walid Regragui, au micro de beIN Sports. Et difficile de lui donner tort à l’issue de la séance victorieuse pour les Lions de l’Atlas, même si le coach a tenu à nuancer : « Aux tirs au but, il faut un peu de chance. On le sait. » Évidemment. Mais quand un gardien détourne deux tentatives sur trois, ce n’est plus de la chance. D’autant que sur celle de Sarabia, repoussée par le poteau, Bounou semblait aussi sur la trajectoire… Quoi qu’il en soit, le gardien marocain a écœuré Carlos Soler et Sergio Busquets, un homme qui pèse tout de même 143 sélections, et qui n’avait pas l’air inquiet au moment de s’élancer. Mais qui a lui aussi failli face à Bounou et sa gestuelle désarticulée sur la ligne, pour simuler le plongeon d’un côté avant de s’envoler de l’autre, renversant ainsi la hiérarchie au moment de choisir un côté.
Infranchissable lors de la loterie des tirs au but, Yassine Bounou l’a été toute la soirée face à une Espagne muselée, sans inspiration, tenue à distance par la défense marocaine incroyable d’envie et de solidité. Et ce, alors que plusieurs des Lions de l’Atlas ont joué blessés, a confié le sélectionneur. Yassine Bounou a dû attendre la 55e minute pour s’employer sur un pétard d’Olmo, puis sur une nouvelle tentative de l’Espagnol dans le temps additionnel. Il a ensuite vu le poteau repousser une volée de Sarabia, après lui avoir bien fermé l’angle au premier poteau. Deux arrêts, un poteau : Yassine Bounou était sans doute frustré d’avoir eu aussi peu de cartouches à négocier. Alors il a décidé d’entrer dans la légende.
Installé par coach Vahid
Pourtant, le scénario n’était pas écrit. « On n’a pas joué les tirs au but, parce qu’on a eu des occasions », s’est défendu Regragui, avant d’enlacer son gardien devant les caméras, et de profiter du moment : « C’est historique pour le Maroc, pour l’Afrique. On est venu pour représenter l’Afrique. Sur le plan tactique, on a été énormes. On n’a rien laissé aux Espagnols. » Pas même des tirs au but, donc. Pas un seul. La Roja était pourtant prévenue, puisque se dressait face à elle le meilleur gardien de la saison écoulée en Liga, qui écume les pelouses espagnoles depuis dix ans (Atlético de Madrid, Real Saragosse, Gérone, FC Séville).
Installé dans les cages du Maroc par Vahid Halilhodžić en 2019, le Canadien de naissance est depuis devenu un cadre de la sélection à 31 ans, et avec 48 capes au compteur. Après avoir disparu entre les hymnes et le coup d’envoi du match de poules face à la Belgique, et subi un sérieux K-O au tour précédent face à la Croatie, « Bono » a marqué cette édition 2022 de son sceau. Et de ses sauts. De quoi rejoindre ses idoles Buffon et Van der Sar au panthéon des héros gantés de la Coupe du monde. Et ajouter un exploit de plus à son palmarès, après avoir déjà signé 32 matchs sans encaisser de but en 2021, été le premier gardien sévillan à marquer dans le jeu, ou encore celui avec le plus de passes décisives au XXIe siècle en Liga. Preuve que s’il a brillé lors de cette séance de tirs au but, Yassine Bounou sait finalement tout faire.
Par Adrien Hémard-Dohain