- International
- France
Marcus Thuram, attention à l’explosion
Auteur d'un début de saison tonitruant avec l'Inter Milan, Marcus Thuram est en train de franchir un nouveau cap ces derniers mois. Au point de s'imposer comme le futur des Bleus à la pointe de l'attaque ?
« La dimension internationale vient avec ce qu’il fait. En Italie, un attaquant est surtout là pour marquer des buts. Il doit faire en sorte que son compteur soit encore plus élevé. » Interrogé sur l’excellente forme de Marcus Thuram lors de l’annonce de sa liste, Didier Deschamps ne pouvait que saluer le cap franchi par l’attaquant depuis qu’il a choisi de rejoindre l’Inter, cet été. Une place de titulaire indiscutable aux côtés de Lautaro Martinez, le but de la victoire contre Benfica en Ligue des champions, cinq passes décisives en Serie A et bien sûr un golazo qui a fait le tour du monde lors du derby della Madonnina : c’est peu dire que les débuts de l’ancien Guingampais de l’autre côté des Alpes sont réussis. Sans compter son premier pion en Bleus, en septembre face à l’Irlande. C’est ce qu’on appelle un changement de dimension.
C’est un cap, c’est une péninsule
Ces derniers mois, le 26e homme des Bleus au Qatar, appelé de dernière minute, est en train de s’imposer comme un avant-centre référencé du football européen. Sa recette ? « L’étape fondamentale de cette réussite, c’est son passage à Mönchengladbach qui lui apporte énormément sur l’intensité et les attitudes du haut niveau, la lecture du jeu, comment répondre rapidement à des situations sur le terrain, estime Albert Cartier, qui fut l’entraîneur du garçon pendant deux saisons à Sochaux. Il est en train d’élever encore son niveau, dans un club où on attend beaucoup plus. Quand on rentre en Italie, il y a une rigueur tactique, y compris au niveau défensif. Je me souviens de Ludo Batelli, sélectionneur des Espoirs à l’époque, qui m’avait dit : “C’est mon meilleur défenseur.” J’étais très heureux d’entendre cela, parce qu’il a eu du mal à intégrer qu’il y avait deux matchs à faire pour un joueur : un match offensif et un match défensif. »
7 – Marcus Thuram est impliqué sur 7 buts toutes compétitions confondues cette saison (5 buts, 2 assists), déjà plus du double que sur l'ensemble de l'exercice 2021/22 (3 en 23 rencontres). Relance. pic.twitter.com/la6KLepS6C
— OptaJean (@OptaJean) August 16, 2022
Plus complet, Marcus ? « Il a simplifié son jeu. Avec les U17 et U19, il était très facile. Il s’est retrouvé en professionnels et a compris que ce ne serait pas si facile de rentrer dans les défenses comme ça. Il a épuré son jeu et cherche plus l’efficacité que la beauté, poursuit Cartier. Quand il rentrait depuis le côté gauche, il avait déjà cette frappe qu’on a vue contre Milan. D’ailleurs ce jour-là, des potes m’ont dit : “wow, regarde le but de Thuram, un truc de fou” et sans l’avoir vu, dans ma tête, j’étais sûr que c’était ça : rentrer pied droit, crochet exter’ et frapper. » Le début de la gloire pour le fils de Lilian, désormais connu par son prénom y compris en Italie.
Un homme de l’axe
Sous les ordres de Simone Inzaghi, Marcus Thuram s’éclate dans l’axe, au sein d’une attaque à deux têtes. Un rôle qui lui va comme un gant, lui qui a pourtant répété ses gammes dans le couloir gauche, de Sochaux à l’Allemagne, en passant par ses premiers pas en Ligue 1 du côté de Guingamp. « À Sochaux, il jouait excentré côté gauche, mais il a toujours imaginé jouer dans l’axe, se remémore Albert Cartier, qui n’a jamais douté de l’évolution programmée de son protégé. Je me souviens d’un match de Coupe de France où on était allés se qualifier à Bastia, qui était alors en Ligue 1, et il avait été très bon dans l’axe. Déjà à cette époque, son objectif était de jouer dans l’axe, mais il manquait encore de maturité, et c’était difficile pour lui de jouer face à deux défenseurs. Il a maintenant les armes, les outils, surtout dans l’intensité et les duels. » Le garçon a travaillé avec acharnement pour faire évoluer son jeu en ce sens. « C’était un bon joueur de tête face au but, mais pas dos au but. Dans le jeu aérien, il avait du mal à dévier ou remettre des ballons, dans les duels ça a été difficile pour lui, il a fallu qu’on travaille pas mal ce domaine-là. »
« L’Italie m’apprend à être spécifique au poste, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi l’Inter. Ça va vraiment me permettre de me fixer à ce poste axial, appréciait ces derniers jours l’intéressé dans les colonnes de L’Équipe. Après, cela m’apporte d’autres choses : en Italie, on me demande d’être beaucoup en pivot pour les coéquipiers, de servir de relais pour les milieux, d’attaquer la profondeur. Dans les déplacements dans le jeu, j’ai dû apprendre de nouvelles méthodes ici. » Le dernier maillon de la progression d’un joueur qui n’a jamais été programmé pour attendre que le jeu vienne à lui sans broncher. « C’est pas le gars qui attend les ballons devant le but pour les convertir. Il n’est pas dans le profil de Giroud par exemple, il est plus joueur, il aime être à la construction. C’est un joueur qu’on peut retrouver à 30 mètres de son but », détaille Cartier. En revanche, le bonhomme n’aime pas trop se sentir seul. « Il sera toujours plus à l’aise à deux, à mon avis. Il faut qu’il ait des solutions autour de lui, des relais en phase de possession », conclut son ancien technicien.
Plus rien d’un bleu
Une préférence tactique qui pourrait à terme le freiner en équipe de France, où Didier Deschamps n’aligne jamais deux pointes, du fait notamment de la position très libre de Kylian Mbappé. L’un des rares attaquants français à ne pas évoluer au sein d’un PSG qu’il a refusé de rejoindre cet été pointe pourtant le bout de son nez dans le fameux débat visant à désigner le futur avant-centre des Bleus, si un jour Olivier Giroud devait tirer sa révérence. Fini les rares entrées en jeu à la 85e minute et place aux titularisations plus régulières ? « C’est l’objectif de tout joueur français, non ? Oui, c’est un rêve d’enfant pour moi. C’est ça aussi qui me fait me lever le matin. C’est l’essence de mon travail de réussir à devenir un jour titulaire », lançait-il encore cette semaine. Son temps de jeu en hausse constante depuis le Qatar et ce premier but international plaident tout doucement en sa faveur.
« Il est peut-être au début de quelque chose, on l’espère tous, s’enflamme Cartier, qui verrait bien le bonhomme de 26 ans venir au moins s’installer durablement dans la rotation en sélection. Mais ce sont ses performances en équipe de France qui valideront ce qu’on est en train de dire. Il sait ce qu’il veut et il va aller le chercher parce que c’est un garçon qui a du caractère, de la personnalité. Il n’est pas que dans la gentillesse. Je dirais qu’aujourd’hui, il y a Giroud qui est là, il va certainement faire l’Euro. Ensuite derrière, il y a des joueurs qui auront leur chance et ce sera à eux de faire le travail. Mais il y a plusieurs joueurs qui ont ce potentiel. » La course est lancée, et chacun peut préparer ses meilleurs arguments. Ceux de Marcus Thuram commencent à prendre une certaine ampleur.
Par Tom Binet
Propos d'Albert Cartier recueillis par TB.