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Marcelo Bielsa est-il un hipster ?
Génie pour les uns, escroc pour les autres, Marcelo Bielsa ne laisse personne indifférent, depuis son arrivée en Ligue 1. Un peu comme les hipsters, depuis qu'ils ont envahi les quartiers populaires de nos cités. Et si l'Argentin en était ? Analyse du phénomène en quatre points.
Son look
Oui, c’est un hipster : Survêt’ Adidas informe, lunettes de mamie, tignasse qui tombe là où son implantation capillaire aléatoire en a décidé. Si Marcelo Bielsa est un hipster, il appartient à la tribu la plus extrême : celle des normcore. À savoir, ces êtres pour qui les chemises à carreaux, les lunettes à montures en plastique coloré volées à la petite sœur et les casquettes de routier sont beaucoup trop mainstream (un terme qu’ils considèrent comme ringard depuis bien longtemps).
Non, c’est juste un beauf : Ce jogging, ces lunettes d’une autre époque et ce mépris général pour tout ce qui touche à l’apparence, font de l’Argentin une créature qu’on a envie de poser sur un canapé en velours surplombé par une scène de chasse en canevas, et Questions pour un champion en fond sonore. Une ambiance très éloignée de celle d’une friperie ou d’une pâtisserie garantie sans gluten.
Sa hype
Oui, c’est un hipster : Qu’il s’agisse de musique, de cinéma, de littérature ou de toute autre forme de culture, le hipster aime énoncer ses découvertes récentes en concluant d’un immuable « Quoi, tu connaissais pas ? » , aussi hautain qu’insupportable. Concernant le technicien argentin, l’honnêteté pousse à avouer qu’il y a moins d’un an, pour 80% des fans de foot de l’Hexagone, son évocation ne réveillait pas plus l’attention que celle d’Arcade Fire. Or, aujourd’hui, tout le monde semble avoir suivi de près les matchs de l’Athletic Bilbao la saison passée, ou la campagne de qualification du Chili pour la Coupe du monde 2010. Un peu comme ce pote que vous quittez un soir après vous être fait un block-buster au ciné, et que vous retrouvez le lendemain, barbu, tatoué, et ne se souvenant plus avoir vu autre chose que des films de Wes Anderson dans sa vie (même si récemment, c’est devenu un peu mainstream, hein).
Non, il est authentique : Bielsa, à l’inverse d’Arcade Fire, est un technicien adoubé depuis longtemps comme un grand par ses pairs. Son relatif anonymat en France, avant son arrivée à la Commanderie, était réel (c’est là toute la différence avec un phénomène hipster), et surtout due au manque de curiosité de bon nombre de médias spécialisés.
Sa communication
Oui, c’est un hipster : Le gentrificateur fait à coup sûr partie des 10% de Français qui déclarent regarder régulièrement Arte, quand la chaîne franco-allemande dépasse rarement les 2% d’audimat. Surtout depuis que RMC Découverte a mis la main sur le game du docu-fiction retraçant les aventures du IIIe Reich. De fait, le hipster prend beaucoup de plaisir en se connectant sur OM.net pour prendre son shoot de Bielsa. Des conférences de presse en espagnol, traduites aléatoirement par un moustachu qui semble tout droit sorti d’un film des frangins Dardenne. Quel kiff !
Non, c’est un calculateur : Marcelo Bielsa est simplement un autiste, qui galère en cours de français. Et le choix de ce traducteur, à la maîtrise incertaine de la langue de Maradona, l’arrange bien pour justifier des choix qui tiennent la plupart du temps plus du coup de poker que du génie tactique.
L’arrière-goût de vide que procure une conversation avec un hipster
Oui, c’est un hipster : Au temps jadis, avant que le phénomène hipster devienne une norme, les premiers contacts avec l’espèce naissante étaient empreints d’un regard neuf et innocent. Ce petit homme barbu, qui n’était alors qu’un barbu plutôt avenant, savait accrocher l’attention en dissertant à propos de sa bicyclette à pignon fixe, délicieusement vintage et insolite. Ou de son végétarisme non militant. Un peu comme ce gaucho hirsute qui cause défense en individuel en 2015, séduit avec son discours sur le respect du corps arbitral et intrigue avec ses entraînements intenses comme une monstrueuse collection de 33 tours rares. Mais avec le temps, ce vélo ne semble vraiment pas pratique, privé de garde-boue et de dérailleur. Ce que le hipster mange, boit, écoute, lit ou regarde paraît finalement assez creux et vain, dans le fond, malgré une forme aux premiers abords attrayante. D’où cet irrésistible élan primaire, qui pousse à se demander : « Mais comment peut-on être aussi voyant en ne servant autant à rien ? »
Attendons de voir : La saison n’est pas terminée. En cas de réussite, il sera alors temps de mesurer l’utilité du passage de Marcelo Bielsa en Ligue 1. Et de l’éventuel héritage qu’il y laissera.
Par Mathias Edwards, avec Bertran Guilhem