- Bundesliga
- J34
- Dortmund-Mayence (2-2)
Marco Reus, le poissard incurable
Privé d’un premier titre de champion d’Allemagne lors de la dernière journée, Marco Reus a confirmé sa triste réputation de chat noir. Entre blessures, finales perdues et actes manqués.
Aussi prestigieuses soient-elles, la Coupe et la Supercoupe d’Allemagne ne sauraient contenter le palmarès d’un footballeur ambitieux. Notamment quand il s’appelle Marco Reus. Malheureusement, ces deux trophées (cinq, au total) sont bien les seuls à garnir l’armoire du vétéran de 33 ans. Car ce samedi 27 mai, la victoire nécessaire au sacre du Borussia Dortmund s’est évaporée en une mi-temps. La faute à l’équipe de Mayence venue jouer sans tricher (2-2) malgré un Signal Iduna Park prêt à exploser. La légende du BvB, débarquée dans la Ruhr à l’été 2013 pour justement donner une nouvelle dimension à sa carrière, a donc échoué pour la énième fois. Le brassard au bras.
Mur jaune, chat noir
Dix ans après son arrivée, tout devait pourtant se décanter. Dans cette improbable année 2023, le Borussia Dortmund – largué de neuf points à la trêve hivernale par le Bayern Munich – revenait de nulle part pour prendre la tête de la Bundesliga. Mais comme souvent, c’est au moment de conclure que tout est parti en vrille. Car à la manière d’un scénario écrit pour Robin Williams, l’histoire de Marco Reus n’aura été que succession de malchance. Des événements contraires qui auront vu leurs prémices se dessiner à Wembley pour sa première saison, puni (déjà) par le bourreau Bayern en finale de la Ligue des champions avec un but dans la dernière minute signé Arjen Robben pour lancer la triste tradition « reusienne ». Un an plus tard, c’est une célébration d’une somptuosité encore plus grande que le meneur de jeu a vu passer sous ses crampons. Élu meilleur joueur de Bundesliga en 2014, Reus enfilait son costume d’espoir enfin confirmé pour conduire l’Allemagne sur la route de la Coupe du monde au Brésil. Cependant, tout s’est écroulé dans le money time.
Touché à la cheville deux jours avant le départ de la Mannschaft vers Bahia, l’enfant de Dortmund avait dû déclarer forfait en laissant à Mario Götze – l’autre Kind promis à la gloire – le soin de devenir le héros national face à l’Argentine. « De toutes mes galères en carrière, avoir manqué la Coupe du monde 2014 est la plus traumatisante, a-t-il décrit, pour Kicker. Apprendre à la veille du départ que vous ne pourrez pas jouer le tournoi pour lequel vous vous êtes préparé toute la saison, qui plus est en voyant la sélection remporter le sacre à la fin… C’est terrible ! Sans ma famille, je ne sais pas ce que j’aurais fait… » Une confession aux allures de thérapie, pour un joueur censé incarner le renouveau du ballon allemand et qui n’aura en réalité fait qu’assister à sa renaissance. Comme un symbole, d’ailleurs, le seul Mondial auquel il aura pris part a été le fiasco russe de 2018 conclu par une sortie dès le premier tour. Et comme un autre symbole, son but contre la Suède en phase de groupes (victoire 2-1) a longtemps entretenu l’espoir d’une qualification en huitièmes avant que tout ne s’effondre face à la Corée du Sud lors de l’ultime journée. Morale de l’histoire : avec Marco Reus, mieux vaut donc ne jamais y croire.
Marco Loose
Une vie d’échecs sportifs perpétuels, auxquels ont su échapper nombre de ses confrères. Götze, Robert Lewandowski, Lukasz Piszczek, Marcel Schmeltzer, Roman Weindenfeller… Tous ont été champions avec le BvB en 2011 puis 2012, et tous sont partis vers de nouveaux horizons. Désireux de lui aussi goûter à la vie de l’outsider victorieux, Reus a donc choisi de prolonger l’aventure en jaune et noir. Son club de cœur, de vie et de défaite qui lui aura octroyé ce statut d’éternel second une décennie durant. Un parcours de Poulidor, loin de la machine bavaroise n’ayant eu de cesse d’envoyer les sirènes le draguer.
Sans succès. Mieux vaut un petit chez soi, qu’un grand chez les autres. Et si le début du siècle a vu l’Allemagne donner naissance au Bayer Neverkusen, cette équipe de talents malchanceux, elle peut aujourd’hui en voir la réincarnation dans un bonhomme tout aussi génial : ce Marco Loose, prisonnier de ses failles et de son propre romantisme. Mais finalement, les secrets de la beauté ne se trouveraient-ils pas auprès des perdants magnifiques ?
Par Adel Bentaha