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Marcommedia dell’arte
C'est l'un des gestes techniques favoris de Marco Verratti, entre la roulette et le râteau qui élimine trois joueurs : la discussion interminable avec l'arbitre. Et si l'Italien remporte presque tous ses duels face aux défenseurs, il perd à chaque fois contre le corps arbitral. Sans doute à cause d'un jeu d'acteur caricatural et outrancier, qui l'empêche d'obtenir satisfaction.
La finale de la Coupe de la Ligue 2014 n’a commencé que depuis une minute et quinze secondes, mais Stéphane Lannoy fait déjà retentir son sifflet sur la pelouse du Stade de France. Sur le banc des accusés, un roublard habitué des coups bas, Thiago Motta, qui vient de balayer Arnold Mvuemba. Marco Verratti, lui, se trouvait à dix mètres de là, mais se sent investi d’une mission : celle d’aller contester la décision, pourtant incontestable. Et la machine du petit Italien se met en route. Les mains qui se placent vers l’avant, les yeux qui sortent de leurs orbites, et les mots qui coulent en cascade alors qu’il se dirige vers l’homme au sifflet. Immédiatement, Stéphane Lannoy se désintéresse de Mvuemba pour pointer Verratti du doigt en lui hurlant dessus : « Monsieur Verratti, non ! Pas de gestes ! Pas de gestes ! Pas de gestes ! » Quinze minutes plus tard, sur un coup franc lyonnais joué à 35 mètres, Verratti s’approche à deux mètres de Mouhamadou Dabo pour le gêner et fait à nouveau tiquer le gendarme du match. Nouveau coup de sifflet, et carton jaune pour le milieu de terrain parisien qui redémarre son cirque. Les mains contre la poitrine, qui s’écartent pour montrer la surprise, qui s’agitent, qui font signe à l’arbitre d’ouvrir les yeux. La scène dure longtemps, près de trente secondes, avant que Verratti n’accepte son sort et ne vienne se placer à la distance réglementaire. Cette scène, Verratti l’a déjà jouée mille fois, avec à chaque fois le même enseignement : l’Italien a beau être un footballeur génial, il est un acteur pitoyable.
Oscar du meilleur petit-fils
Ancien arbitre international, Bruno Derrien a déjà eu affaire à des bestiaux du même troupeau et n’hésite pas à placer les fautifs du côté de la Botte : « Les joueurs qui ont joué en Italie et les Italiens, pour beaucoup, sont très tactiles avec l’arbitre. En France, on n’a pas l’habitude de ça ! D’abord, c’est très désagréable quand vous êtes arbitre d’être entouré comme ça, quand les joueurs se collent autour de vous. C’est un sentiment très désagréable, surtout quand ils sont deux ou trois. » Avec un résultat contraire à l’effet recherché, puisque l’arbitre en question aura tendance à se crisper plutôt que d’essayer de comprendre le joueur. Quant à Maxime, acteur en train de terminer sa formation à l’historique cours Simon, il estime que si l’origine de Verratti peut jouer, sa principale erreur réside dans le type d’émotion qu’il tente de transmettre : « L’habitude de parler avec les mains, c’est très italien. Mais ce n’est pas comme ça qu’on doit jouer la surprise. Il devrait se montrer plus confiant, jouer la sérénité, sans chercher à extrapoler. Sans agresser l’arbitre avec des gestes, sans surjouer, tout est dans la simplicité. Car sinon, ça devient plus un spectacle que quelque chose de sérieux. Il fait ce qu’on appelle du cabotinage, c’est-à-dire qu’il en fait un peu trop ! » Mais comment empêcher d’en faire des tonnes un joueur qui, comme le confiait sa propre grand-mère au Parisien, faisait déjà semblant de tomber malade devant ses professeurs pour pouvoir rentrer jouer chez elle le plus vite possible : « Il disait à son maître à l’école qu’il avait mal au ventre pour pouvoir rester avec moi. Je lui faisais une camomille, mais il disait : « Non, ce n’est pas peine de faire de la tisane, j’ai fait semblant pour rester avec toi. » »
Victime de sa réputation
Mauvaise habitude prise sur le long terme ? Nature sanguine de type adorant se donner en spectacle ? Bruno Derrien penche pour la réponse B : « Ancelotti avait essayé de le contrôler, il l’avait engueulé. Mais c’est dans ses gênes, c’est comme ça, il n’arrive pas à se contrôler. » Le problème, c’est que Verratti finit par être grillé. Contre Rennes, alors qu’il était victime d’un penalty plutôt net, c’est lui qui a mangé un carton jaune pour simulation. Beaucoup ont estimé qu’il était victime de sa réputation, et lui-même a juré que l’arbitre avait commis « une erreur incroyable » . Verratti avait pourtant tout tenté, déployant des trésors de jeu d’acteur pour convaincre M. Bastien, en vain. « Il ne faut pas arbitrer un joueur avec des idées préconçues ou des préjugés » , estime Bruno Derrien, en ajoutant : « Après, il y a des comportements qu’on connaît, on peut parfois anticiper les soucis. » Pourtant, toujours de l’aveu de M. Derrien, Verratti a eu un professeur de choix avec Laurent Blanc : « Quand il venait vous parler, c’était posé, poli, courtois, sans exagération, sans attitude théâtrale. On savait qu’il ne bluffait pas. » La retenue et la mesure, clé du bon jeu d’acteur ? Maxime du cours Simon confirme, avec Thiago Motta comme référence : « Quand on le voit faire des poses, c’est à la Motta, on le connaît. Il est connu pour son cinéma simple et efficace. Il le fait d’une manière plus sereine, il a de la bouteille, il n’a pas besoin d’en faire trop. C’est une question d’expérience, ça joue beaucoup. Comme un comédien, plus t’as d’expérience et moins tu cabotines parce que tu es simple et sûr de toi. » Pas suffisant pour convaincre Benoît Bastien, qui a aussi filé un jaune à Motta pour simulation contre Rennes. Et oui, le cinéma italien a toujours eu du mal à s’imposer en France.
Par Alexandre Doskov
Tous propos recueillis par AD, sauf mention