Mário Americo Netto, l’homme qui soignait Pelé

Avant de devenir une icône intemporelle, Pelé était une promesse du football brésilien. Une blessure à l’aube de la Coupe du monde 1958, contre le Corinthians (5-0) en match amical, lui a pourtant fait craindre un forfait qui aurait pu changer le cours de l’histoire. S’il ne doit sa réussite sportive qu’à lui-même, son rétablissement est assuré par Mário Americo Netto, le masseur de la sélection brésilienne. « Vous pouvez être rassuré, le garçon sera rétabli », assure Americo à Vicente Feola, le sélectionneur de l’époque. « À coups de serviettes chaudes et de psychologie », l’état physique du prodige n’a fait que s’améliorer et « une relation père-fils est née », raconte Mário Americo Junior, petit-fils de, mémoire de son grand-père. Dès lors, « Pelé a toujours écouté ce que disait Mário sans jamais le contredire ».

Mécanicien, batteur puis boxeur

Pelé et Mário Americo Netto ont une histoire de vie inextricablement liée : tous deux viennent de l’État du Minas Gerais, au nord de la région Sudeste, tous deux ont ciré des souliers de notables à l’adolescence. L’un est le footballeur le plus connu de l’histoire, l’autre, l’une des figures de l’ombre qui a œuvré à l’âge d’or du football brésilien. Si l’histoire du Roi a été maintes fois contée, celle du « Tio Mário » est davantage méconnue. Lui aussi triple champion du monde, il est le seul Brésilien à avoir disputé sept mondiaux consécutifs. Avec 24 années dans la lumière de la Seleção de 1950 à 1974, Mário Americo Netto est un personnage incontournable du football auriverde. Pourtant, à l’instar des artistes dont il prend soin, ces origines sont modestes. Orphelin, il quitte sa province de naissance pour São Paulo à l’âge de 8 ans et enchaîne les boulots de fortune. Mécanicien, batteur puis boxeur, Mário Americo vit de ses mains et compte bien s’exporter dans un sport destiné aux plus habiles de leurs pieds.

En 1958, Pelé, en rééducation, ne dispute pas les deux premiers matchs face à l’Autriche et l’Angleterre. « Contre l’URSS, lors du troisième match, il débordait d’émotions », raconte le petit-fils qui garde un lot d’anecdotes sur son grand-père, Pelé et la Seleção, que l’on retrouve en partie dans la biographie du masseur Memorias de Mário Americo, O Massagista dos Reis d’Henrique Matteucci.

Le somnambulisme de Pelé

Si le Mondial en Suède a été frappé du sceau de Pelé, celui de 1962 consacre Mané Garrincha. Le numéro 10 brésilien se blesse après un tir contre la Tchécoslovaquie. Malgré « la glace, l’eau chaude et les médicaments du Dr Hamilton Goslin », détaille Mário Junior, le Roi ne peut revenir à la compétition et joue un rôle mineur dans son deuxième sacre mondial. Pourtant l’amitié entre Americo et Pelé se renforce. Camarade de chambre, Mário Americo est surpris de voir Pelé déambuler en pleine nuit. Le quinquagénaire à l’époque aurait été le premier à découvrir le somnambulisme de la star auriverde qui reviendra en 1966 avec l’intention de marquer l’histoire de la Coupe du monde. En Angleterre, blessé par la rugosité des Bulgares et des Portugais, Pelé est lassé du traitement que lui réservent ses adversaires et songe à ne plus jamais disputer de Mondial. « Il a beaucoup pleuré, mais mon grand-père l’a convaincu de faire son retour en 1970, en lui affirmant combien sa présence serait importante », affirme Americo Junior. Quatre ans plus tard, Pelé répond présent sous les ordres de Mário Zagallo et mène l’une des plus grandes équipes de l’histoire des Coupes du monde. O Rei dispute son dernier match avec la Seleção le 18 juillet 1971 sous l’ovation d’un peuple qui le prie de continuer. Dans les vestiaires après le match, pas besoin d’ouvrir les yeux et de tendre l’oreille pour percevoir « les larmes et les cris d’un homme qui a fait son devoir pour le football ».

Le conteur d’anecdotes n’avait que 3 ans lorsque son grand-père est décédé en 1990. Sa grand-mère Yara Américo lui a légué son histoire à travers les photos et les objets qu’il ramenait de ses voyages avec l’équipe nationale. Ces reliques lui ont notamment permis d’organiser une exposition au musée du football de São Paulo pendant la Coupe du monde 2014 au Brésil. Une manière de mettre à l’honneur sa jeunesse, sa carrière et aussi son après-carrière où il a fait de brefs passages en politique et au cinéma. Et là encore, Pelé intervient. Un chèque gracieusement signé par le Roi pour accélérer la construction d’un hôpital à Imirim, quartier de São Paulo où la famille Americo est implantée.

Aujourd’hui au stade Urbano-Caldeira de Santos pour honorer la dépouille du roi, Mário Junior se rappelle qu’il a eu le privilège de rencontrer Pelé dans la même ville, il y a près de 20 ans. C’était au lancement du documentaire Pelé Eterno qui retrace la vie de la légende brésilienne. Depuis, le petit-fils est devenu physiothérapeute comme son grand-père. Ses études, il les doit à Pelé qui les a financées intégralement. « Le meilleur cadeau que j’ai jamais reçu de ma vie », s’émeut-il, empli de gratitude.