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Marco Verratti vers l’Arabie saoudite : le sens de l’histoire
Les représentants d’Al-Hilal ne sont pas venus pour rien à Paris. S’ils n’ont pu, comme ils devaient s’y attendre pour le moment, ramener Kylian Mbappé, ils auraient réussi à convaincre Marco Verratti. Une prise de guerre non négligeable, qui ferait la joie économique du PSG, et qui révèle à quel point la stratégie s’inscrit dans la logique de l’évolution du football.
La parole de Marco Verratti est d’or, mais en quoi sera donc la suite ? Le champion d’Europe 2021 aurait donné à Al-Hilal son accord de principe pour un contrat de trois ans. Certes, le PSG n’a pas encore accordé son feu vert, car il espère bien récupérer plus que les 30 millions d’euros posés sur la table pour un joueur recruté pour 12 millions il y a onze ans et qui symbolise le projet qatari sur sa longueur (et préfigure peut-être son désengagement ?). Mais si le deal se conclut, il viendrait apporter une pierre supplémentaire à l’offensive tous azimuts de la part des Saoudiens (Al-Hilal a déjà dépensé 178 millions d’euros dont 60 pour Malcom et 23 pour Kalidou Koulibaly). Contrairement à ce que l’on a pu croire, ils affichent bien d’autres ambitions que de s’offrir des matchs de gala avec des stars en fin de carrière grassement payées pour la photo. Le débauchage de joueurs de plus en plus jeunes illustre ce désir.
Logique, vous avez dit logique ?
Le choix de Marco Verratti, 30 ans, peut effectivement s’interpréter sous l’angle uniquement financier et de l’appât du gain. (La Gazzetta dello Sport évoque un salaire net de 52 millions d’euros par an.) Cette dimension est sûrement encore déterminante. Le « Petit Hibou » peut aussi se demander quelle serait sa place à l’avenir dans l’effectif parisien avec l’arrivée de concurrents au mercato ou encore dans les choix du nouvel entraîneur Luis Enrique, sans oublier du peu de candidats assez riches en Europe pour se l’offrir. Le fait qu’il soit mis dans la balance pour convaincre Manchester City de lâcher Bernardo Silva aux Parisiens n’est pas anodin. Il est peut-être lui aussi lassé par les échecs en Ligue des champions. Mais en se rendant dans le Golfe, dont la société et l’environnement ne semblent a priori vraiment pas correspondre à son mode de vie, il ne doit pas avoir malgré tout l’impression d’enterrer totalement sa carrière. Rafaela Pimenta, son agente, l’avait laissé entendre : « J’apprécie ces offres, nous devons respecter les clubs d’Arabie saoudite. Le fait qu’ils dépensent cet argent signifie qu’ils ont des projets concrets. »
La décision de Marco Verratti doit être replacée dans les transformations du football, de son économie et de sa géopolitique. La minorisation des sélections nationales, la montée en puissance des clubs, dont la Superligue n’est que la transcription un peu trop précoce, la marchandisation de plus en plus poussée de ce sport, déconnecté de ses ancrages territoriaux, historiques ou culturels… Tout ça libère le champ des possibles pour les joueurs. Le Vieux Continent perd de sa superbe, pour avoir lui-même laissé filer la course folle du ballon rond, l’UEFA la première. Les Saoudiens aperçoivent fort bien les perspectives qui s’offrent à eux. La Coupe du monde des clubs va leur permettre de se mettre en avant dans cette espèce de Mondial bis, que la FIFA compte tout aussi bien exposer et valoriser. Les tensions persistantes autour de la Superligue, et qui maintiennent la pression sur la C1, permettront peut-être aux clubs du Golfe, dans un futur proche, d’obtenir des invitations dans les compétitions européennes, en guests de luxe, ce qui amplifierait l’attractivité du championnat saoudien auprès non seulement des trentenaires, mais également des jeunes espoirs. Finalement, une seule certitude avec l’arrivée de Marco : nous plaignons d’avance les arbitres saoudiens…
Par Nicolas Kssis-Martov