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« Marco Verratti faisait briller les yeux des gens »
Onze ans après avoir débarqué dans l'ombre de Zlatan Ibrahimovic, Marco Verratti a été exfiltré en catimini d'un PSG qu'il aura largement contribué à faire grandir. Mais si le « petit hibou » ne faisait plus l'unanimité, il laissera une marque indélébile dans la mémoire de nombreux milieux de terrain passés par le club. Témoignages.
Daniel Bravo, milieu de terrain du PSG de 1989 à 1996
« Voir Marco Verratti partir comme ça est un énorme gâchis. Il est encore jeune, le voir évoluer dans le championnat du Qatar est dommage. Je ne comprends pas vraiment la décision du club. La situation s’est dégradée assez vite, on l’a tenu responsable des résultats en Ligue des champions et on a peut-être considéré qu’avec lui, le PSG ne la gagnerait jamais. L’image de fêtard lui a collé à la peau, et je pense que ça a fini par déranger les gens qui se disaient “c’est normal, il n’est pas sérieux” à chaque fois qu’il se blessait. C’est un joueur magnifique qui a toujours mouillé le maillot, donc je suis déçu de ce qui lui arrive. Pour autant je ne le plains pas, parce qu’au Qatar, il va avoir la belle vie. Mais sportivement, c’est une signature sans ambition. Le public parisien est devenu trop difficile. On oublie un peu vite, même si c’était il y a quelques années, que le Paris Saint-Germain s’est sauvé à la dernière journée pour ne pas descendre en Ligue 2 (en 2008, NDLR). Quand je vois que l’on se réjouit du départ de Verratti, de Messi ou de Neymar, ça m’attriste. Voir Marco Verratti quitter le club, c’est une page importante qui se tourne.
Quand il y avait Marco, Thiago Motta et Blaise Matudi, c’était l’un des plus beaux milieux de terrain qu’ait eus le Paris Saint-Germain. Je ne l’oublie pas. Je suis persuadé qu’il avait encore le potentiel d’être à ce niveau-là. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est de ne pas avoir progressé au niveau de ses statistiques, avec le temps il aurait dû marquer plus de buts et être plus efficace dans les 30 derniers mètres. Le mot légende s’adresse à très peu de joueurs, c’est un mot très fort. C’est plus réservé aux attaquants, ceux qui marquent l’histoire d’un club par leurs statistiques. Marco restera comme quelqu’un qui a écrit une page d’histoire au Paris Saint-Germain, mais une légende à Paris ce serait plutôt Rai, Pauleta…
Je garderai le souvenir d’un garçon qui ne lâchait jamais rien avec un super état d’esprit, qui perdait rarement le ballon, qui réussissait à se sortir de situations incroyables même entouré de deux ou trois joueurs. Parfois, c’est vrai, il prenait trop de risques, et le fait qu’il ait perdu ce ballon en Ligue des champions (à Munich lors de l’élimination en mars dernier, NDLR) lui aura coûté cher. Je dirais juste merci Marco, et bon vent. »
Momo Sissoko, milieu de terrain du PSG de 2011 à 2013
« Marco a fait son temps au Paris Saint-Germain. C’est une situation qui peine un peu, mais c’est le bon moment pour lui de voir autre chose. Le fait qu’il soit parti est triste pour les supporters et pour lui, mais Paris part sur un nouveau projet. Le cycle s’est terminé avec l’arrivée de Luis Enrique, le club voulait avoir d’autres joueurs, d’autres mentalités. Ces trois ou quatre dernières années, on a plus parlé de Marco pour son actualité extrasportive, les supporters l’ont beaucoup critiqué. Mais ça n’empêche pas qu’ils soient nombreux à être attristés par son départ. Il fait clairement partie des meilleurs joueurs de l’histoire du club, il a apporté une vraie plus-value. Ça fait onze ans qu’il est là, il a gagné des titres majeurs et contribué au développement du Paris Saint-Germain. C’est tout à fait légitime qu’ils fassent un hommage à la hauteur de ce qu’il a représenté pour le club (vendredi avant le match contre Nice au Parc des Princes, NDLR). Pour avoir joué avec lui et suivi son évolution, je pense que Marco mérite un grand respect.
