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Marcus Thuram, l’heure du (c)rachat
Vingt-deux Bleus sont attendus à Clairefontaine ce mercredi après-midi en vue de l’Euro, en attendant les finalistes européens Pogba, Kanté, Giroud et Zouma. Tous les yeux seront forcément rivés vers Karim Benzema. Mais parmi les autres surprises, il y aura aussi le retour de Marcus Thuram. Un jeune homme à qui il faut évidemment pardonner le seul écart, un crachat envoyé dans le visage d'un adversaire en Bundesliga cette saison.
Le moment est venu, celui du retour de la montée des marches le long du buisson le plus connu de France : on ne parle évidemment pas du Palais des Festivals de Cannes, mais de celui des Bleus à Clairefontaine. Ce mercredi 26 mai marque le début de la préparation pour l’Euro pour la bandé à Dédé, et donc l’arrivée au compte-gouttes des étoiles tricolores. Évidemment, tous les objectifs seront braqués sur Karim Benzema, de retour après sa traversée du désert en équipe de France de plus de cinq ans. Les regards se tourneront aussi vers Jules Koundé, l’étoile montante de Séville. Mais personne ou presque ne s’attardera sur la troisième et dernière fantaisie du casting : Marcus Thuram. Une apparition inattendue après ses premières figurations chez les Bleus en novembre, mais loin d’être illogique.
De héros à zéro, puis re-héros
Au moment de révéler les 26 blases qui l’accompagneront à l’Euro, Didier Deschamps a terminé sa liste par ce nom, Marcus Thuram, alors que la France entière ne l’écoutait déjà plus, après avoir chaviré dans l’allégresse du retour du roi Karim Benzema. Ordre alphabétique toujours, le fils de Lilian Thuram a aussi été le dernier à apparaître dans le clip de la FFF sur la masterclass de Youssoupha. Son visage a d’ailleurs été dessiné sur la désormais mythique lucarne d’Evry, sans que l’on comprenne pourquoi, mais passons. Le plus important, c’est que Marcus Thuram sera bien du rendez-vous de l’Euro 2021 du haut de ses 23 ans et 3 sélections. Un choix qui peut étonner. Mais qui ne devrait pas.
Écris mon nom en Bleu,Crie mon nom en Bleu !#FiersdetreBleus pic.twitter.com/KErYY40a6j
— Équipe de France (@equipedefrance) May 19, 2021
Bien sûr, l’ancien Guingampais doit sa convocation aux pépins physiques d’Anthony Martial, Didier Deschamps ne s’en étant d’ailleurs pas véritablement caché à l’annonce de sa liste. Mais il la doit aussi – et surtout – à sa saison aboutie à Mönchengladbach, malgré les remous. Avec 11 buts et 12 passes décisives en 40 matchs toutes compétitions confondues, l’ailier a été l’une des rares valeurs sûres d’un Borussia Mönchengladbach décevant après un début de saison pourtant très sexy. Que ce soit avec son doublé contre le Real Madrid ou ses 4 passes décisives en poules, Thuram a grandement contribué au retour historique des Fohlen en huitièmes de finale de C1. Ce qui lui a d’ailleurs ouvert les portes de Clairefontaine en novembre dernier. Résultat : trois sélections, une passe décisive pour Giroud et une percée à l’origine du but de Pavard contre la Suède. Pas si mal.
Sauf que tout a déraillé le 19 décembre pour Marcus Thuram, à l’occasion d’un match de Bundesliga contre Hoffenheim. À la 76e minute, le bonhomme s’accroche avec le défenseur allemand Stefan Posch, avant de lui cracher au visage. Un geste déjà pas bien malin en temps normal, mais encore moins en pleine pandémie mondiale. La sanction tombe : 5 matchs de suspension, et 40 000 euros d’amende à payer à la fédé allemande, en plus des 150 000 infligés par le club. Surtout : le tribunal médiatique d’outre-Rhin s’enclenche, et crache à son tour à la gueule du Français dont l’image restait jusqu’ici celle d’un joueur aussi discret qu’intelligent. « J’ai réagi de la mauvaise manière », reconnaît, lucide, le Français, parlant d’un geste « non intentionnel », avant de développer au micro de Téléfoot en mars : « J’ai retenu la leçon, les gens qui me connaissent au quotidien savent que ce n’est pas le garçon que je suis. Je suis souriant, joyeux, et franchement quand je vois ces images, je ne me reconnais pas. J’ai pris ce qu’il fallait prendre, j’ai compris que c’était une erreur, et j’ai assumé. »
L’Euro, il connaît déjà
Un mea culpa entendu par Didier Deschamps, décidément enclin à pardonner ces dernières semaines. « Pourquoi j’ai appelé Thuram ? De par ce qu’il a fait avec nous quand il est venu. Lui aussi a eu un moment un peu désagréable. Il a le droit à l’erreur, lui aussi. Je sais que je peux compter sur lui », a apaisé le sélectionneur à l’annonce de sa liste avant de recentrer les débats sur ce qui compte, le terrain : « Il a des statistiques qui sont très intéressantes. C’est quelqu’un qui est impliqué, qui a un très bon état d’esprit. » Ajoutez à cela une fin de saison en trombe avec 3 buts et 4 passes décisives en 5 matchs fin avril, et le retour de Thuram n’est plus si surprenant que cela.
En l’absence d’Anthony Martial, le joueur formé à Sochaux est de toute façon le seul joueur rapide, percutant, susceptible d’avaler la profondeur et capable de jouer ailier gauche ou en pointe, en dehors du trésor national de Bondy. Convoquer Thuram, c’est donc s’assurer une roue de secours, au cas où, complémentaire des autres profils d’ailiers (Lemar, Dembélé, Coman) ou de numéro 9 (Ben Yedder, Giroud), derrière les titulaires indiscutables. Sans parler de l’atout fraîcheur de la jeunesse. D’autant que « plus les matchs sont de haut niveau, plus il aime », rappelait Deschamps après le match contre la Suède. Cela peut effectivement servir lors d’un Euro. Et puis, malgré ses 23 piges, Thuram sait déjà gagner. Sans tomber dans le cliché du « il a ça dans le sang » , il a déjà su jouer un rôle clé dans l’épopée victorieuse de Sochaux en Gambardella en 2015, ou en 2016 dans celle des U19 Français lors de… l’Euro. CQFD.
Par Adrien Hémard