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Marcus Rashford, l’homme qui fait éclater les ampoules
De nouveau décisif cette semaine lors d'un match face à une grosse cylindrée, Marcus Rashford vit le meilleur début de saison de sa jeune carrière. Samedi, à l'Etihad Stadium, c'est de nouveau lui qui sera principalement scruté sous les projecteurs. Parfait : il adore ça.
Old Trafford, le 25 février 2016. Le FC Midtjylland est à Manchester pour un exploit, rendu possible par une victoire historique décrochée à l’aller au Danemark (2-1). Avant ce seizième de finale retour de C3, Louis van Gaal fait des ronds dans son bureau et retourne le casse-tête dans tous les sens : avec une grosse dizaine d’absents, son Manchester United est dans le dur et se doit de construire son retournement de situation avec de l’inédit. Ainsi, au moment de coucher son onze, le Pélican dépose Guillermo Varela sur le côté droit de la défense, Michael Carrick dans l’axe, le jeune Joe Riley à gauche et fait installer quelques puceaux (Love, Poole) sur sa banquette. Et c’est parti pour le voyage. Enfin, pas tout à fait : lors de l’échauffement, Anthony Martial se blesse à la cuisse et doit laisser sa place à un certain Marcus Rashford, une jeune promesse de dix-huit piges. Rashford a souvent dû se battre face aux éléments, et ce soir-là, son décollage dans le monde pro n’a été rendu possible que grâce à l’alignement parfait de certains détails majeurs : une montagne de forfaits, la blessure de dernière minute de Martial, le fait que quelques semaines plus tôt, son club a refusé de le prêter à Crewe Alexandra…
À la pause, Manchester United et Midtjylland se regardent dans les yeux (1-1), alors Van Gaal décide de prendre à part le petit Rashford, qui a dit plus tôt dans la journée à sa mère de rester chez elle, car il était peu probable qu’il entre en jeu. Les consignes du Pélican sont simples : moins de courses dans tous les sens, plus de présence dans la surface, et quelque chose se passerait. Et le quelque chose est arrivé, treize minutes plus tard, sur une remise de Mata, au bout desquelles Marcus Rashford a filé l’avantage à son club formateur, avant de s’envoyer un doublé à un quart d’heure de la fin de la foire. Ou comment se mettre à poil dès sa première virée avec les grands et changer la face de son destin : Rashford a pris son envol il y a maintenant plus de trois ans et à 22 ans, le voilà patron de Manchester United.
Profession grimpeur
Aucune surprise face à cet avènement, le gamin a été taillé pour ça. On parle ici d’un type qui, enfant, s’écrivait des lettres dans lesquelles il évoquait son seul but dans la vie : « Être un footballeur professionnel, et j’espère que ce sera à Manchester United. » On parle surtout d’un joueur qui incarne aujourd’hui mieux que personne son club, qui le porte en permanence et qui rassure les supporters dans une période post-Ferguson marquée par le chaos et la reconstruction permanente. Samedi, à l’Etihad Stadium, Rashford aura de nouveau le canon au bout des doigts et ça tombe bien, car c’est le genre de combats dont il raffole. Ça, on le sait depuis le premier jour, lui qui avait planté un doublé contre Arsenal lors de sa première sortie en Premier League, fabriqué un but décisif lors d’un derby contre City moins d’un mois plus tard, et n’a jamais cessé de répondre lors de la montée des sommets à la manière d’un Fausto Coppi. Rien que cette saison, l’international anglais a été décisif au cours des réceptions de Chelsea, Leicester, Liverpool, lors du match de Carabao Cup au Bridge et face à Tottenham cette semaine, où son troisième doublé de la saison a pris la forme d’un pain envoyé dans la tronche de son adversaire du soir, un certain José Mourinho. En rentrant chez lui mercredi, Rashford y est même allé de son tweet : « Doubters just spur me on. » Clinique.
Clinique et ciblé en direction d’un coach avec qui Marcus Rashford a entretenu pendant un peu plus de deux ans une drôle d’incompréhension. Une incompréhension notamment basée sur le rôle du joueur : le Portugais voit en Rashford en ailier gauche, l’Anglais se rêve davantage en buteur. « Et je ne dis pas qu’il ne peut pas être un bon numéro neuf, se justifiait encore Mourinho sur Sky Sports en septembre. Il peut même être un numéro neuf très dangereux si l’adversaire lui laisse de l’espace. Il peut être très dangereux dans les transitions offensives. Si je préférais l’installer en ailier, c’est pour une raison simple : la majorité des équipes venaient jouer à Old Trafford et fermaient la porte, installaient un premier bus, puis un second. Marcus n’avait donc aucun espace et je ne pense pas qu’il soit utile lorsqu’il est dos au but. » Interrogé au cours de son mandat à Manchester par Hristo Stoichkov, José Mourinho avait également pointé « le manque de maturité » d’un Rashford qui n’a jamais vraiment trouvé sa place sous les ordres du technicien portugais. A-t-il abandonné pour autant ? Non, et cette période aura pour de bon mis en lumière le caractère d’un mec qui n’a jamais lâché et a même refusé de quitter le navire malgré le paquet de critiques qui lui est tombé sur le crâne. Le rôle premier de Solskjær, le cinquième entraîneur de sa carrière, aura donc été de remettre la gâchette au centre de son projet et de lui filer les clés de son approche offensive : Mourinho construisait parfois avec Rashford, OGS a préféré bâtir autour de Rashford.
Le joueur-lampadaire
Résultat, le Norvégien a ressorti la meilleure version de Rashford, et l’Anglais présente aujourd’hui les meilleures statistiques de son club à tous les étages (meilleur buteur, meilleur passeur, joueur qui tire le plus et réussit le plus de dribbles par match…). Mais le premier avantage avec Marcus Rashford, c’est qu’on a toujours l’impression qu’il a encore plus à donner et qu’il peut toujours surprendre, ce qu’il avait parfaitement fait face à Liverpool en mars 2018, lors d’une journée où celui qui souffrirait d’une « addiction au but » selon Paul McGuinness, son ancien entraîneur chez les U18 de Manchester United, avait brillé par sa gestion de l’espace. Le second avantage est que Rashford entretient le mythe Manchester United, celui d’un club qui a toujours gagné avant tout grâce à ses propres produits, ce qu’est le numéro 10 des Red Devils. On parle certainement ici, au fond, du premier attaquant made in United de très haut niveau depuis Mark Hughes et donc d’un joueur-lampadaire pour les fans. Samedi, face à City, c’est donc de nouveau sur lui que les attentes reposeront, alors que Marcus Rahsford vit le meilleur début de saison de sa carrière. Il n’y a pas vraiment mieux qu’un derby pour définitivement remettre les sceptiques dans sa poche. Rashford n’a que 22 ans et a déjà connu les virages, les joies et les peines du foot de haut niveau. Après tout, comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince : « Droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin… »
Par Maxime Brigand