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Marlos, big bisous
Ce mercredi soir, le Shakhtar Donetsk devra encore compter sur sa colonie brésilienne pour affronter l'AS Roma. Et surtout sur Marlos, récemment naturalisé ukrainien.
Le 19 juillet 2014, l’Olympique lyonnais désosse le Shakhtar Donetsk à Annecy en match amical (4-1). Les buteurs ? Alexandre Lacazette, Nabil Fekir, Yassine Benzia et même Gaël Danic. Quelques heures après la rencontre, six joueurs du Shakhtar dont cinq brésiliens – Alex Teixeira, Fred, Ismaily, Douglas Costa et Dentinho – refusent de prendre l’avion du retour et s’évaporent dans la nature. Il faut dire que, depuis quelques semaines, la crise ukrainienne effraie tout le monde. La région de Donetsk est régulièrement le théâtre d’affrontements, et la ville de l’est de l’Ukraine est même devenue un bastion des séparatistes pro-russes qui s’opposent au gouvernement ukrainien. Un contexte qui a obligé le club à déménager à Kiev, la capitale située à près de 500 kilomètres de Donetsk.
Et, au milieu de tout ça, il y a Marlos. L’ailier brésilien a signé au club à peine quinze jours plus tôt et voit tous ses compatriotes qui se font la malle. Mais il en faut beaucoup plus pour l’effrayer, notamment parce qu’il joue à Kharkiv depuis deux ans, un club ukrainien situé encore plus près de la frontière russe. Lui compte bien rester et s’imposer au Shakhtar. Le temps lui donnera raison. D’abord, parce qu’il marque trois jours plus tard contre le Dynamo Kiev et offre la victoire aux siens en Supercoupe d’Ukraine. Ensuite, parce que la majorité de ses coéquipiers reviendra finalement au club. Et enfin, parce qu’aujourd’hui, il est le héros du club de Donetsk.
Leader technique du Shakhtar
Marlos pose ses valises en Ukraine à 22 ans, au Metalist Kharkiv, en provenance de São Paulo. Deux saisons, onze buts et dix-sept passes décisives suffisent à décider Mircea Lucescu à le recruter dans le meilleur club du pays, au Shakhtar. « Lucescu a développé de nouvelles qualités en moi. Nous avons joué des compétitions européennes, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à mieux comprendre le football européen » , déclarait-il l’année dernière à la presse ukrainienne. Lors de sa première saison, Marlos gagne petit à petit sa place de titulaire en dépannant soit à gauche, soit à droite de l’attaque de Donetsk. Mais c’est lors de la deuxième saison, en 2015-2016, que Marlos prend une autre dimension. Lucescu lui confie alors la responsabilité de remplacer Douglas Costa, parti au Bayern Munich, sur l’aile droite. Contrat largement rempli, puisque avec douze buts et quinze passes décisives toutes compétitions confondues, ses statistiques surpassent même celles De Douglas Costa.
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— ⚒FC SHAKHTAR DONETSK (@FCShakhtar) 29 septembre 2017
Alors, forcément, à l’été 2016, les grosses écuries européennes commencent à se pencher sur son cas, notamment l’Inter. « Le niveau du championnat ukrainien a chuté. Je ne peux pas dire le contraire. Cet été, j’ai reçu une offre officielle de l’Inter, et franchement, j’y ai pensé. C’est un super club avec des supers joueurs, et Milan est une belle ville. À ce moment, j’ai commencé à me dire qu’il fallait quitter le Shakhtar. Mais finalement, j’ai décidé de rester » , expliquait-il à l’époque. Peut-être parce qu’au même moment, Paulo Fonseca débarque sur le banc et lui assure qu’il en fera sa star. « La confiance est très importante pour moi et Fonseca me fait énormément confiance. Ça me plaît. » Les statistiques de Marlos ont baissé la saison dernière, mais sa carrière a depuis pris un tout autre tournant. Pour une raison simple : le bonhomme a décidé d’adopter la nationalité ukrainienne.
Naturalisé ukrainien
En septembre 2017, le président de l’Ukraine, Petro Poroshenko, signe un décret octroyant la citoyenneté ukrainienne au joueur brésilien. Trois jours plus tard, il est sélectionné avec la sélection nationale pour les deux derniers matchs des éliminatoires pour la Coupe du monde contre le Kosovo et la Croatie. Pas du goût de tout le monde. Artem Fedetsky, international ukrainien, prend position contre : « Marlos est l’un des meilleurs joueurs du championnat ukrainien, c’est sûr. Mais là, nous parlons de l’équipe nationale et seuls les gars avec une âme et un cœur ukrainien devraient jouer dans l’équipe. Taison avait dit qu’il voulait jouer pour l’Ukraine et dès que le Brésil s’est pointé, il a immédiatement dit qu’il voulait jouer pour le Brésil, pour son équipe. » Tant pis, Marlos devient quand même le deuxième Brésilien naturalisé à jouer pour l’Ukraine depuis Edmar.
Deux victoires et l’Ukraine est assurée d’être barragiste. Malheureusement, les Ukrainiens perdent à domicile face à la Croatie (0-2), terminent troisièmes, et Marlos est incapable de faire la différence. Il n’y aura pas de Coupe du monde. Peu importe si sa naturalisation ne fait pas l’unanimité, Marlos continue de s’éclater en Ukraine, avec treize buts et neuf passes décisives cette saison. « Maintenant, je me sens totalement comme un vrai habitant d’ici. J’aime l’Ukraine. Même ma mère me dit que je suis de plus en plus ukrainien. Je suis très heureux de continuer l’histoire que j’écris en Ukraine. » Heureusement pour le Shakhtar que Marlos s’est présenté à l’avion pour repartir d’Annecy, il y a maintenant presque quatre ans. En plus, maintenant qu’il est ukrainien, cela laisse une place supplémentaire dans l’effectif pour recruter un nouveau Brésilien. Sûrement une coïncidence.
Par Kevin Charnay