#MerciMarco ❤️💙 pic.twitter.com/qkrlyUhcsA
— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) September 13, 2023
La fin est triste, comme elle l’a été avec Thiago Silva et d’autres. À partir du moment où tu ne fais plus l’unanimité dans un club, c’est comme ça que ça se passe. Tout ce qu’on peut souhaiter à Marco, c’est qu’il soit heureux dans sa nouvelle aventure. Pour lui, je pense que ça a été un choix très difficile : il a sa compagne qui est de Paris, il a une attache à la ville, un restaurant, beaucoup d’amis… Je pense qu’à l’heure actuelle, il est triste de quitter le PSG. Mais après avoir été un élément majeur et avoir participé à ce que le club grandisse, tu ne peux partir que la tête haute et sans regrets. Quand je l’ai côtoyé à son arrivée, je pensais déjà qu’il allait contribuer à quelque chose de grand. Après onze ans, je ne suis pas surpris de l’impact qu’il a pu avoir au sein du club. Il va laisser un grand souvenir parce qu’il a contribué à ce que le PSG puisse gagner des titres. »
Vincent Guérin, milieu de terrain du PSG de 1992 à 1998
« J’ai été très surpris de voir son départ vers le Qatar. C’est un peu tôt pour lui, à 30 ans c’est un joueur qui aurait pu rester encore en Europe. On n’aurait pas crié au scandale s’il était resté. Il est arrivé sur la pointe des pieds et a fait un parcours brillant. C’est difficile de savoir quelle place lui donner dans l’histoire du club. Ça restera un joueur atypique de par son style, sa particularité technique. Surtout quand il était plus jeune, peut-être qu’avec l’âge il avait plus de difficultés à se sortir des pressings, mais c’était une de ses caractéristiques d’être capable de se sortir de n’importe quelle situation dans des espaces de jeu très réduits. Une légende du PSG ? Ça dépend ce qu’on entend par légende. Aujourd’hui, les joueurs qui font deux ou trois matchs sont considérés comme des stars. C’est surtout sur la durée de son bail qu’il restera quelque chose, le fait d’avoir joué aussi longtemps. Parti de rien et quasiment arrivé à tout. Mais il manque certainement quelque chose sur la scène européenne. Malheureusement, il n’a pas été très décisif, et j’ai du mal à sortir un match référence de Marco Verratti.
On oublie un peu tout son parcours. On reste sur les blessures et son côté bon vivant. Sportivement, c’est quelqu’un qu’il faut saluer pour tout ce qu’il a apporté au club. Comme d’habitude, les supporters ont un peu la mémoire courte. Ils avaient peut-être envie de voir un joueur comme ça apporter encore plus. C’est le regret d’un peu tout le monde et ça écorne son image. On a la sensation qu’il n’a pas tout mis en œuvre pour faire les meilleures performances possibles. Mais il reste un joueur qui a fait lever les foules et vibrer des gens, donc émotionnellement, c’est très fort.
Je pense que lui aurait souhaité sortir différemment, mais on ne choisit pas. J’ai vécu la même chose et c’est le cas de plein d’autres. Mais la porte sera toujours grande ouverte pour lui au club, en tout cas je l’espère. Il laissera l’image d’un joueur brillant, qui avait des fulgurances et était capable d’être flamboyant. C’était un peu un toréador au milieu des taureaux qui étaient en face de lui, il les faisait vaciller ou slalomait entre eux. Ce sont les images fortes qui resteront de son passage et de sa personnalité footballistique parce que c’était quelqu’un d’étonnant. Il faisait briller les yeux des gens. »
Propos recueillis par Tom Binet